Les contestations politiques au Mali mis en exergue par les manifestations de ces dernières semaines sont un épisode de plus dans l’histoire tumultueuse du Mali. Il serait dommageable de ne pas affronter ces défis et de nous contenter de mettre la poussière sous le tapis et faire l’autruche. Pour trouver des solutions à cette énième épisode nous devons à mon sens prendre en compte sa dimension certes hautement politique, mais également une économique, qui est le grand absent des divers débats actuellement en cours.
Il est important sur le plan politique d’interroger le processus de consolidation démocratique au Mali. Les critères d’évaluation sont nombreux, on peut retenir l’ancrage de l’Etat de Droit, une bureaucratie fonctionnelle et l’absence de clientélisme institutionnel. Partant de là il est aisé pour chacun de constater des failles dans l’émergence d’un Etat de droit, la présence d’un clientélisme institutionnel et des difficultés pour la mise en place d’une bureaucratie efficace permettant de mettre en œuvre la vision des pouvoirs publics. Nous pouvons donc arriver à la conclusion que la consolidation démocratique a connu des ratés depuis 1991.
On remarque par ailleurs, dans le détail que les Institutions se sont recroquevillées sur elles-mêmes ne servant plus que les intérêts de petits groupes et se coupant des populations. Cela a conduit à une situation de contestation forte au cours de la dernière décennie. A cela est venu se greffer en toute logique l’affaissement de l’Etat que certains qualifient de faible, fragile ou de faillit. Ce qu’il faut retenir c’est qu’il ne remplit plus son rôle régalien.
Sur le plan économique le “Plan de développement économique et social” (PDES) du Président ATT ou encore la politique socialiste du Président Alpha Oumar Konaré se sont heurtés à plusieurs défis aussi bien internes qu’externes. Sur le plan interne ces politiques ont été plombées par un manque de vision et une définition claire des objectifs à atteindre, ainsi que par la corruption et la mauvaise gouvernance. Sur le plan externe nous avons été entrainés dans un cycle de libéralisation et de mise en pratique de politiques décidées par des technocrates à Washington apposant des recettes inadaptées à notre économie.
Ainsi nous avons basculé dans la désindustrialisation, la destruction d’emplois stratégiques et l’ouverture de nos marchés sans filet de sécurité pour les producteurs locaux. La conséquence est que nous ne parvenons pas à réduire le chômage des jeunes, à faire émerger une classe moyenne (capable d’influencer positivement la politique nationale) malgré des chiffres macroéconomiques flatteurs.
Ainsi si nous amoncelons des défis politiques caractérisés par un déficit d’institutionnalisation et des défis économiques caractérisés par un manque de vision stratégique et de résultats en matière de lutte contre la pauvreté et le chômage insuffisants.
Il est difficile pour le moment de savoir quelle sera l’issue de cette énième crise, mais il est impératif que nous apportions des réponses à ces défis pour continuer à exister en tant que pays et pour aller vers la construction d’un avenir commun. Répondant à la fois à la crise politique et économique nous participerons à apporter une réponse à la crise sécuritaire.
Ce travail de réflexion et de reconstruction profond doit aboutir à une doctrine solide identifiant des objectifs clés en fonction des moyens locaux. Il doit être porté par les intellectuels, la société civile, les leaders religieux, coutumiers mais aussi par les hommes politiques. Il ne doit souffrir d’aucune instrumentalisation politique, les enjeux étant cruciaux.