Mali : Le Festival des brigands « Quand les propriétaires deviennent les spectateurs, c’est le festival des brigands » Modibo Keita Premier Président du Mali indépendant

14

Le Président Modibo Keita avait le génie des formulations imagées, concentrées et frappantes pour caractériser la situation politique du moment. Le contexte actuel de fébrilité de certains acteurs politiques maliens à la veille de la constitution du gouvernement dit d’union nationale semble convenir totalement à sa formule.

Pr. Issa N’Diaye

L’appel à candidature à un poste ministériel lancé par voie de communiqué par la présidence par intérim a créé une atmosphère surréaliste qui laisse perplexe tout observateur lucide et averti de la scène politique malienne. Face à la dangerosité de la situation, on a le sentiment qu’il s’agit pour bon nombre d’acteurs politiques d’un jeu auquel le peuple malien est convié uniquement à titre de spectateur. Cela nous renvoie à cette image du pouvoir que décrivait le philosophe allemand Nietzsche, celle d’un trône posé au sommet d’un arbre que des politiciens décrits comme des singes grimpeurs essayent d’atteindre coûte que coûte dans toutes sortes de contorsions, de bousculades où certains lâchent prise et finissent par tomber dans la puanteur de la vase au milieu de laquelle est planté l’arbre de l’Etat. Les régimes successifs du Mali dit démocratique nous y ont malheureusement habitués.
L’inconscience des héritiers politiques du système ATT, le jeu stupide auquel ils se livrent, la légèreté et l’insouciance avec lesquelles la crise malienne est abordée au plus haut sommet actuel de l’Etat malien sous la dictée de la Cédéao et des puissances extérieures effraient à plus d’un titre. On a le sentiment angoissant que nulle part on a pris la véritable mesure de la catastrophe dans laquelle le pays est plongé. Au lieu d’affronter la réalité, on la contourne, on biaise pour prolonger une situation de confusion généralisée propice à toutes les combines politiciennes en vue de perpétuer la position de rente que procure l’occupation de certains postes politiques tant convoités au niveau de l’Etat.
La violation répétée de la constitution malienne par la prolongation du mandat de la présidence intérimaire et de celui du parlement entre autres, le non respect des dispositions des accords successifs conclus entre la junte et la Cédéao, les violations évidentes des textes mêmes régissant la Cédéao, les pressions et autres menaces des puissances extérieures donnent l’image d’un cafouillage orchestré pour assouvir la volonté de puissance et la soif de prébende des uns, la convoitise et le désir des autres de s’accaparer de la dépouille de l’Etat Mali autour de laquelle se déroule déjà la danse macabre du scalp.
Comment comprendre qu’à peine ramené de son exil parisien, les propositions du président intérimaire se sont transformées en décisions sans aucune validation par la volonté populaire, instituant de nouveaux organes non prévus par la Constitution, s’attribuant des pouvoirs que lui dénie justement la Constitution en période d’intérim. A quoi donc servent les constitutions ? Comment les pays occidentaux qui se targuent d’être une référence démocratique universelle, peuvent-ils cautionner de telles violations et menacer de sanctions des nationaux qui dénoncent pareille forfaiture ? Y’a-t-il une démocratie réservée à la consommation exclusive des pays occidentaux et une version tropicalisée à géométrie variable servant de vernis à des dictatures africaines sanglantes et corrompues, préservatrices des intérêts des puissants du monde ?
Le parcours imposé au Mali par sa classe politique liée au système ATT avec le soutien actif de la Cédéao est une succession de putschs constitutionnels et institutionnels. Bien de leurs auteurs se présentent pourtant sans honte aucune comme des antis putschistes, défenseurs de l’ordre constitutionnel. En somme la fable du brigand qui crie au voleur !
Pourquoi ceux qui s’autoproclament ‘démocrates’ ont-ils une si grande peur viscérale du peuple ? Pourquoi rejettent-ils avec véhémence toute idée de conférence nationale souveraine du peuple ? Pourquoi ceux qui se gratifient du titre de ‘élus de la nation’ sont-ils si affolés dès lors qu’on parle de les soumettre à la sanction du peuple ?
Est-il démocratique de nommer un président de transition, un gouvernement de transition, de mettre des organes nouveaux sans s’en référer au peuple ? Cela est-il démocratique ? Est-il démocratique d’imposer à un peuple des hommes et des institutions dont il ne veut visiblement plus ? Est-ce cela la démocratie ?
L’image que donnent les pays occidentaux à travers les pressions et menaces exercées discrédite largement l’idée même de démocratie. Y-a t-il une démocratie sans opposition véritable ? Est-il démocratique de menacer de sanctions et de sanctionner tous ceux qui s’opposent à une parodie de démocratie ? La Constitution malienne autorise pourtant la désobéissance civile. Pourquoi alors la refuser à ceux qui manifestent leur désaccord quant à la gestion désastreuse des affaires publiques ? Pourquoi les medias de l’Etat français prêtent-ils complaisamment leurs antennes à tous les mensonges distillés par les tenants du système et d’autre part participent activement aux campagnes de discrédit contre les opposants ? Ce qui ne l’empêche nullement d’aider militairement en Syrie et ailleurs des rebelles transformés en ‘révolutionnaires’ selon leurs formules consacrées. Est-ce cela la démocratie ? Si tel est le cas, il va falloir en désespérer !
Le Président Obama des Etats-Unis avait dit lors de son court séjour africain que l’Afrique n’avait pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes ! Pourquoi alors s’entêter à remettre tous les pouvoirs à un seul individu ou à un groupe d’individus pour décider du sort d’un pays confronté aux pires difficultés auxquelles ils ne sont pas étrangers ?
En scrutant l’horizon politique malien, des nuages lourds de dangers semblent obscurcir l’horizon. La guerre qui se prépare activement depuis l’étranger risque d’avoir des conséquences catastrophiques pour le pays et ses habitants
Depuis un certain temps, on monte en épingle les actes barbares isolés de certains islamistes illuminés pour conditionner les opinions publiques nationale et internationale et les préparer à la guerre que des Maliens manipulés par l’Etranger sont en train de tramer avec la Cedeao. On crie à l’islamisme abject, à Al Qaeda et autres, et on oublie le Mlna qui a une responsabilité lourde dans les problèmes actuels. La menace d’implosion du pays ne vient pas d’Ansar Dine ou des autres groupes islamistes. La menace première et fondamentale vient du Mlna derrière lequel se cachent des intérêts défendus par des pays étrangers. Il ne faut pas se faire d’illusions. C’est à ce niveau que se situe la contradiction principale. Des informations crédibles font état des préparatifs militaires en cours dans des pays frontaliers du Mali pour remettre en selle les troupes du Mnla. Renforcer le Mlna sous prétexte de combattre les islamistes constitue le danger principal pour le Mali. Ceux des Maliens qui réclament à cors et à cris une intervention immédiate de la Cedeao se trompent lourdement.
Les islamistes n’ont en réalité jamais inquiété les occidentaux. Ils font avec eux des coups de feu aujourd’hui en Syrie comme ils le firent en Libye. Ils s’en accommodent volontiers. En témoignent les réalités actuelles dans bon nombre de pays arabes et dans les dictatures monarchiques des pays du golfe persique. Les islamistes au moins, ne demandent pas la partition du pays comme le Mlna. Les solutions fumeuses de fédéralisme cachent mal la recherche d’une partition de fait du pays. Pourquoi la France n’érige-t-elle pas en fédération ses nombreuses possessions territoriales sans continuité géographique un peu partout dans le monde ? Pourquoi ne ferait-elle pas de la Corse ou du pays basque une entité fédérale ? Pourquoi chercher à morceler des Etats sur des bases ethniques alors qu’on parle par ailleurs de construction de grands ensembles ? Ce qui est valable pour l’Occident ne l’est-il pas pour les pays du Sud et surtout pour l’Afrique où tous les coups sont désormais permis ?
Cessons de nous illusionner, ouvrons les yeux ! Ne restons pas des spectateurs ! Ce pays est avant tout le nôtre. Il n’appartient pas à la Cedeao, à la France ou à la Communauté internationale. Faisons tout pour ne pas être complices des sombres destins que certains sont en train de tramer pour nos pays !
Pr Issa N’DIAYE

Commentaires via Facebook :

14 COMMENTAIRES

  1. Excellente analyse; sauf que Issa N’Diaye n’apporte rien à l’amélioration du cadre politique malien. Depuis 20 ans, celui-ci est en décadence, car pour un oui ou un non des gens comme Issa N’Diaye se replient dans leur coin (du tout ou rien quoi) et tentent de donner des leçons aux autres. Or, notre société a beaucoup de mal à accorder un quelconque crédit aux analyses d’un solitaire, fussent-elles pertinentes.
    Au Mali personne ne fait plus confiance à son voisin; chacun se croit le meilleur, le saint et pense que l’autre est coupable de la situation actuelle : c’est le seul vrai problème.
    Alors le peuple est un alibi, sinon Comment Issa N’Diaye a recueilli la volonté populaire: ce n’est tout de même pas à travers les manifestations télécommandées des putschistes avec le lot de badauds des rues de Bamako ? Pendant ce temps à Nioro et à Kimparana, sans parler des régions nord, le peuple là-bas est superbement ignoré ! Chiffon rouge sur fond de propos aseptisés ne fait pas avancer le Mali.

  2. Merci Pr Issa N’Diaye: C’EST L’UNE DES REACTIONS/MWB QUE CHACUN DE NOUS DEVRAIT LIRE JUSQU’AU BOUT.Le MNLA est pire que Aneçardine, pire que MUJUAO: c’est eux qui ont ouvert la brêche et c’est eux qui demandent la partition du pays!Malgré tout,c’est encore d’eux que parle la médiation comme “interlocuteur”: NOUS DISONS NON A LA MEDIATION BURKINABEE DE LA CEDEAO.L’on ne peut pas être à la fois juge et partie dans un conflit! 👿 😈 👿

  3. Proffesseur, vous avez sacrifié votre carrière politique pour la cause du Mali! Vous avez dit la vérité à AOK pendant que vous étiez dans son Gouvernement, il a estimé que vous vous dérangiez trop et vous a retiré de son Gouvernement. Il vous a mis au Controle Général d’Etat, ce fut le même clash. Vous avez soutenu IBk lorsqu’il a subit les foudres de l’ADEMA (actuel FDR) et le cynisme de AOK, IBK a dévié et vous l’avez quité. Vous êtes solitaire aujourd’hui parce qu’au Mali la politique est devenue un maché noir où il faut vendre son âme pour survivre. Votre analyse est si limpide qu’on n’a pas besoin de loupe y voir. Le Peuple doit maintenant se lever pour regler ses comptes avec cette génération de politiciens maudits. Il faut maintenant un renouvellement de génération en politique.

  4. Pr N’Diaye avec tout le respect du a votre rang, je me permets de vous dire que ce que vous avancez comme argument est selectif, partiel et partial. Je ne vais pas revenir sur ce qui a ete fait au Mali en terme d’avancements dans tous les domaines; les faits sont plus loquaces que tout ce que je pourrais dire ou ecrire sur le sujet. Mais comme toute oeuvre humaine est sujette a amelioration, le cas du Mali ne faisait pas exception a cette regle universelle. Votre analyse est certes pertinente, en partie, mais je vous demanderais de revoir votre vision de la chose. Malgre votre L-I-T-A-N-I-E, je constate que vous n’avez meme pas parle d’une chose qui nous aurait evite toute cette crise politique. Et bien je vais vous le dire. Vous parlez de la VIO-LAT-ION de la constitution par tout le monde, et la classe politique et la CEDEAO. Bon je crois que tous ces gens (Djoncounda, la CEDEAO, CNRDRE, la classe politique, la societe civile, etc,) n’allaient jamais avoir le plaisir de V-I-OLER cette constitution que vous vous efforcez a proteger si on avait respecte cette constitution des le debut. Depuis le depart de cette honte, si tout le monde avait decide de respecter notre constitution en remettant en place les VO-YO-US qui ont fait le coup d’etat “B-E-T-E”, la CEDEAO n’allait pas “im-po-ser”(comme le disent certains) Djoncounda aux maliens. On n’allait pas avoir besoin de transition a plus forte raison legalite de qui doit diriger ou pas apres 40jours.
    A croire que les gens sont AM-NESI-ques. Toute personne qui se leve fait croire aux autres qu’elle ne jure que par la constitution; alors qu’on a E-N-C-U-L-E cette constitution depuis le depart.

    “Cessons de nous illusionner, ouvrons les yeux ! Ne restons pas des spectateurs ! Ce pays est avant tout le nôtre…..” Je suis tout a fait d’accord avec vous, mais que faire? Pour ne pas rester spectateurs dans cette histoire, on a toujours demande a nos militaires de faire ce pourquoi on les paye, a savoir la defense du territoire. Mais c’est toujours le meme slogan:”NOUS PAS BOUGER”. Alors que faire? Et celui qui insiste un peu trop est pris pour ennemi ou BR, et bonjour les CONSE-quen-ces.
    Pour finir, je dirais que pour avoir les solutions a nos problemes, revenons a notre constitution et arretons de la singer avec des betises du genre ACCORD CADRE sous pretexte que la situation le demandait. Et je suis sur que la solution a tout cela s’imposera d’elle-meme sans que les decideurs n’aient besoin d’etre des acrobates intellectuels.

    • Vraimemt merci dogonofama comme on le dit en Bamabra i bolobo n’kono kan. si on avait pris le taurot par ces cornes on en serait pas la aujourd’hui, bien sure que je parle des voyoux qui on fait cet imbecilite de dernier degree qu’ils appelle cout d’etat. pour repondre a ta question a savoir que faire, je le reponderais par ce proverber Maliens qui dit que”biengninina se dale bienkalakan o te ye” encore une fois je suis parfaitement daccord avec toi

  5. Cet homme a tout dit et son analyse est pertinente. Cependant, nous ne devrions pas rester inactifs face à notre destin, je parle de cette majorité silencieuse qui sait… Merci Prof

  6. C’est vrai qu’il parle peu, mais il parle vrai, se mettant ansi au dessus de la melée qui perdure et n’honore personne. Dommage qu’il en soit ainsi, du moins jusqu’à présent, car si le cri des fauves est plus effrayant que celui des bovidés, la vibration résultant du déplacement d’un troupeau de bovidés est bien plus effrayant, il est meme suicidaire pour tout(fauve) ce qui trouve sur leur passage

  7. Le MNLA, c’est comme le virus du SIDA.Il est toujours présent même s’il se trouve caché quelque part et se fait oublier.Le MUJAO , Ansardine, Aqmi et les autres,ce sont les maladies opportunistes.Il faut tuer le virus ( MNLA )pour guérir de la maladie.Vous voyez, c’est aussi sumple que ça! 🙄 🙄 🙄

  8. Merci Professeur pour avoir attiré l’attention de nos Gouvernants,du peuple,mais aussi des super puissances qui pensent que le Mali est un laboratoire pour eux.

    est ce que les grandes puissances veulent qu’on applique la démocratie? moi je répondrai par Non car ce qui est sûr ils ne vont jamais accepté de telles pratiques chez elles.

    Vraiment nos dirigeants sont devenus la honte, la risée. Ils ont accepté toutes les propositions de la CEDEAO et de l’ONU sans même réfléchir comme un maître et son élève. Posons nous la question de savoir quand est ce que les africains vont savoir qu’ils sont des hommes comme ces ” blancs” qu’ils ont la même intelligence sinon que nous africains sommes plus intelligents qu’eux.
    Bref merci pour votre article qui j’en sûr va faire réfléchir plus d’un.
    Tout le monde en tout cas la majeure partie des Maliens sait qu’il faut passer par la Conférence Nationale Souveraine pour régler définitivement cette crise qui nous a été imposée de par nos dirigeant véreux. Si le Mali d’après 1991 a tenu jusqu’en 2012 c’est qu’il ya eu une Conférence Nationale qui a balisé les grandes artères par lesquelles nous devons passer même si la révolution n’est pas arrivée à terme car ces hommes politiques sans vergognes ont vite de changé de veste.
    En tout cas que les gens s’attendent à pire que cela s’il n’ ya pas de Conférence Nationale pour nous permettre d’élaborer la feuille de route de notre pays.
    A un autre jour.

  9. Je ne partage pas la premiere partie de votre analyse,en combattant le regime att vous deniez tout droit a une partie de la population qui n est pas pro putsch,le peuple ne parle pas d une voix alors ne faites pas comme si tout le mali partait dans une meme direction mais qu il en est empeche par quelques personnes non mr il ya les pour et il ya les contre.La 2e partie de votre analyse est pertinente mais quelque part la lutte de pouvoir engagee a bamako laisse un boulevard a tous les ennemis du mali.les politiciens ne sont preoccupes que d une chose:etre ministre et l image qu ils renvoient est l irresponsabilite.

  10. Merci PROFESSEUR!
    Cependant personne ne t’écoutera dans ce pays. Ce pays manque cruellement de masse critique au niveau des soi-disants intellectuels: tout ceux ci se taisent…. au nom de quoi?
    Soit sûr cependant que l’histoire te retiendra comme elle commence à le faire pour ton ami ABDOU TRAORE dit DIOP.
    J’ai l’impression que tout le monde se rue sur des solutions de pis aller et que personne ne réfichit et ne défend aucun principe. L’avenir préoccupe -t-il les uns et les autres? Tout se passe comme si le monde s’arrête au présent: Quelques touaregs qui sur un coup de tête se mettent à allumer le feu en ignorant completement les conséquences…. Le Prof KALILOU qui se met à insulter tout le monde en faisant fi de la sécularité de cette nation… Les politiciens qui se précipitent aux gouvernement et autres institutions en sabordant tout ce qui peut renforcer l’état de droit et la démocratie: venir au gouvernement est la fin ultime de leur combat politique car ça va leur permettre de se complaire et de se faire important… Quid des intellectuels? Ils se taisent car fautifs eux aussi, ayant été pris à défaut par leur propre sciences: Un Prof qui enseigne mal peut il dire quelque chose encore? un gros cadre qui refuse de s’assumer au nom de sa connaissance de peur de perdre sa place est -il encore crédible?
    C’est pourquoi je ne cesserai jamais de saluer ISSA N’DIAYE pour ses prises de positions.

  11. Merci Prof. N’diaye! Voila en detaille l’anatamie des problemes de cette crise. A vous lire seulement, tout esprit patriotique vois la solution. Ce travail doit etre editer dans tout les publications et lire a langue nationale pourque les gens comprennent les vrais defits du moment. Pour ma part je pense que la tenue d’une convention a plus que trop duree et doit etre le point de depart d’abord. Merci encore!!!

Comments are closed.