Mali, le temps de la remise en question

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Le Mali traverse une période décisive de son histoire depuis le 05 Juin 2020 où s’est tenue à la place de l’Indépendance la première grande mobilisation de protestation contre le régime d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Cette protestation qui a duré deux mois et demi a été parachevée par l’intervention du Comité National pour le Salut du Peuple (Forces de Défense et de Sécurité) le 18 Août 2020 avec la dissolution de l’Assemblée Nationale par le Président de la République, la démission de son Gouvernement et sa propre démission de ses fonctions de Président de la République avec toutes les conséquences de droit.

  1. Le Comité Nation pour le Salut du Peuple (CNSP) entre responsabilité et opportunité

Aux premières heures de cette nouvelle ère poste IBK, le CNSP semblait vouloir se dessaisir rapidement de la charge d’assumer et d’assurer l’exercice de la gestion transitoire des affaires de l’Etat. Mais, au fur et à mesure que le temps s’écoule, les rencontrent et consultations se multiplient entre le CNSP et les acteurs nationaux et internationaux ; et les interrogations deviennent nombreuses sur les intentions du CNSP et les contours de la transition.

Cependant, les concertations nationales annoncées pour le 10, 11 et 12 Septembre 2020 entre l’ensemble des forces vives de la nation sur les finalités, l’architecture et les organes de la transition dont les termes de référence ont été validés le 05 Septembre 2020 nous rassurent.

  1. La transition, l’occasion de toutes les attentes

Cette transition qui se profile à l’horizon est le rendez-vous de toutes les attentes au Mali.

De façon répétitive, il nous revient de constater que la solution proposée par la majorité des Maliens pour guérir le Mali des maux qui l’ont fragilisé pendant le dernier quart de siècle est sa refondation.

Mais de quelle refondation s’agit-il ?

Une analyse de l’opinion de la masse populaire nous laisse penser qu’il s’agit d’un nouveau système de gouvernance qui assure :

  • labonne gouvernance (une gestion transparente et efficiente des affaires de l’Etat) ;
  • la bonne distribution de la justice (une justice exempte de corruption et impartiale dans ses verdicts) ;
  • l’instauration de la méritocratie (recrutements ou nominations par qualification et expertise) ;
  • des élections crédibles et acceptées par les citoyens ;
  • l’amélioration du cadre de vie des citoyens (la réduction de la pauvreté, l’amélioration de la productivité et des revenus des ménages) ; etc.

Certes, nous partageons cette perspective d’un Mali refondé, mais nous estimons qu’un tel exercice ne pourrait être accompli pendant la période transitoire qui s’annonce. De surcroît, il faille s’interroger sur la méthodologie à suivre pour la refondation du Mali.

Il convient de prime abord de se mettre d’accord sur la finalité ultime recherchée par les Maliens. Il s’agit de répondre à la question : quel Mali voulons-nous, pour nous et pour notre postérité ?

Une fois s’être mis d’accord sur la finalité ou la destination, nous pouvons ensuite nous questionner sur le meilleur chemin à suivre pour nous y rendre ; puis le moyen le plus rapide pour y arriver ; et en fin décider de l’équipe qui nous conduirait au regard des exigences requises.

Cet exercice devrait à mon sens être le premier travail à faire, avant de convenir des objectifs de la transition, de son architecture, des organes de gouvernance et de la charte de la transition.

Le chemin ainsi poursuivi nous permettrait certainement d’avoir une bonne transition, mais pourrait ne pas nous conduire à un Mali refondé, si nous ne nous accordons pas au préalable sur la finalité recherchée.

Réfléchissons sur ceci : comment ressemblerait un Mali refondé institutionnellement sans reconstruction préalable du citoyen malien ?

Si nous accordons crédit à ce qui a justifié le soulèvement populaire contre le régime d’IBK, la corruption érigée en système de gouvernance, alors un Mali refondé sans une reconstruction préalable du Malien serait identique au Mali d’avant ou probablement pire encore ; parce que la tentation de la corruption serait si forte que le système judiciaire ne pourrait s’abstenir et l’Etat s’écroulerait de nouveau.

Pour ne pas retomber dans les travers du passé, il est urgent d’amorcer la reconstruction du citoyen malien sous la transition et l’accélérer au lendemain des prochaines élections.

Il s’agit de réconcilier le Malien avec ses valeurs cardinales et extraire de lui celles empruntées ou mal imitées.

Ce changement de comportements est l’exercice le plus fastidieux auquel les Maliens devraient se soumettre pour une refondation réussie du Mali ; parce qu’il s’agira pour chacun de nous de changer et non exiger des autres le changement.

Pour réussir le changement de comportements, il faudrait un effort soutenu et répétitif dans le temps jusqu’à ce que le respect de nos valeurs cardinales devienne la normalité. Dans ce nouveau processus, le rôle de la presse est plus que jamais cardinal pour rappeler constamment aux Maliens les comportements à adopter et ceux à bannir.

Conclusion

En conclusion, nous pensons que refonder l’Etat avant de reconstruire le citoyen serait de mettre la charrue avant les bœufs.

La gravité et l’ampleur de la crise que nous traversons imposent à chaque citoyen une réflexion sérieuse et profonde sur la finalité que nous voulons pour le Mali de demain.

Nous croyons que le dialogue permanent entre les Maliensest la voie pérenne pour convenir du Mali que nous voulons, faire les ajustements nécessaires au fur et à mesure que nous avançons dans la refondation, ce qui permettrait de réconcilier les cœurs et renforcer la cohésion sociale.

Unis, rien ne pourrait être un obstacle à la paix et la prospérité partagée sur l’ensemble du territoire national.

Ensemble, debout comme un seul homme brave pour refonder un Mali prospère comme jamais il n’a été dans l’histoire de l’humanité.

Youssouf MALLE

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