Mali – la marche du 05 juin consacre le paroxysme de la collusion entre politique et religion.

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Etre ou ne pas être, manifester ou ne pas manifester le vendredi 05 juin 2020 ? Telle est la question existentielle qui divise et taraude actuellement les Maliens. Personnellement, je pense que le scénario, auquel nous assistons ces jours, est le couronnement de la collusion entre politique et religion en cours au Mali depuis quelques années. Des voix parmi nous universitaires, libres penseurs, acteurs politiques, journalistes et autres visionnaires maliens, n’ont eu de cesse de dénoncer le phénomène dans la presse et dans les travaux scientifiques (que personne ne lit dans ce pays, où la recherche est le dernier souci des autorités). Combien de ces gens éclairés ont été traités d’ « ennemis de l’islam » ou d’ « adversaires du régime » pour avoir sonné l’alarme quant aux dérives probables ?

Les hommes politiques maliens sont les premiers fautifs

Les religieux ne sont pas à blâmer. Ils sont dans leur rôle, car on leur a montré le chemin. Tout est parti de la création du ministère des affaires religieuses et du culte durant la transition, alors que celui de l’administration territoriale s’acquittait efficacement de ces « affaires » jusque-là. Puis, lorsqu’arrive l’élection présidentielle de 2013, les conditions étaient déjà réunies pour le candidat IBK afin de se faire élire avec le soutien de la communauté musulmane. Aucun n’autre candidat n’a courtisé si ostensiblement les leaders religieux que le candidat du RPM. Durant et après la campagne de 2013, tous ses discours étaient ponctués de versets coraniques et de « Inchallah ». A l’arrivée, la communauté musulmane du Mali a répondu présente. D’ailleurs, l’imam Mahmoud DICKO a récemment reconnu qu’il ne jurait à l’époque que par le nom d’IBK, et qu’il a mobilisé l’ensemble de sa base pour voter pour ce dernier.

À partir de là, nous comprenons mieux « le cas de conscience » évoqué par l’ancien président du Haut conseil islamique du Mali dans ses sorties vidéos de fin mai. En gros, Dicko avoue qu’il regrette sa démarche de 2013 et souhaite se rattraper en faisant sortir les Maliens ce vendredi 05 juin 2020 pour demander la démission de son ancien ami. Seulement, il refuse d’admettre au micro du journaliste Hamidou SAMPY, qu’entre 2013 et aujourd’hui, lui-même Dicko a changé de statut : ce n’est plus l’imam de la mosquée de Badalabougou qui s’adresse aux Maliens, mais un homme politique avec un agenda bien déterminé. La nature ayant horreur du vide, alors que les hommes politiques actuels n’inspirent plus confiance, l’iman Dicko profite habilement de la situation de frustration générale du peuple, consécutive aux erreurs de la cour constitutionnelle (dans l’appréciation des résultats des législatives passées, d’où le terme « blanchiment du pouvoir » utilisé par Mahmoud Dicko), à l’instabilité et à la mauvaise gestion du dossier des enseignants grévistes, pour s’imposer comme l’unique figure crédible pour porter les aspirations légitimes des citoyens. Le fait que le siège de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Iman Mahmoud Dicko accueille aujourd’hui toutes les forces politiques appelant à la manifestation du 05 juin 2020 vient confirmer l’installation définitive de l’imam sur la scène politique du Mali.  En excellent stratège, il ne lui reste plus qu’à nous convaincre que la religion et la politique ont toujours été consubstantielles.

Ce qui n’est pas faux, puisqu’il n’y a pas longtemps de cela, les rois et les empereurs faisaient légitimer leur pouvoir par la mosquée et l’église. Cependant, il est utile de rappeler que si l’humanité a voulu évoluer vers des Etats laïcs, (régis par la séparation de la religion et de la politique),  c’est parce qu’elle a constaté que les systèmes de gouvernance confessionnelle ont tendance à restreindre et à violer les droits civils et les libertés individuelles.

Convaincre avec les idées pour éviter l’amalgame

Malheureusement, le caractère laïc de la République du Mali s’avère de plus en plus compromis en raison de l’ingérence outrancièrement flagrante du religieux dans la gestion de l’Etat. Et pourquoi en serait-il autrement avec un pouvoir qui doit son salut à la collaboration assumée avec les leaders religieux ? Finalement, comme il fallait s’y attendre avec tous ceux qui flirtent avec le sommet, les religieux ont fini par prendre conscience de leur force. Dès lors, deux tendances ont émergé en leur sein : le premier groupe, constitué d’Ousmane Madani HAIDARA, de Chouala Bayaya Haïdara et peut-être du Mohamed Ould CHEICKNE dit Bouyé, se contente de monnayer son influence lors des élections sans faire ombre aux politiciens de carrière ; tandis que le second s’est résolu à aller chercher à exercer le pouvoir. Dans celui-ci, nous pouvons inscrire le maire d’Ouenkoro – Harouna Sankaré, candidat malheureux de l’élection présidentielle de 2018, et dorénavant Mahmoud Dicko avec sa CMAS.

Pourtant, le véritable problème avec nos imams engagés en politique, c’est qu’il est difficile de discerner leurs motivations et leurs objectifs réels lorsqu’ils rassemblent les gens. Mobilisent-ils pour une cause religieuse ou pour leurs idéaux politiques ? Etant toujours accrochés à leurs titres de « Cheick » ou « Imam », et tenant des discours oscillant entre islam et appréciation subjective des choses, ils laissent planer une ambiguïté inquiétante sur leur public cible, confondant le peuple avec les croyants.

Or, il y a le citoyen musulman qui peut les admirer pour la pertinence de leurs messages religieux sans souhaiter les suivre dans leur aventure politique. Au même moment, il y a aussi le citoyen non-musulman qui peut adhérer à leurs idéaux politiques s’ils lui sont bien expliqués. Par conséquent, les leaders religieux doivent à leurs concitoyens une clarification de leur posture quand ils embrassent une carrière politique. A l’instar du militaire qui démissionne de son corps quand il s’engage en politique, le religieux doit pareillement se départir de son costume habituel « d’homme de Dieu » lorsqu’il passe de l’autre côté. Ainsi, ce serait un citoyen-candidat comme tous les autres que les électeurs seraient appelés à élire sur la base d’un programme de campagne bien défini. Sans quoi, c’est le flou qui s’installe, et tout peut jaillir un jour du flou.

Dr Aboubacar Abdoulwahidou MAIGA,

Enseignant-chercheur à l’ULSHB.

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4 COMMENTAIRES

  1. Une analyse très intéressante de monsieur Maïga sur le lien incestueux au Mali entre religion et politique !

    L’auteur, enseignant du supérieur, a dit parfaitement ce que certains d’entre ont dit imparfaitement depuis quelque temps.

    Le dernier paragraphe de la contribution de l’auteur de l’article est très pertinent :

    « A l’instar du militaire qui démissionne de son corps quand il s’engage en politique, le religieux doit pareillement se départir de son costume habituel ”d’homme de Dieu” lorsqu’il passe de l’autre côté. Ainsi, ce serait un citoyen-candidat comme tous les autres que les électeurs seraient appelés à élire sur la base d’un programme de campagne bien défini. Sans quoi, c’est le flou qui s’installe, et tout peut jaillir un jour du flou. »

    Comme l’a dit l’autre, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.

    A titre personnel, je suis opposé à cette manifestation uniquement parce qu’elle contribuera à renforcer non pas les démocrates et patriotes maliens véritables ancrés dans les valeurs de notre Constitution et dans les valeurs africaines de civilisation, mais les adeptes de l’Islam politique et conséquemment des idées d’organisation de la vie publique et politique issues des théories islamistes.

    Les membres des mouvements politiques et les membres de la société civile sincères dans leur combat seront, à court, moyen et long termes, dupés par le rusé Mahmoud Dicko.
    Comme à son habitude, Mahmoud Dicko fera de ces gens des cocus, des pigeons.

    Le scénario qu’on vu dans le nord du Mali en 2011 et 2012 dans lequel les islamistes armés se sont alliés aux rebelles indépendantistes pour des raisons opportunistes contre l’État du Mali avant de s’accaparer complètement le pouvoir dans ces régions en isolant les indépendantistes, c’est vers un scénario similaire auquel on s’achemine dans le sud du Mali.
    Mahmoud Dicko risque de faire dans le sud du Mali avec son Islam politique la même chose qu’a faite l’Islam armé des djihadistes dans le nord et le centre du pays.
    Et si l’Islam armé des terroristes et l’Islam politique de Mahmoud Dicko s’allient à leu tour, chose qu’il n’est pas absurde d’envisager puisque Dicko est lui-même originaire de ces régions et partage avec ces gens la même idéologie, alors c’en sera fini du Mali tel qu’on l’a connu comme État, comme nation et comme peuple.

    Par ailleurs, il me semble qu’un parallèle peut être fait au Mali entre l’immixtion des organisations religieuses dans la politique et l’immixtion des associations d’élèves et étudiants dans la politique.
    Lorsque ces organisations se détournent de l’objet premier de leurs organisations, l’éducation dans les lieux de formation et les questions religieuses dans les lieux de culte, pour s’adonner à la politique et jouir des bienfaits de l’argent et du pouvoir, alors c’est l’avenir de toute une nation qui est sacrifié sur le très long terme.

    Si on veut véritablement mettre de l’ordre dans notre pays et mettre le Mali sur les rails de la stabilité et du développement, la première chose à faire devrait être de renvoyer les religieux dans les lieux de culte et de les empêcher de faire de la politique.
    Il faut respecter les dispositions prévues dans toutes les Constitutions du Mali depuis 1960 qui ont séparé la religion de la politique et qui ont prohibé de la manière la plus absolue toute organisation politique au Mali sur une base religieuse et ethnique.

  2. 🗿UN PEUPLE QUI N ASSISTE PAS SES DIRIGENTS PENDANT LES CRISES MAJEURES COMME CELLES QUE LE MALI TRAVERSE, EST UN PEUPLE BETE ET FINIRA DANS LA SERVITUDE🗿

  3. La marche du 05 juin consacre le paroxysme de la collusion entre politique et le peuple et non la religion. Il faut analyser les choses de façon sincère et objective, car ce n’est pas les seuls religieux qui souffrent de cette très mauvaise gouvernance d’IBK et ses acolytes, c’est tout le peuple qui en souffre y compris les religieux qui constituent la franche la plus organisée de cette masse populaire depuis très longtemps, raison pour laquelle, ils montent sur leurs grands chevaux pour aider l’ensemble du peuple malien en le débarrassant de ces pingouins et de ces vermines qui constituent un blocage total au bonheur du malien lambda. Ce régime mérite le sort qu’il traverse actuellement, car il est caractérisé par l’arrogance et le mépris de ses dirigeants envers le peuple qui regardent les autres maliens comme des moins que rien, alors que c’est eux qui correspondent à cette caractérisation mal placée qu’ils ont envers des braves citoyens de ce pays. Nos citoyens braves et sincères travaillent chaque jour à la sueur de leur front sans joie et sans haine, ils sont on ne peut plus justes et honnêtes.

    • YACOUBA, PRIERE D ESSAYER DE VOIR CE QUI ADVIENDRA APRES! DICKO NE FAIT PAS CA POUR LE PEUPLE AU CONTRAIRE!

      YACOUBA!
      AVEC LE JIHAD QUI BRULE TON PAYS ET COUPE TES MAINS!
      AVEC LES TERRORISTES ARMES ET FINANCES D AILLEURS!
      AVEC TA TERRE OCCUPEE PAR LES FRANCAIS ET LES ARABES!

      TU VEUX DIRE QUE LES RELIGIEUX SONT D EUX MEMES ENTRAIN D AIDER LE PEUPLE A COMBATTRE LE POUVOIR?

      🗿PENSES TU QUE DICKO QUI A SES RELATIONS SAOUDIENNES ET AGALIENNES ET KOUFFAISTES EST EN TRAIN DE SE BATTRE POUR CE PEUPLE? OU POUR L EFFORT DU DJIHAD? L OCCUPATION SAOUDIENNE?🗿

      🗿UN PEUPLE QUI N ASSISTE PAS SES DIRIGENTS PENDANT LES CRISES MAJEURES COMME CELLES QUE LE MALI TRAVERSE, EST UN PEUPLE BETE ET FINIRA DANS LA SERVITUDE🗿

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