Ces derniers jours, l’inquiétude s’est emparée de Bamako. La raison : des rumeurs d’attentats terroristes visant principalement les croyants et les mosquées n’adhérant pas aux principes radicaux issus de courants extrémistes. Mais la tension est en grande partie retombée depuis l’arrestation d’une vingtaine de dangereux individus. Les autorités religieuses et les citoyens maliens commencent également à se mobiliser de plus en plus face à la menace que représentent ces fanatisés.
L’attaque menée hier par l’armée malienne contre un camp de terroristes dans la région de Sikasso, non loin de la frontière avec la Côte d’Ivoire, n’est en effet pas le premier succès contre cette menace. Plus de vingt personnes soupçonnées de préparer un attentat à Bamako ont ainsi été arrêtées par les forces de sécurité cette semaine. Premier sur la liste, un envoyé du terroriste Iyad ag Ghaly, interpellé le 10 juillet près de San. Puis une quinzaine d’individus qui voyageaient dans un car en provenance de Côte d’Ivoire ont été arrêtés à Zégoua, près de Sikasso, grâce aux signalements de la population. Parmi ces terroristes, bien peu discrets et pour la plupart étrangers, se trouvait un voyageur plus « expérimenté » que les autres : un certain Saouty Kouma. Celui-ci est suspecté d’être l’organisateur de l’attaque du restaurant La Terrasse de la rue Princesse, qui avait endeuillé Bamako en mars. Un attentat aveugle qui avait causé la mort entre autres de plusieurs Maliens. Et dont le but à peine masqué, derrière la revendication d’Al Morabitoune, était également de pénaliser et ralentir la vie économique de la capitale.
L’annonce de ces interpellations, liées à un projet meurtrier visant certaines mosquées, a dans un premier temps fait souffler un vent de panique dans la capitale. Dans un tel contexte, les autorités ont été contraintes de prendre des mesures afin de protéger en plein Ramadan… les Mosquées et les fidèles qui ne sont pas d’accord avec ces individus se réclamant de l’Islam! Le but de ces terroristes est de s’en prendre aux « Musulmans ordinaires » qu’ils considèrent comme « ennemis de Dieu », car n’adhérant pas à leurs principes radicaux. Comme ils l’ont fait, nous le savons tous depuis 2012, sur notre sol et dans le sang de certains de nos frères et sœurs : imposer une société recluse et intolérante, à la vie quotidienne faite d’interdictions et d’obligations. Et, faut-il s’en souvenir, en châtiant publiquement au sang ceux, hommes et femmes, qui commettraient des crimes « terribles » : écouter de la musique, fumer, ne pas être cloitrée et voilée intégralement pour une femme, vouloir lire ou étudier… des actes de la vie quotidienne insupportables pour ces criminels.
Au nom de qui ? Au nom de quoi ? Aucun Malien, d’où qu’il vienne, n’accepte une telle dérive visant à s’emparer de nos vies et de notre pays. Des confrères journalistes ont commencé à mettre en garde contre les prêcheurs radicaux, notamment de la secte Dawa, dont la ferveur cache la soif de propager ce terrible quotidien, pénible et violent, que les Maliens du Nord ont subi et rejeté.
Derrière cette secte Dawa et cette vague de « jihadistes » se cache également l’infortuné Iyad ag Ghaly, dont on sait l’adhésion à ce courant de pensée extrémiste et dangereux qu’il a connu en Arabie Saoudite, et qu’il voudrait malgré tout importer au Mali. S’imagine-t-il encore capable de nous imposer son interprétation arriérée de la religion apprise à l’étranger et de s’en prendre aux Maliens…au nom de l’Islam !? D’autant que depuis qu’il a été réduit à l’impuissance dans le Nord-Mali par la mort de ses principaux adjoints, son pouvoir de nuisance se limite à tenter d’inciter des fanatiques venus de l’étranger à ensanglanter notre pays pendant le mois béni du Ramadan.
On voit également la présence à peine voilée d’autres mouvements derrière ces menaces terroristes. Le fondamentalisme inspiré du salafisme wahhabite gagne en effet du terrain dans notre pays. Car si tous les radicaux ne sont pas des terroristes, les terroristes sont par contre tous des radicaux. Tous les jours nous voyons les exemples de cette déviance en Syrie, en Iraq, au Yémen. Nous avons suivi l’attaque de Sousse, qui a causé la mort de 38 personnes et est en train de provoquer l’effondrement économique de la Tunisie. Ces convictions représentent également le principal frein à toute forme d’avancée pour le Mali, comme en 2012 lorsque les adeptes du salafisme wahhabite, implanté dans plusieurs mosquées de Bamako, s’étaient notamment opposés à la réforme du code de la famille. Etonnamment d’ailleurs, le président du Haut Conseil Islamique, Mahmoud Dicko avait usé de tout son poids pour bloquer cette réforme, alors qu’il ne s’est aucunement exprimé pour condamner l’attentat terroriste de la Terrasse. Le prêcheur dit d’un côté respecter le « choix que le peuple souverain a fait sur le caractère républicain, démocratique et laïc de notre pays », lors du forum sur la Minusma de juin dernier, et de l’autre… verrait d’un bon œil à une République Islamique au Mali ?
Bien salutairement, d’autres hautes autorités religieuses s’opposent fermement à toute posture rétrograde et barbare de notre religion. Le très populaire imam Chérif Ousmane Madani Haïdara a maintes fois dénoncé « cette nouvelle forme de l’Islam qui prône violence et radicalisme », ainsi que les mosquées et les prêcheurs qui conduisent les jeunes au terrorisme. « Or, eux-mêmes [les prêcheurs], ils ne commettent jamais d’attentat suicide. […] Donc, face à ce genre de prêche, il fallait que nous nous mobilisions pour montrer le bon chemin aux jeunes », avait-il déclaré à la presse lors d’une conférence en janvier 2015. A la tête de l’association islamique et caritative Ançar Dine, dont Iyad ag Ghaly a usurpé l’appellation, le très écouté chef religieux n’a eu de cesse de démarquer son organisation de celle du terroriste et de rappeler, si besoin en était, que « L’Islam est une religion de tolérance et enseigne le respect des autres ». On en attendrait autant de Mahmoud Dicko.
Il faut souligner, pour revenir sur les nombreux succès de nos services face à ces tentatives terroristes, que de nombreuses arrestations sont aussi le fruit de la mobilisation de simples citoyens. De plus en plus de Maliens, las de vivre sous la menace permanente de massacres, lâches et aveugles, prennent maintenant la responsabilité d’alerter les autorités comme lors des événements de Zégoua. C’est en partie grâce au choix de conscience et à l’initiative de telles personnes, du Nord au Sud, que les Bamakois ont dernièrement pu être mis à l’abri des conséquences macabres du délire de ces prédicateurs déviants.
Idrissa KHALOU
Opportunistes
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