Après le Burkina Faso qui a imposé son Histoire aux amis de Blaise, c’est au tour des groupes armés du Nord du Mali de leur ‘imposer leur réalité.
Les faits sont têtus et face aux réalités du terrain, Radio France Intoxication se trouve obligée de nuancer son story telling conte de fées sur les Touareg du Nord “opprimés”par les esclavagistes Noirs du sud : “Ces disputes ramènent à une réalité : la crise du septentrion malien n’est pas seulement une affaire entre le Nord et le Sud, mais également une lutte de leadership entre mouvements armés du nord du Mali.”
Une petite fenêtre de tir pour tous ceux qui disent que le problème du Nord est d’abord un problème… qui doit se régler au Nord.
L’armée et l’administration maliennes ainsi que les réfugiés sont de retour dans le Nord. Grâce à la détermination vaillante de son peuple, au courage héroïque de ses hommes politiques, au patriotisme sans faille de son gouvernement d’une intégrité au-dessus de tout soupçon, au dévouement des Cmaliens à la cause des populations du Nord, à la Médiation et à la Communauté internationale qui ont joué jusqu’au bout leur rôle d’arbitres impartiaux, le Mali peut aujourd’hui fièrement faire retentir haut et fort son hymne : « Un peuple, un but, une foi ». Un rêve ? Non, un but, une foi. Vous avez raison, il manque le peuple !
Est-il besoin de rappeler que sans réelle volonté politique et surtout populaire, rien de grand n’est possible.
Le Burkina vient de donner une belle leçon à tous ceux qui délèguent aux autres le soin de les libérer.
Les Burkinabè se sont battus pour eux, ils n’ont fait appel ni aux organisations sous-régionales (bien leur en a pris), ni à la puissance tutélaire. Contrairement aux peuples qui s’enlisent dans une victimisation pleurnicharde et vaine, le peuple burkinabè a laissé le feu de son désir d’un Burkina autre l’embraser : plutôt mourir debout que vivre couché. Le monde issu de cette bataille livrée à mains nues sera-t-il meilleur ? Ce sera encore et toujours au peuple d’en décider.
Le Burkina vient de rappeler aux hommes de pouvoir qu’ils n’ont que le pouvoir que leur peuple veut bien leur prêter. Ils le perdent dès l’instant où ceux sur qui ils sont censés l’exercer le leur refusent, net et sans faille: sans victime, plus de bourreau ! Les Burkinabè se sont battus avec détermination, à mains nues, les anciens tenants du pouvoir l’ont fait avec des armes : la victoire est allée à ceux qui étaient animés d’une volonté farouche de changement, contrairement à ceux qui se battaient pour défendre leur confort matériel et échapper aux conséquences de leurs actes. Le combat pour un avenir en mouvement vers la démocratie et le progrès contre celui d’un ordre ancien rétrograde.
La mort pour règle de vie
Concomitamment, au Mali, un immeuble en construction de 7 étages s’effondrait dans un quartier d’affaires, Hamdallaye ACI 2000, faisant au moins deux morts. Cet effondrement est la parfaite illustration de l’état actuel du Mali. Un journaliste du « Prétoire » était sur les lieux et les faits relatés sont extraits de l’article qu’il a consacré à ce drame.
Les services de protection civile dépourvus de tout matériel d’intervention, ont récupéré une grue et une pelle mécanique auprès d’entrepreneurs privés. La pelle mécanique s’est embourbée en essayant de passer à travers les jardins du bas-côté pour parvenir à la zone d’intervention. Pourquoi les services publics ne sont-ils pas dotés de moyens adéquats ? Parce que l’Etat ne leur en alloue pas ou parce que les fonds alloués sont détournés vers d’autres fins ? Conséquence : une perte de temps qui aurait pu sauver deux vies.
Des personnalités, dont des membres du gouvernement, sont arrivées sur les lieux pour suivre les opérations de secours. Hommes d’un système qu’ils maîtrisent à la perfection (toute leur énergie et leur intelligence étant focalisées à assurer sa pérennité), ils veulent s’assurer qu’il n’y a pas d’autres victimes à déplorer. Ils cherchent à parler au gardien de l’immeuble pour lui demander s’il « ne faisait dormir personne dans ce bâtiment en chantier comme cela se fait parfois ». Introuvable sur le chantier, les témoignages recueillis sur place confirment que le gardien a eu la vie sauve puisqu’il avait évacué sa famille avant la chute de l’immeuble, vraisemblablement au courant que l’immeuble allait s’écrouler.
Parfaitement au courant des pratiques qui consistent à laisser des individus dormir sur un chantier, mettant ainsi sciemment des vies en danger, que fait l’Etat?
Rien ! A part envoyer ses représentants se rendre sur les lieux du drame, constater l’étendue des dégâts provoqués par ses manquements, préparer le communiqué de condoléances et accessoirement repérer le prochain scandale qui agitera, sans suite, le landernau médiatique.
Quant au gardien, certainement payé au lance-pierre, comment lui en vouloir d’avoir fui avec sa famille, sans demander son reste ?
A ce stade, l’Etat et ses administrations sont coupables et responsables de cet effondrement ainsi que de la mort de deux innocents. Ils savent et laissent faire parce qu’ils empochent quelques sous de la part du promoteur. En échange, ils ferment les yeux sur les irrégularités et leurs conséquences, petites ou grandes. Maliens, à combien estimez-vous le prix de votre vie ?
Pour ceux dont la vie se résume à ôter la nôtre, impunité assurée et récidives exigées n’ont pas de prix.
Enfin, le responsable direct de ces morts est le promoteur qui a voulu ajouter trois étages à un immeuble conçu pour cinq. L’ingénieur chinois en charge des travaux aurait refusé et il semblerait qu’un autre entrepreneur ait accepté de construire deux étages supplémentaires, au lieu de trois. Ce n’est pas la première fois que des immeubles en construction s’effondrent dans le même quartier, pour la même raison.
En 2013, lors de l’Assemblée générale de l’Ordre des Architectes du Mali, Issaka Timbely, son président, se désolait qu’ «au Mali, il n’est pas rare pour des architectes de signer et revêtir de leurs cachets, des plans établis par des techniciens voire des dessinateurs, de surcroit agents au niveau des services publics, des ingénieurs faisant le travail de l’entrepreneur, des contrôleurs gérant avec légèretés leur travail ». Ce dernier point, en particulier, est souligné par un professionnel du BTP présent sur les lieux du drame. Il affirme que peu d’immeubles respectent les normes de construction à l’Aci 2000 et qu’il faudrait procéder à une inspection généralisée des édifices, qui constituent, pour la plupart, des bombes à retardement. Toujours selon lui, cette inspection ne sera toutefois efficace que si les « techniciens commis par l’Etat ne se laissent pas tenter par la corruption érigée en règle dans le secteur des BTP ».
Ainsi, corruption au plus haut niveau de l’Administration qui délivre les autorisations administratives, détournements des fonds destinés à équiper les services administratifs, cupidité des architectes qui valident des plans douteux et des agents administratifs chargés du contrôle des travaux, privatisation par des agents administratifs des moyens du secteur public, « rentisation » du poste de la fonction publique par ces mêmes agents qui se substituent aux professionnels du bâtiment, réticence des promoteurs à faire appel à de vrais professionnels, à reconnaître et à payer leurs compétences, ont conduit à la mort d’au moins deux personnes. Exactement comme cela s’est déjà passé après deux effondrements d’immeubles en 2013 : aucune sanction ni mesure concrète n’ont été prises pour empêcher la survenue d’un drame similaire. Aucune place pour le hasard ou la fatalité dans ces vies pulvérisées : tous coupables, tous responsables, tous victimes, tous bourreaux.
Morts gratuites, morts sans suite, morts à suivre.
Ces deux victimes sont-elles vraiment innocentes ? L’un d’eux, un jour, a peut-être payé un maire et/ou un juge pour déposséder un paysan de ses terres et se les accaparer , l‘obligeant ainsi à devenir gardien d’un immeuble en construction dans la capitale.
Il aurait pu être le policier qui a accepté 1 000 F et a laissé un véhicule en mauvais état aller percuter un peu plus loin, un policier qui s’élançait à la poursuite d’un taxi à « tontiner ».
Elle aurait pu être la secrétaire au Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat qui a réclamé 1 000 F pour remettre, à qui de droit, le dossier de construction « frelaté » du promoteur qui a causé sa propre mort. L’un ou l’autre aurait pu faire partie de la famille d’un Ministre plus que soupçonné de détournements de fonds et avoir profité personnellement de cet argent qui était peut-être destiné à financer du matériel pour la protection civile.
Il aurait pu être l’inspecteur des impôts qui a racketté l’entreprise qui a fourni la pelle mécanique pour le déblaiement des gravats. Imaginons que l’un ou l’autre, fils d’un riche commerçant fraudeur et fossoyeur de notre industrie nationale ou d’un ministre politicien corrompu à milliards, en ait réchappé. Aurait-il pu être sauvé dans nos hôpitaux dénués de matériel, de médecins et de médicaments, au personnel dont la principale occupation consiste à se repaître des cadavres de nos malades ? Pensez-vous qu’avec tous leurs milliards, leur enfant aurait pu être évacuable ou évacué à l’étranger suffisamment à temps pour être sauvé ?
On peut refuser de se poser des questions sur la façon dont nous fonctionnons et ses conséquences dans notre vie de tous les jours et tout mettre sur le dos de la fatalité. C’est une solution. Constatons néanmoins, qu’en dépit des incantations coraniques qui parsèment chaque discours présidentiel, le sort du Mali n’en est pas amélioré. Il devrait essayer sans, histoire de voir si cela n’aidera pas le Mali à aller mieux… Si chanter faux ferait pleuvoir, pourquoi un maître-chanté ne ferait-il pas pleuvoir des calamités, tout sauf naturelles, sur nos têtes ?
Au lendemain de cet effondrement, miroir de celui de notre pays, que nous vante notre président dans son discours du 22 septembre ?
Un Mali pacifié, unifié et réconcilié malgré les intérêts autres de la communauté internationale ? Un Mali décidé à valoriser ses ressources afin de créer de la richesse pour les Maliens… aussi ? Un Mali tendu vers le progrès et la connaissance qui briseront les chaînes qui nous enferment dans une ignorance de la marche du monde et nous condamnent à subir les volontés de ceux qui savent ?
Un Mali conscient de ses richesses naturelles, culturelles et humaines, capable de retenir ses enfants ; de faire revenir ses talents qui s’échinent à gaspiller leurs compétences dans des pays où on ne leur reconnaîtra, au mieux, à eux et à leur descendance marquée par le fer de la couleur et/ou de la religion, que le statut d’indigène ou de descendant d’esclave ?
Un Mali qui méritera le respect des autres nations par ses réalisations et qui n’attirera plus ni condescendance paternaliste, ni mépris qu’engendrent mendicité et échine courbée ?
Un Mali qui formera ses enfants afin qu’ils aient un autre choix que celui de croupir dans une fonction publique criminalisante ?
Un Mali qui s’attachera à libérer les énergies créatrices pour construire une économie alternative au néo libéralisme, choix unique qui nous est imposé parce que nous sommes incapables de penser notre propre destin et de mettre nos richesses tant convoitées dans la balance pour alléger notre fardeau ?
A quoi ressemble le Mali de notre président ?
A un suivi évaluation d’un projet d’une de ces nombreuses organisations d’aide, grands développeurs de misère devant l’éternel !
Mesures correctives, approche participative et prudente, délivrance efficace des prestations publiques essentielles, train de mesures courageuses, résultats de la revue conduite par le FMI, suivi efficace de l’approvisionnement et de la distribution des produits de grande consommation, réformes structurelles nécessaires en vue de créer les conditions d’une meilleure attractivité du pays, impulser vigoureusement le secteur du développement rural, expérimenter plusieurs formules judicieuses, enclencher un processus inclusif de création de richesse, etc, etc…
Ca fait rêver ! Si une griotte nous avait emballé tout ceci à la malienne, à défaut de contenu sérieux et « crédible » à nous mettre sous la dent, nous nous serions, au moins, régalés sur la forme et peut-être aurions compris de quoi on nous cause.
On aurait senti l’énergie et la puissance de la volonté politique à prendre nos problèmes à bras le corps, à affronter ceux qui occupent notre pays sous le prétexte fallacieux d’une minorité opprimée. Prétexte qui cache mal des desseins bien moins nobles, qui sonnent faux à nos oreilles mikadoéisées et trébuchent à coup sûr sous les pieds de nos populations du Nord chassées ou agressées chez elles, au gré de la complaisance onusienne.
Quand, au nom du principe selon lequel charité bien ordonnée commence par soi-même, la Catalogne, l’Ecosse, la Corse et le Pays basque, le Tibet, la Kabylie ou la Casamance, seront devenus indépendants. Quand la traite des Noirs, le génocide des Amérindiens (imaginez que les migrants d’aujourd’hui se comportent comme ceux qui ont envahi le nouveau Monde hier !), l’esclavage et la colonisation auront été reconnus pour ce qu’ils ont été, génocide pour les uns et crimes contre l’humanité pour les autres, nous daignerons prêter attention à de supposées préoccupations humanistes.
On aurait abandonné le noir et blanc binaire pour imaginer en couleurs nuancées la société moderne malienne qui se dessine. LE projet de société qui fera entrer le Mali dans la modernité. Un Mali débroussaillé de ses lourdeurs et raideurs sociales qui l’ankylosent. Un Mali qui se nourrirait de la sève de sa jeunesse revitalisée, enfin redevenue motrice. Un Mali, partie prenante d’une Afrique nouvel eldorado, un monde de rêves à bâtir, un chez soi, enfin !
Notre président qui doit rêver (pardon, vivre) dans une autre dimension que la nôtre, nous affirme qu’en août 2013, en votant pour lui, SoiMême, nous avons fait « le pari sur un avenir commun que nous envisageons absolument radieux ; radieux pour nous-mêmes, pour nos enfants, nos petits-enfants et pour les futures générations de Maliennes et de Maliens ». Relevons avec ravissement l’usage de ce « Nous » royal, forcément royal, puisque l’avenir radieux, voire l’avenir tout court qui semble s’éloigner de nous au fur et à mesure que « nous royal » en bénéficie, ne peut inclure le « nous plébéiens » (plus classe que gueux, n’est-ce pas ?). Apprécions l’avenir auquel « nous plébéiens » échappons !
Du conditionnel au présent « tue-rêves »
« Malgré le contexte difficile, l’économie malienne a pu retrouver une bonne santé et une relative vigueur, avec un taux de croissance de plus de 7%. De fait, c’est l’une des économies les plus compétitives de l’espace UEMOA. Cela est avéré ». Puisque « Nous royal » l’affirme, nul besoin de prouver ces allégations. Néanmoins, par acquis de conscience (si, si, ça existe encore la conscience, ce truc bizarre qui vous fait sentir humain), nous avons fait les comptes pour vérifier que chaque malien bénéficie bien d’« une redistribution juste et équitable des fruits de la croissance à travers des investissements dans les services sociaux de base comme la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable et à l’électricité, mais aussi par la création d’emplois pour les jeunes ». Les résultats que nous avons obtenus sont sans appel : plus 1 000 % pour « Nous royal » et son KKK, moins 10% pour « nous plébéiens » : le compte est bon.
Une embellie, nous assure « Nous royal », « soutenue par ailleurs par une volonté farouche de lutter contre la corruption… et la délinquance financière ». Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la liste du nouveau gouvernement : une ode à l’oxymore ! Imaginez notre Mali s’il n’y avait pas cette volonté farouche de lutter contre la corruption ! On n’aurait certainement pas un secteur minier « caractérisé par une production diversifiée ». Non, non, ne vous frottez pas les yeux, vous ne rêvez pas, l’or coule à flots en effet… mais pas pour tout le monde. Quand « Nous royal » regarde les femmes de son entourage, il ne peut que constater, satisfait, la diversification de leurs bijoux dans leur profusion nouvelle. Tout est question de point de vue, le Koulouba des hauteurs n’est pas le Bamako de la cuvette fangeuse : l’or massif est si lourd à porter qu’il nécessite les cous massifs de celles qui ont trop à manger. En bas, la disette rend les cous graciles inaptes à porter de l’or : elles ne connaissent pas leur chance de vivre la faim au ventre, ces plébéiennes !
Si pour « Nous royal » « le meilleur est à venir puisqu’à aucun moment nous ne nous sommes départis de notre optimisme, ni de notre enthousiasme. Nous n’avons jamais sombré dans le fatalisme ou le doute pernicieux. », « nous plébéiens » restons dubitatifs devant tant d’acharnement à nous détruire et de passivité à nous laisser faire. Et pour une fois, nous le prenons au mot quand il affirme qu’« un profond changement des comportements, des attitudes et pratiques est nécessaire et certainement urgent ».
Aïda H. Diagne
aidah.diagne@gmail.com