Dans notre dernier article, Nous attirions l’attention sur la nécessité de réparer l’homme malien comme pour reprendre l’expression du Sage de la Martinique pour qui ” le matériau humain lui-même est à refondre “. Un ami peu convaincu de la mesure, pensait que la réparation n’était plus possible mais qu’il fallait purement et simplement le refaire. Un de nos ainés regrettait cette nouvelle citoyenneté malienne en nette rupture d’avec son ancêtre, comme s’il voulait parler d’un autre type de malien génétiquement modifié.
De quelque bord que nous soyons aujourd’hui, force est de reconnaître que le pronostic vital de notre nation est engagé, elle est tout simplement en péril. Comment sommes-nous tombés si bas ? Comment sommes-nous arrivés á ce culte à ” l’argent-dieu “, la pire des idolâtries et qui hélas fait figure de religion dominante.
Le constat est amer, comme honteux est le triste classement qui met le Mali en peloton de tête des Etats les plus corrompus en Afrique derrière le Nigeria. La récolte, on la connaît: nous sommes devenus la risée des autres peuples. Notre ‘danbe’ n’est plus que de nom parce que notre nudité a été portée sur ” la place publique mondiale “. Certains compatriotes, comme pour se donner bonne conscience, évoquent une hypothétique similitude entre le secours in extremis qui nous a été porté et le soutien des colonies à la France pour la libérer du joug allemand. Ils vont jusqu’à parler d’obligation de solidarité. Plutôt que d’obligation, nous préférons parler de devoir de solidarité. Soyons réalistes et ayons l’honnêteté intellectuelle de comparer les situations comparables. Toutes ces analyses intellectualistes nous éloignent de ce qui reste notre ” homework “, le devoir citoyen tout court. Cette classe d’intellectuels qui ne brille en général que dans ces contrefaits, parce qu’elle a refusé de réfléchir, préférant se refugier dans un mimétisme aveugle et pitoyable, reste de notre point de vue, la plus grande catastrophe de notre Continent.
La tempête qui nous arrive est le fruit du vent que nous avons semé et entretenu tel un paysan entretient ses jeunes pousses. Il ne faut donc pas se voiler la face, toutes nos déconvenues ont pour réelle et seule cause, la corruption. Aujourd’hui, nous sommes redevables vis-à-vis de la communauté des nations et avons perdu notre coefficient de respectabilité. Le drame est que nous ne semblons pas le réaliser et nous nous comportons comme si de rien n’était. Ils sont rares, les maliens qui s’indignent de cette humiliation. Le plus grave est que nous semblons nous installer dans nos propres standards et qui, malheureusement, sont aux antipodes de ceux des nations qui avancent. Nous semblons éviter les questions que nous devons de nous poser. En effet, pourquoi les interdits d’hier sont devenus les valeurs d’aujourd’hui ? Comment se donner les ressorts nécessaires pour rectifier le tir ? Nous pensons que la compétition est pour les autres et non pour nous dans un contexte de globalisation accélérée où ” il faut courir plus vite pour rester à la même place “. Malheureusement, nous avons arrêté de courir. Nous pensons que l’autre a le devoir de nous relever alors que nous avons choisi de tomber. Nous avons perdu toute brillance. Des pays pour qui nous étions, il y a peu, une école, nous ont déclassés parce que nous nous sommes déconsidérés par la déconstruction. En causerie, nous parlons des performances des autres et taisons nos échecs. Nous sommes adeptes de la formule ” voler l’Etat, ce n’est pas voler “. La ” res publica “, cette notion sacrée basée sur le respect de la chose publique, a perdu tout sens chez nous et nous sommes pitoyablement en parfaite harmonie avec le ” sophisme de composition ” dont le propre est la conjugaison du ” moi absolu “. Nous avons developpé une carapace d’indifférence et ne souffrons plus de nos échecs dans les competitions. C’est la meilleure preuve de la détérioration de la fibre patriotique lorsqu’on ne se croit point obliger de se battre jusqu’au sacrifice ultime pour honorer les couleurs nationales. Un de nos pères-bâtisseurs, parmi les rares que nous avons fort heureusement encore en vie, regrettait il y a quelques mois, que le Ciel l’ait laissé vivre ce moment de reniement de notre Peuple. Il conclut en estimant heureux ses camarades qui ne sont plus de ce monde parce que leurs yeux n’ont pas vu ce qui n’était point imaginable dans le pays de Soundjata KEITA.
Ce qui était une simple brèche hier, est entrain de se transformer aujourd’hui en abîme. Si nous avons manqué d’homme et de femme pour se tenir á la brèche, qui pourra faire face á l’abîme. Telle est la véritable équation. Comme notre Géant Soundjata qui a su s’appuyer sur sa canne pour se tenir debout pour le triomphe du Mali, nous avons le devoir générationnel de relever ce pays parce que nous portons la responsabilité historique de l’avoir pali. Mieux, nous devons apporter notre contribution positive à la construction du “Must Africa ” si nous ne voulons condamner nos enfants à vivre de façon déshéritée leur triple citoyenneté : citoyen du Mali, de l’Afrique et du monde.
Que Dieu sauve le Mali!
Otozié Marc GOITA,
Consultant