« La valeur d’un État à la longue, c’est la valeur des individus qui le composent. Un État qui rapetisse les hommes pour en faire des instruments dociles entre ses mains, un tel État s’apercevra qu’avec des petits hommes rien de grand ne saurait s’accomplir » – John Stuart Mill.
L’homme et l’héritage
L’héritage de IBK ressemble à un véritable champ de ruines. Il sera plus lourd à porter sans aucun doute, plus lourd que celui de l’UDPM en 1991. Deux décennies de ‘démocratie’ à la malienne ont fait faner bien de promesses et balayé bien d’espérances. Le plus difficile à reconstruire, ce ne sera pas les ruines matérielles mais plus sûrement la débâcle humaine. La longue dérive de l’homme malien depuis le coup d’État de 1968 a atteint sous l’ère “démocratique”, le stade de la putréfaction.
Au début des années soixante, le Malien était pétri des valeurs du Soudanais, opprimé certes pendant la période coloniale, mais reconnu et respecté pour son sérieux, son intégrité morale, son goût du travail bien fait, son ardeur à la tâche, enfin et surtout pour son patriotisme.
Qu’est-il devenu?
Triste bilan, triste spectacle, triste comportement surtout au niveau des cadres et des élites politiques et sociales.
Comment a-t-il pu tomber si bas ?
Et que faire pour reconstruire ce Malien ?
Un véritable défi pour le Président nouvellement élu !
Par où commencer sur un terrain miné où tout peut exploser à tout moment ?
Il faudra du courage voire du culot mais aussi et surtout une lucidité extrême pour affronter une situation aussi complexe. On peut résumer sa tâche à deux défis majeurs et concomitants : changer à la fois le système et les hommes dont il a hérité. Il n’ya pas d’autre alternative.
Mais avant d’analyser les pistes de solutions éventuelles, examinons le contexte politique du moment.
Les caméléons d’un tour à l’autre de l’élection présidentielle
L’annonce des résultats partiels lors du premier tour des dernières présidentielles par le Ministère de l’Administration territoriale avait fait souffler un vent de panique au sein des forces politiques coalisées au sein du FDR. Leur défaite électorale avait l’air d’une véritable raclée au regard des moyens financiers colossaux mobilisés et des certitudes acquises (habitudes et méthodes utilisées pour gagner les élections par le passé). La réclamation tonitruante de la démission du Ministre et de la mise en place d’une commission internationale de dépouillement des bulletins de vote traduisaient l’inquiétude de ceux qui, deux décennies durant, avaient conduit le Mali au désastre. Criant à la fraude dont ils étaient les champions au cours des élections passées, ils avaient de la peine à comprendre que le glas avait sonné pour eux, inquiets d’avoir à rendre des comptes, après leur débâcle prévisible au second tour.
L’impressionnant butin de guerre soustrait des biens publics n’y fit rien. D’où l’agressivité et la violence des propos tenus. Ce fut un coup de tonnerre dans leur ciel qu’il croyait serein depuis la mise sous tutelle du pays par la CEDEAO et l’intervention française. Sûrs du soutien des occidentaux, ils croyaient pouvoir l’emporter facilement.
La mobilisation populaire fut la première grande surprise des présentes élections, 51,5% au premier tour, selon les estimations officielles. Elle ne joua pas du tout en leur faveur, bien au contraire. Le raz de marée du second tour avec près de 78% de l’électorat en faveur de IBK les tétanisa. Incrédules, ils continuèrent à crier à la fraude, au bourrage des urnes, en accusant pêle-mêle l’appareil administratif, les militaires, les religieux et même les partenaires occidentaux dont ils se proclamaient pourtant être les disciples fort appréciés. Il a fallu de leur part de fortes pressions et de sévères mises en garde pour qu’ils se plient à la reconnaissance du bout de lèvres d’une défaite aussi cuisante. Mauvais perdants, ils continuèrent par voie de presse à parler de fraudes massives pour soulager leur amertume. Une telle attitude de leur part n’est pas surprenante.
Pour tout observateur averti de la scène politique malienne, un tel dénouement était prévisible, en raison du rejet généralisé de la classe politique discréditée en grande partie auprès des populations. Les faibles taux de participation ne dépassant guère les 30% aux élections organisées ces vingt dernières années en sont une indication.
Le FDR avait malheureusement réussi, à travers sa dénonciation tonitruante du coup d’Etat militaire du 22 mars 2012 et la diabolisation outrancière du Capitaine Sanogo, à masquer la situation tragique qui était celle de la démocratie malienne tant vantée à l’extérieur et partant sa responsabilité écrasante dans le désastre survenu. Aujourd’hui les élections passées mettent à nu le champ de ruines qu’ils ont laissé.
Se relèvera-t-il de la gifle électorale administrée par l’écrasante majorité des Maliennes et des Maliens ?
La farce et les dindons
La conséquence immédiate de la défaite du FDR fut son implosion dès le premier tour. Le signe distinctif fut l’appel à voter IBK du candidat de l’ADEMA. Comment ce parti créé dans des conditions historiques exceptionnellement favorables, a-t-il pu dilapider tout le capital d’espoir placé en lui en un laps de temps si court ?
Il faudra certainement remonter aux années Alpha Oumar Konaré pour comprendre une telle déchéance. L’entrée massive en politique d’opportunistes, le mélange détonnant entre affairisme et politique injecté à fortes doses par le clan dit CMDT, ont radicalement changé la donne politique.
Depuis cette période, on entre en politique comme en affaires.
L’argent a pollué les convictions politiques. De nouveaux responsables politiques sans passé militant surgirent du néant comme une génération spontanée. Leur succès fit école et façonna durablement le monde politique malien. Les coups bas et les trahisons devinrent la règle au sein de la nouvelle maffia politique. IBK lui-même en fut une des illustres victimes lors de son éjection de l’ADEMA. Bien des militants de la première heure, écœurés, désertèrent les rangs. Il faudra revenir, un jour, sur l’histoire politique de la démocratie malienne et ses conséquences sur bon nombre de militants poussés par désespoir à se réfugier dans l’alcool ou dans des drogues spirituelles encore plus néfastes. Le triomphe momentané du jihadisme armé n’est-il pas à rechercher là aussi ?
Trahi principalement par les siens, le candidat de l’ADEMA, préféra rompre le contrat de dupes qui le liait au FDR, refusant ainsi d’être fagocité dans un avenir proche par une URD qui avait réussi à avoir des alliés sûrs au niveau des cercles dirigeants de l’ADEMA par clan CMDT interposé, portant un coup rude au schéma de recomposition politique projeté.
Un autre dindon de la farce fut le FARE de Modibo Sidibé. Son inexpérience politique, sa filiation à ATT auquel il doit avant tout sa fulgurante ascension politique le desservit. Il ne fit aucun effort pour se démarquer de son mentor devenu largement impopulaire. Pouvait-il faire autrement ? Il commit l’erreur de s’affilier au FDR au lieu de chercher à construire son autonomie politique plus porteuse d’avenir. La défaite sévère qui doucha ses espoirs risque de sceller son destin politique. Sa formation politique n’a aucune assise populaire. Elle est surtout composée de cadres, souvent opportunistes qui l’abandonneront probablement pour aller s’abriter dans les cercles du pouvoir comme à l’accoutumée.
Quant à l’URD, sa défaite est principalement celle de son chef largement inexpérimenté en politique et sans passé militant. Son ascension politique fulgurante, il la doit avant tout à Alpha Oumar KONARE et aussi à son appartenance au fameux clan CMDT qui infiltra largement l’ADEMA. Sa position comme ministre des finances durant de longues années, la stratégie d’infiltration de l’appareil d’État et surtout des secteurs juteux de l’économie nationale lui donna des ambitions politiques qu’on était loin de soupçonner. Son manque de charisme, sa liaison intime avec les milieux d’affaires voire affairistes, son mépris du peuple qui n’est à ses yeux que du bétail électoral qu’on peut s’offrir en faisant claquer des billets de banque, l’absence de leadership conséquent au niveau de sa formation politique, les maladresses accumulées lors de sa campagne finirent par le faire paraître comme l’héritier principal du système responsable du désastre infligé au pays.
Le monde qui a été le sien, est loin du pays réel qu’il ne connaissait point. Il plane sur un nuage, celui d’un monde de parvenus devenu le sien. La chute fut brutale parce que jamais imaginée. D’où la hargne à faire porter le chapeau au ministre chargé des élections, aux fraudes imaginaires que son clan fabriqua sans aucun début de preuves, aux accusations diverses, ce qui aggrava son impopularité. Que lui réserve l’avenir ? Il lui sera difficile de porter le manteau de l’opposition, n’y étant pas préparé, habitué comme tant de gens entrés accidentellement en politique d’être du ‘bon côté’, celui du pouvoir. Sa renaissance politique parait bien compromise.
Quant à la COPAM, elle est restée une coalition hétéroclite et circonstancielle, sans visage idéologique précis et sans capacité à offrir une alternative politique crédible. Elle était pourtant porteuse au départ de tant d’espérances. Son activisme débordant, son manque criant de sens de l’organisation, les nombreuses fautes tactiques commises, son immaturité idéologique, la suprématie des ego sur l’action collective, le dogmatisme théorique de certains de ses dirigeants, sa direction politique confiée à un opportuniste notoire qui a traversé tous les régimes, finirent par dérouter l’enthousiasme populaire qui lui donnait quelque consistance au départ. Son soutien excessif et maladroit de la junte, sans aucun esprit critique, son refus de se centrer dans une dynamique réelle de construction d’un véritable pôle alternatif des forces de gauche, brisa son élan de départ et finit par éloigner ses nombreux sympathisants du départ. Le matraquage forcené de la presse nationale et étrangère, la diabolisation de certains de ses leaders firent le reste. Mais son échec relève avant tout de sa propre responsabilité et de son manque de clairvoyance politique.
Kéïta, certes !
Le fédérateur saura-t-il être libérateur comme Soundiata ?
En ce qui concerne l’émergence politique de IBK et sa victoire écrasante aux élections présidentielles, elles viennent essentiellement du fait que s’est cristallisé autour de lui le rejet du système ATT dont il a su intelligemment se démarquer lors du dernier mandat de ce dernier, tout en participant à son gouvernement. Il sut à certains moments marquer opportunément sa différence. A sa chute, il sut éviter de faire chorus avec le FDR. Nouant des relations tactiques occasionnelles avec la COPAM, il ne s’est pas enfermé dans un clan quelconque. Ses prises de position marquées sur la question du Nord, son affirmation de la souveraineté nationale, le firent apparaitre comme le point focal des espérances populaires. Les nombreux appels à voter pour lui au second tour et son score sans appel ont consacré le triomphe d’un discours politique structuré et d’une tactique intelligente qui le place à un carrefour historique.
Il doit opérer une rupture avec un système politique honni des Maliens et bâtir un nouveau leadership capable de leur redonner confiance.
Cependant sa marge reste étroite.
D’abord en raison de la lourde présence des forces étrangères et de leur tutelle pesante, à commencer par celle de la France.
Quel va être son espace d’autonomie face à tant de pesanteurs et surtout d’intérêts en jeu ?
La réponse à cette question parait essentielle. Elle commande son avenir politique voire son destin. Sa seule chance réside dans la construction et la consolidation d’un appui populaire consistant et constant.
Pour ce faire, la convocation dans les premières semaines de son mandat d’Assises nationales, populaires et souveraines s’avère être une nécessité incontournable. Ces assises doivent rompre avec le schéma classique des conférences nationales où les acteurs politiques et sociaux se cooptent entre eux au niveau de la capitale. Il faut instaurer de vrais débats sur toutes les questions d’intérêt national, y compris la question du Nord, depuis les villages et les hameaux, des débats locaux impliquant toutes les communautés à la base, les faire remonter au niveau des communes rurales et urbaines, au niveau des cercles et régions jusqu’au niveau national où se fera la synthèse. A l’occasion, de nouveaux leaderships remonteront de le la base au sommet et permettront de faire émerger de nouveaux acteurs politiques et sociaux plus représentatifs des populations.
Les défis qui attendent le pays seront abordés et traités et cela tracera ainsi la nouvelle feuille de route de son mandat avec l’approbation populaire. Les questions de la reconstruction de l’État, de la refonte des institutions, de la relecture de tous les textes fondamentaux (Constitution, Charte des partis, Code électoral, etc.) permettront de redéfinir un nouveau cadre et de nouvelles conditions à l’exercice démocratique conformément à la volonté populaire. Il ne sert à rien de se précipiter à organiser des élections législatives et communales sans tenir au préalable ces assises nationales. Elles seules renforceront la légitimité du nouveau président et lui donneront la caution nationale indispensable pour opérer les changements attendus et entamer la résolution des graves problèmes que le pays affronte aujourd’hui. Sans soutien populaire, ce sera un échec cuisant et on ne peut pas se le permettre. Le 26 mars 1991 et le 22 mars 2012 furent des occasions ratées. Un nouvel échec plongera le pays dans une spirale infernale.
Quelle part pour l’Homme, Dieu et le Diable ?
Il ne faut pas se faire d’illusions. Il n’y aura pas de miracle. IBK n’est pas un nouveau messie, ni un magicien. Seul, il n’y arrivera jamais. L’accompagnement militant des patriotes lui est indispensable. C’est à lui de le solliciter et de le garder comme un précieux atout. Il ne s’agira point de tout régler en un seul mandat. Cela est impossible. Il lui faudra tracer avec détermination et sans faiblesse les sillons du Mali nouveau. Pour cela, premier signal fort, il lui faudra constituer une équipe de patriotes intègres, sérieux et compétents, reconnus comme tels par l’écrasante majorité des populations.
La solution des problèmes cruciaux du pays passe nécessairement par l’assainissement et la reconstruction de l’État et des différentes institutions et cela dès le départ. Pour vaincre un système aussi pourri, il faut l’attaquer aussitôt. Hésiter ou patienter lui donnera le temps de s’adapter et de devenir encore plus vicieux.
Il faut mettre un terme à la gabegie de la multiplication des institutions. Une démocratie incapable de s’autofinancer et obligée de recourir à des subventions étrangères pour financer ne serait-ce que les élections n’est pas une démocratie viable. La multiplicité des institutions n’est nullement signe de vitalité démocratique. Il ne sert à rien de singer l’Occident. Privilégions les modèles et solutions endogènes en interrogeant avec un esprit critique l’histoire de nos civilisations et le génie de nos peuples. Une bonne Cour Suprême pourrait valablement faire le travail de l’actuelle Cour Constitutionnelle et à moindre coût. Des assemblées régionales fortes élisant les Gouverneurs de régions pourraient englober les actuels Haut Conseil des Collectivités et Conseil Économique et Social avec un mandat plus large et effectif. Le renforcement du pouvoir législatif et l’élection du Président de la République par l’Assemblée Nationale aboliront bien de dérives. La réduction des services de contrôle à uniquement deux systèmes de vérification, l’un interne et l’autre externe et leur érection en institutions autonomes avec un pouvoir étendu permettraient une lutte plus efficace contre la corruption.
La réforme de l’administration d’État, le recrutement des directeurs de services centraux et nationaux par appels à candidature sur la base d’un mandat détaillé, des objectifs précis à atteindre et une obligation de résultats dans un chronogramme déterminé permettront de responsabiliser les cadres et de les évaluer correctement en mettant fin au clientélisme, à la complaisance et à l’impunité.
La question de la restructuration de l’ensemble des forces armées et de sécurité est aussi une question urgente. A cet effet, il faut ramener tous les porteurs d’uniformes de l’État dans leurs corps d’origine. Il faut les assainir, les redimensionner, les professionnaliser et encadrer strictement les conditions d’accès au champ des responsabilités civiles et politiques.
Quant à l’Éducation, son état de décomposition est si avancé qu’il est impossible de la gérer dans le cadre du système actuel. Il faut obligatoirement la réformer. Il faut créer un nouveau corps enseignant constitué par les meilleurs agents de l’État. L’enseignement doit se construire sur un corps d’élite à qui l’État doit accorder les meilleures conditions de vie et de travail. N’importe qui ne doit pas être enseignant. Il faut y attirer les cadres les plus compétents et les plus performants avec une exigence de résultats. A cet effet des habilitations à enseigner pour une durée déterminée leur seraient délivrées. Leur renouvellement serait soumis à des critères de performance. Ils doivent aussi souscrire à un code de déontologie obligatoire. Un code éthique sera aussi établi pour les apprenants, élèves et étudiants. Leur violation devra entrainer des sanctions exemplaires.
Les mains qui ont voté sont-elles si différentes de celles qui ont volé ?
Le redressement de l’appareil judiciaire passe par son assainissement et sa réorganisation. Le prétexte de l’indépendance de la justice a souvent donné lieu à bien de dérives. La seule façon effective de démocratiser la justice résidera certainement dans la multiplication du système des jurés en impliquant les citoyens dans la prise des décisions de justice. Là aussi, il serait tout à fait indiqué d’interroger nos systèmes traditionnels de justice.
La question foncière, celles des terres agricoles, des domaines de l’habitat, des concessions minières et autres ont fait l’objet de bien de spéculations, tant au niveau de l’Etat que de ses démembrements, qui ont largement spolié les populations. Elle a donné naissance à des scandales d’enrichissements illicites jusque dans les communes urbaines et rurales. Il faut y mettre vigoureusement un terme. Un audit est nécessaire pour remettre les populations spoliées dans leurs droits.
Repenser la politique économique du pays est une nécessité stratégique en raison de l’échec des politiques d’ajustement et de privatisation imposées par les bailleurs de fonds et des politiques d’aide au développement. Cela passe par la prise en main par l’État, désormais stratège de la politique économique du pays, des instruments de souveraineté nationale indispensables à cet effet. L’extension phénoménale de l’économie informelle, la transformation des rues de nos villes en marchés, des façades de domiciles privés en boutiques, la généralisation de l’import-export n’ont abouti à aucun développement significatif. Bien au contraire. Elles ont largement contribué au renchérissement du coût de la vie du fait de la multiplication des intermédiaires improductifs entre les producteurs et les consommateurs, favorisé la spéculation et la corruption au niveau de l’attribution des marchés publics à des opérateurs économiques fictifs.
Il faut réorienter l’économie nationale vers la transformation des ressources nationales par des politiques volontaristes favorisant l’émergence d’une nouvelle génération de capitaines d’industrie. À cet effet il faudrait revoir l’ensemble des codes d’investissement. Il faut également assainir le système administratif et financier de l’État et y faire observer le principe de la mobilité du personnel afin d’éviter la patrimonialisation par certains cadres des circuits de l’appareil d’État.
Pour donner le ton, un signal clair doit être donné à travers la dénonciation des marchés, concessions et autres actes abusifs de cession des biens de l’État par les autorités de la Transition. De même pour les nominations outrancières faites pour caser des proches.
Un audit de l’État est indispensable. Il doit remonter aussi loin que possible et exiger des comptes. À cet effet, il convient de revoir la question de l’immunité de nos dirigeants. Elle doit se limiter exclusivement à l’exercice strict du mandat détenu et du champ de compétence de l’élu. Tout acte posé en dehors de la loi doit donner lieu automatiquement à sa levée.
La généralisation du principe de la limitation de tous les mandats, y compris au niveau des partis politiques, des syndicats et des associations, contribuera à valoriser l’alternance indispensable en démocratie.
De nombreuses réformes sont possibles pour revitaliser la pratique démocratique dans notre pays. Il convient à cet effet de créer une capacité nationale autonome de réflexions stratégiques multidisciplinaires en dehors des paradigmes actuels. Valoriser les cadres nationaux les plus compétents, mettre à contribution la diaspora malienne à travers le monde, l’intelligentsia africaine voire celles d’autres pays du Sud voire du Nord, en capitalisant les expériences positives tentées ailleurs, contribuera à booster la recherche scientifique indispensable à l’éclosion d’alternatives créatrices. Tous les centres nationaux de recherche pourraient être restructurés et ramenés à un organisme unique qui conduira la politique nationale en matière de recherche. Cela qualifiera davantage notre système éducatif et partant l’économie nationale. Tous les centres de formation éparpillés dans les différents ministères doivent aussi être ramenés à un seul niveau pour un contrôle de qualité et d’efficience.
Le souffle purificateur du changement doit passer partout où cela est nécessaire voire indispensable. Cela est possible dès lors que la volonté politique existe. La mobilisation populaire en sera le soutien ferme dès lors que sera instauré fermement le principe de vérité, de justice et d’équité pour tous.
Cinq ans ! Et après ?
Il est illusoire de croire que cinq années y suffiront. Tout n’est pas possible en même temps. Il faut dire la vérité aux populations sans démagogie aucune. Il faut dégager des priorités et tracer les limites du possible à chaque étape. Il faut respecter les engagements pris en toute responsabilité. Le renforcement du contrôle populaire pourra y contribuer efficacement.
Tous les espoirs sont permis si nous nous réunissions autour de l’essentiel, du « Mali d’abord » comme le disait un des slogans principaux du candidat IBK. Certes la situation est extrêmement difficile mais l’espoir reste permis. Il nous faut un leadership ferme, intransigeant sur les questions d’intérêt national dans la solidarité et la transparence.
Pour relever les défis actuels, il nous faut faire preuve à la fois de lucidité et d’esprit créatif. Il n’existe pas de solutions toute faites. Pas de fatalité non plus. Il nous revient de forger notre propre destin. Pour cela, soyons responsables et exigeants face à nous-mêmes. Ceux qui présideront à nos destinées auront certainement des comptes à nous rendre. Mais ne restons pas les bras croisés. Rien ne se passera si IBK reste seul. Nous devons rester vigilants et par notre critique constructive l’aider à baliser l’avenir. Son échec sera grave de conséquences pour nous tous.
Sur les cendres encore fumantes du présent, faisons germer le Mali nouveau, celui de nos espérances !
Pour rebondir, il nous faudra enfin et surtout renouer avec les valeurs culturelles saines de notre histoire. Il nous faut interroger nos racines et y trouver les sources d’inspiration nécessaires au renouveau du Mali. Nous pouvons être une école pour l’Afrique et au-delà si nous osons déployer de manière critique le génie créateur de nos peuples. Nous devons pour ce faire mettre l’Éthique et l’Humain au cœur de notre vision stratégique.
Le sage africain Ki Zerbo aimait dire : « il ne faut pas dormir sur la natte des autres car c’est comme dormir par terre. »
Pr Issa N’DIAYE
Aout 2013
Bamako Mali
Bonne chance IBK! bonheur au MALI et au Malien;
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