Mali: Alors, embargo ou pas embargo ? suite Histoire de ces livraisons avortées et de ces rendez-vous manqués avec l’Histoire

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Livraison d'un 'hélicoptère russe MI-35 (sans doute au Nigeria) et d'un chasseur russe
Livraison d’un ‘hélicoptère russe MI-35 (sans doute au Nigeria) et d’un chasseur russe

A la suite de notre premier étude, nous en avions conclut que jusqu’à preuve du contraire, il n’existait aucune preuve de l’existence d’un embargo “caché” contre le Mali. Car malgré la sortie récente du Chef de l’Etat, IBK, affirmant que « tout a été fait par certaines puissances pour empêcher l’équipement de l’armée malienne », les faits sont têtus comme dirait l’autre et nous amènent plutôt à penser que tout n’a pas été fait par nos plus hautes autorités pour assurer l’équipement de survie de l’armée Malienne. Et loin de nous l’intention de s’en prendre qu’au Président actuel en disant cela, car la problématique est bien antérieure à sa prise de fonction.

Ainsi, sur la première image en haut à gauche reprise d’un article intitulé “Mali is reported to be on the verge of receiving its 1st Sukhoi Su-25 attack aircraft”, nous apprenons que ces deux Sukhoi 25 commandés par le Mali étaient prévus pour livraison en Juillet 2012. Et pourtant, mystérieusement, ils ne l’ont jamais été, sans aucune annonce officielle de la part des autorités maliennes. La première explication, on la retrouve à travers un article de l’hebdomadaire Jeune Afrique intitulé “Le Niger déploie ses premiers avions à réactions, deux Sukhoy Su-25”, un papier de Janvier 2013, où l’on nous relate qu’au dernier moment, le Niger a été l’heureux réceptionnaire des ces 2 redoutables appareils de combats, grâce dit-on, au défaut de paiement des autorités maliennes, “Dans un premier temps commandés par le Mali, ceux-ci étaient annoncés à l’aéroport de Bamako-Sénou pour le mois de juillet 2012. Cependant, faute d’argent et de capacité à les absorber au sein de forces armées en plein désarroi, le Mali jeta l’éponge” (http://www.jeuneafrique.com/171029/politique/le-niger-d-ploie-ses-premiers-avions-r-actions-deux-sukhoy-su-25/)

Ainsi donc, nul question d’embargo ici mais plutôt d’un abandon pure et simple de la part des autorités de l’époque, pour qui, il faut le penser, quelques avions pour l’armée n’étaient nullement la priorité (mal en a pris pour le Mali et ses soldats au front). Mais revenons tout de même à ce fameux sujet d’embargo car il ne manque pas de revenir chez les maliens (y compris chez le premier d’entre eux visiblement) ainsi que chez certains lecteurs de notre premier article qui persistent et signent à dire que c’est un embargo masqué qui, jusqu’à présent, a empêché le Mali d’acquérir des avions et autres hélicoptères. A ceux-ci, j’aurai une seule question, lorsqu’ils voyagent pour rentrer au pays à travers un vol direct sur Bamako, leur avion est-il contraint de se poser à Dakar port ou Abidjan port ?? Je dis cela car leur argumentation principale repose sur le fait de dire, que le Mali étant un pays enclavé sans accès à la mer, il subit la loi de ses voisins, hors pour leur information, qu’ils sachent que pour ce type de contrat, les livraisons se font généralement par voie aérienne, et c’était précisément ce qui était prévu pour les sukhoi 25 ukrainien, “2 Su-25s were expected to arrive to Bamako in July (2012). The aircraft are apparently to be transported to Bamako airport aboard at least 1 Ilyushin Il-76 or Antonov An-124, chartered in Ukraine. The attack jets will be delivered together with spare parts & weapons, with Ukraine being the probable source.” (ci-dessous photos illustrant des livraisons d’avions de combat et hélicoptères d’attaque par Antonov et Illyouchine).

Ainsi donc, la question de l’empêchement physique est tout simplement fallacieux à moins qu’on veuille nous dire que l’aéroport de Bamako n’est plus sous contrôle malien. En outre, de vous à moi, est-ce que vous penser sérieusement, qu’au moment où la France (puisque c’est elle dont nous parlons secrètement) et ses alliés occidentaux imposent un embargo à la Russie (refusant de lui livrer les fameux navires Mistral) pourrait aller chuchoter aux oreilles de V.POUTINE de ne pas armer le Mali ? Pensez-vous que la Russie de Poutine serait d’humeur à suivre les directives parisiennes ? Pour ma part je ne le crois pas. Quant à la Chine, penser qu’une quelconque “puissance” puisse contraindre ce pays en quoi que ce soit sur sa politique étrangère relève de la méprise totale.

Encore une fois, que “certaines puissances” aient pu œuvrer en coulisse pour empêcher des achats est fort plausible, mais ne constitue pas en soit, une explication suffisante du zéro équipement de l’armée de l’air malienne, et ce, près de 4 ans après le début de cette crise. En revanche, il est vrai que pour les équipements classiques et terrestres, un pays enclavé comme le Mali demeure très dépendant de la bonne collaboration de ses voisins. L’épisode du blocus imposé par la CEDEAO au moment du coup d’Etat en Avril 2012, reste dans toutes les mémoires au Mali. Et c’est d’ailleurs une des raisons qui crée cet amalgame sur un prétendu embargo qui nous serait imposé, mais comme nous venons de le démontrer, cette thèse n’est pas pertinente pour ce qui concerne le vecteur aérien. Et l’analyse des événements nous prouve que la priorité fut sans doute ailleurs y compris sous la Présidence IBK dont nous entamons l’étude. Ainsi, alors que plusieurs sources reprenaient en Avril 2013, l’intention des autorités maliennes à commander des chars, hélicoptères et avions à la Russie, rien ne fut suivi de concret.

(Défense : le Mali veut acheter des chars, des hélicoptères et des avions… à la Russie. Source La Tribune 02/04/2013. Le Mali demande des avions de combat à la Russie. Source Libération 02/04/2013) “Le Mali veut «des hélicoptères Mi-35 et Mi-17, des avions cargo et des avions de combat, des véhicules blindés BTR-80, des systèmes radar de défense antiaérienne, ainsi que des armes légères et des munitions», a indiqué une source au sein de l’agence publique russe d’exportation d’armements Rosoboronexport”. A titre d’exemple, pour ceux qui ne le sauraient pas, un MI-17 (image en haut à droite) est un hélicoptère qui sert au transport de troupes. Autant vous dire qu’il aurait eu toute son utilité pour évacuer les nombreux blessés de ces derniers mois chez les Famas, victimes de nombreux attentats, attaques ou autres lâches embuscades. Mais non que neni, le soldat malien déployé au front n’entend pour seul vrombissement que les hélicoptères de Barkhane et de la Minsuma, et qui ne viennent à leurs secours qu’au bon vouloir de Paris et New York. Et ceci n’est dû qu’à l’irresponsabilité de nos autorités, qui ont cru pouvoir avec les vieilles recettes du passé, redonner sa force de frappe aux Famas. Car en effet, en ne comptant uniquement que sur des jeeps montées de mitrailleuses ainsi que sur des blindés et autres BTR, nos dirigeants ont montré qu’ils n’avaient rien appris des pertes et échecs de 2012 et 2013. Quelqu’un aurait même dit, “les armes dont nous disposons nous permettent de faire de Kidal ce que nous voulons”. Très instructif lorsque l’on sait qu’à l’époque et aujourd’hui encore, le Mali n’avait pas un seul avion de combat ou hélicoptère d’attaque. Et ce n’est pas le seul paradoxe, car en effet, à travers un autre article de Jeune Afrique traitant du scandale des contrats d’armement KAGNASSY, et intitulé “Pourquoi le Mali s’est fait épingler par le FMI pour des fournitures militaires” du 17/07/2014, on y apprend que pour équiper les nouveaux GTIA formés par la mission européenne, le Gouvernement avait décidé “de n’acheter qu’à la France. Un peu en guise de renvoi d’ascenseur, Paris ayant permis au Mali d’échapper au pire en lançant l’opération Serval”. Une seule question donc au théoricien de l’embargo mondial “franci”, pourquoi se jeter dans la gueule du loup, pour ensuite crier au loup. Alors que la Russie vous tend les bras pour vous livrer toutes sortes d’armes, et parmi les plus sophistiqués comme l’hélicoptère d’attaque MI35? Le Ministre de la Défense de l’époque, et dit fin stratège Soumeylou Boubeye MAIGA, pourra peut-être nous édifier, car pour moi, un renvoi d’ascenseur ne doit pas signifier un sacrifice en terme de fournitures stratégiques, surtout qu’elles auraient pu sauver de nombreuses vies civils et militaires. Chacun ses intérêts n’est ce pas ? Et la suite des événements conforte notre analyse du peu d’empressement des autorités maliennes à prendre livraison d’appareils aériens offensifs. Pour preuve, c’est en Juin 2014 qu’apparaissent les premiers articles parlant du projet d’acquisition de trois hélicoptères Gazelles “retroliftés” ou modernisés par la France mais payés par le Qatar. (“Mali : projet d’acquisition d’hélicoptères français payés par le Qatar”.Source: apanews)

On nous précise même que “L’acquisition de ces matériels va permettre à l’armée malienne de se doter d’un outil indispensable pour l’accomplissement de sa mission de défense et de préservation de l’unité et de l’intégration territoriale”, les autorités maliennes ne comprenant pas par contre, pourquoi on les poussait ainsi dans les bras du Qatar? Cette histoire de vieilles gazelles françaises reprise par le député Karim Keita n’est donc pas nouvelle pour le Mali et ses militaires. Il est donc curieux que l’intérêt en soit relancé si tard, qu’ après la visite d’un salon en Avril 2015, soit-il des forces spéciales françaises. Pour notre part, nous n’aurions pas eut besoin d’un salon pour savoir que des hélicoptères d’attaques seraient utiles aux Famas. Ici encore, il est plus question d’argent que d’embargo, une gazelle ne coûtant que 3 mds selon les dires du Président de la Commission défense.

Pour résumer, s’agissant des Sukhoi 25, des équipements militaires russes ou encore des Gazelles, à chaque fois, c’est le manque de moyens financiers qui est invoqué et mis en avant. Hors, lorsqu’un Etat est capable de s’acheter cash un Boeing 737 présidentiel, à 17, 18 ou 20 milliards de fcfa, qu’on ne vienne pas nous dire que le Mali n’a pas les moyens de s’équiper d’un MI-35 évalué à 8 mds fcfa l’unité ou d’un MI-17 estimé à 4 mds de fcfa l’unité. Et sans vouloir polémiquer, c’est comme si on tentait absolument de nous faire croire que le Mali était un pays sans le sous et à la merci d’un impitoyable complot international. Pourtant, il est difficile de le croire, car lorsque un Etat s’assume, il doit être capable de faire face et mettre en place des stratégies afin de contourner toutes mesures contraires à ses intérêts. Et je prendrai seulement deux exemples, le Nigeria et l’Egypte. Lorsque le Nigeria a voulu renforcer sa force de frappe aérienne par l’acquisition de nouveaux moyens à moindre coût, à travers des hélicoptères d’attaque “COBRA” d’occasion, les Etats-Unis se sont officiellement opposés à la transaction, empêchant Israël de livrer ces appareils de fabrication américaine aux nigérians (pour des considérations droit de l’hommistes). Est ce que vous pensez que les nigérians sont restés à pleurer sur leur sort ? Que non, tout en dénonçant l’attitude de leur “allié” américain, ils ont multiplié les achats en provenance de différents pays et fournisseurs: gazelles françaises, MI-35 et 17 russes ou même drones d’attaques CH-3 chinois sont les dernières acquisitions de ce pays en lutte contre Boko Haram. (https://beegeagle.wordpress.com/2015/01/28/special-focus-on-the-nigerian-militarys-new-chinese-built-ch-3-unmanned-air-combat-vehicles-armed-drones/) Concernant l’Egypte, suite au putsch du dictateur Sissi, les Etats-Unis avaient décidé de ne plus livrer d’armes lourdes à ce pays, et bien que je n’ai aucune sympathie pour ce régime, il faut reconnaître que les Égyptiens ont du répondant, ils ont immédiatement commandé des rafales français, provoquant du même coup la réaction américaine, qui, par peur de perdre le marché de ce fidèle allié a repris la livraison de ses F16 (http://www.usinenouvelle.com/article/contrainte-par-l-embargo-americain-l-egypte-achete-24-rafale-a-la-france.)

Ainsi donc au Mali, non seulement nos autorités n’ont pas le courage de dénoncer clairement les instigateurs de “l’embargo masqué” si tant qu’il ait réellement existé un jour, mais bien plus, elles semblent n’avoir mise en oeuvre aucune autre stratégie viable et intelligente pour se départir de toutes contraintes.

Hors ceci est très grave, car ces livraisons avortées et autres rendez-vous manqués avec l’Histoire ont eut pour conséquence de ne jamais pouvoir inverser le rapport de force sur le terrain, avant de signer cet énième accord dit de paix. Aujourd’hui, les derniers événements d’Anéfis et la leçon du GATIA nous démontrent que la prétendue invincibilité des rebelles apatrides de la CMA n’étaient qu’une fable savamment entretenu par certains, dont la France, pour imposer une solution négociée largement en défaveur du Mali. Et il est désormais évident pour tout le monde, qu’avec un soutien aérien, nos FAMAS (qui font désormais courageusement face à l’ennemi) n’auraient aucune difficulté à reconquérir Kidal et autres Aguel Hoc.Kamast

La faute politique de ce non équipement est donc majeure et demeure pour nous une énigme, que pourra peut-être démêler les intrépides, ou les 2 seuls véritables questionneurs de notre Assemblée Nationale, Mamadou Hawa Gassama et Oumar Mariko. Mais qu’ils prennent garde qu’on ne leur oppose le secret défense, car au Mali, cette notion très large va de la simple chaussette au missile en passant par les véhicules 4×4 tout terrain.

malistrategique.over-blog.com/ pour Maliweb.net

Rédigé par Kamast

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6 COMMENTAIRES

  1. Un article formidable sans ambiguïté un vrai un journaliste Nous avons besoin d un tel journaliste au Mali merci mon frère de nous avoir éclairer

  2. merci, mon frère , dieu n’aime que la vérité. au delà de l’armement les Famas ont leur part de responsabilité, trop d’officiers et peu de soldats. je suis sénégalais mais malien dans l’âme. il est temps qu’on équipe l’armée et qu’on se bat pour l’intégrité territoriale. le Mali doit révoquer le Minusma et mettre en place une force sous-régionale à l’exemple du Nigéria contre Boka aram.
    merci encore pour l’article, unis pour un mali libre

    • Merci beaucoup mon frere du Senegal pour votre solidarite’ pour ce pays qui nous appartient tous (Mali = Senegal). Mais sans pour autant me verser dans le pessimisme, le Mali ne doit rien attendre de “ses freres africains” et je ne le dis surement pas pour mettre mal a l’aise qui que ce soit. Le Mali, bien avant le coup d’etat le plus ridicule du GUEUX de Kati, avait bien demande’ l’aide de tous ses voisins en particulier et des autres pays africains en general. Personne n’est venu a notre secours, je dis bien PERSONNE! Meme apres le coup d’etat et quand les terroristes occupaient plus de 65% de notre territoire, toujours personne a l’horizon. Il a fallu que la France (que nous sommes prets a critiquer a chaque occasion) entre dans la danse pour que l’on voit cet “empressement africain” de nous venir en aide. Je ne me fais aucune ILLUSION sur la suite a donner a cette affaire, le jour ou la France va decider de quitter le Mali, tous les pays africains (sans exception) vont la suivre en nous abandonnant dans la merde.

      Les africains individuellenment en nombre important sont solidaires avec le Mali, mais les politiques internes de leurs pays base’es sur comment faire plaisir aux autres puissances internationales afin de rester a leurs places, dans la paix et pour longtemps, fait que le Mali ne peut compter sur personne. C’EST DOMMAGE ET TRISTE POUR LE MALI ET L’AFRIQUE MAIS C’EST COMME CA.

      • Bougobalini , très bonne analyse et je suis entièrement d’accord avec toi sur ce point précis .

      • Bougo je suis parfaitement d’accord avec ton analyse. La verite crue est que meme le tchad qui est venu sacrifier beaucoup “pour le Mali” etait plutot bien le larbin de la France, sans laquelle il ne serait jamai intervenu au Mali par solidarite africaine….ce serait trop beau pour etre vrai. Ne nous voilons pas la face! Des pays comme Senegal, CI, Burkina etc.. (francophones) devraient agir en solidarite avec leur pays frere et voisin …c’etait un devoir absolu! Je ne pouvait jamais comprendre comment un Senegalais, burkinabe, ivoirien etc.. pouvait en un seul instant croire que le probleme du Mali cest le probleme au Mali et non celui de leurs propres pays… or en realite cest absolument leur propre peuple noir qu’il s’agit, leur propre pays, absolument!

        Dans le cas du Mali, cette attitude d’indifference egocentrique de nos pays voisins evoluait deja de l’idiotie a un pure suicide et l’auto-destruction!
        Le seul voisin qui se sentait reellement et sincerement concerene de la situation malienne cest le NIGER et plus ou moins la Guinee et le Nigeria. Cest une honte absolue!

        La meme chose est arrivee lors de la crise de l’Ebola! Quand est ce que l’Afrique de l’Ouest avec son organisation fantoche CEDEAO se reveillera?

        Bougo, je te signale que ce probleme de manque de solidarite inter-africain ne concerne pas du tout les pays anglophones. On a vu des pays comme le Kenya, l’Ethiopie etc.. sacrifie leur propre securite (sans l’ONU ni UK etc..) pour intervenir en Somalie. Par contre, le Tchad et le Cameron etc… ont que BOKO HARAM croque leur propre cu.l pour qu’ils interviennent en solidarite avec leur voisin Nigerian! Comme s’ils ignoraient encore la theorie du feu dans la case du voisin…qui finit par tout ravager.

        Pour dire qu’il y’a beaucoup a rectifier dans le psychisme des pays francophones… tellement encres dans la dependance et le manque auto-dependance, dans le complexe d’inferiorite, dans le manque du pargmatisme et d’entreprenariat?

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