Les caciques de l’UNTM doivent expliquer aux travailleurs et à tous les Maliens les raisons de la fin de la trêve qui avait été décidée sous le régime IBK et qui vient d’être déniée au régime de la transition.
Il appartient aux dirigeants de la centrale syndicale d’apporter la preuve que cette remise en cause n’est pas liée au fait qu’ils ne bénéficient plus des avantages accordés par le régime défunt en vue de “museler” le syndicat et “gagner la paix sociale” comme certains observateurs le supposent.
En effet, certains estiment qu’il s’agit d’une pression, d’un chantage exercé sur le gouvernement de transition afin qu’il accorde les mêmes privilèges à certains membres du bureau de l’UNTM. Est-ce vrai ? Si cela est avéré, ce serait triste.
De sa création en 1963 à nos jours, l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) en dépit de toutes les imperfections inhérentes aux actions humaines, a su défendre les acquis et les causes des travailleurs avec de vraies avancées au niveau des droits des salariés. Son bilan annuel a été, souvent, globalement positif depuis sa création. A partir de son congrès constitutif, du 24 au 28 juillet 1963, la centrale syndicale s’est donné, entre autres, le mandat et les objectifs suivants :
-Défendre les intérêts matériels et moraux de ses membres
-Veiller à l’application correcte des lois sociales, des conventions et recommandations internationales en matière syndicale.
-Renforcer l’unité, la solidarité entre les travailleurs et sauvegarder la paix à tous les niveaux.
-Elever la conscience professionnelle et le sens de la responsabilité des travailleurs.
-Promouvoir et garantir les principes et les droits fondamentaux du travail.
-Créer de plus grandes opportunités pour les femmes et les hommes à trouver des emplois de qualité.
-Mettre en place des structures syndicales fonctionnelles, capables d’offrir des services sociaux aux militants, dans le cadre des activités non négociantes telles que les coopératives, les mutuelles, les garderies d’enfants, les groupements d’intérêts économiques, etc.
-Inciter les gouvernements à mettre en oeuvre, en collaboration avec les organisations syndicales, des programmes de développement dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la sécurité sociale.
Que des vœux honorables et patriotiques.
Le contenu du préavis de grève du 02 novembre 2020 de l’UNTM n’est pas en reste. C’est un bréviaire de sentiments nobles pour les travailleurs et patriotiques.
Et c’est conformément à ces principes louables que par la décision N° 514/BE-UNTM/SG du 05 janvier 2020 la centrale syndicale avait décidé une trêve pour permettre à l’État de faire face aux exigences de mise en condition des Forces de défense nationale dans l’intérêt supérieur du peuple malien. Ladite décision émettait d’autres souhaits, mais la partie mise en lumière ici constituait l’élément majeur. Elle permettait de mesurer le sens des responsabilités des dirigeants du syndicat.
Face à un péril majeur, on tait, pour un moment, les dissensions internes. Ainsi, les citoyens aident l’État à lutter contre le mal principal en faisant l’impasse sur les oppositions d’intérêts secondaires pour un temps.
Et depuis ce 05 janvier 2020 à ce jour, l’évidence est là : ce péril national invoqué par l’UNTM dans ses motivations invitant à la trêve est toujours présent et tout aussi préoccupant pour l’avenir du pays.
Cependant, par un revirement spectaculaire et aux antipodes de sa décision du 05 janvier 2020, le syndicat vient de déposer un préavis de grève de 72 heures du 18 au 20 novembre 2020 à l’issue de sa réunion du 28 octobre 2020.
Alors, qu’est-ce qui a changé entre le 05 janvier 2020 et le 02 novembre 2020, jour de la notification du préavis ?
Le fait majeur en terme de changement entre les deux dates est le coup d’État du 18 août 2020 actant la fin du régime IBK honni par la majorité des Maliens.
Alors les caciques de l’UNTM doivent expliquer aux travailleurs et à tous les Maliens les raisons de la fin de la trêve qui avait été décidée sous le régime IBK et qui vient d’être déniée au régime de la transition.
Il appartient aux dirigeants de la centrale syndicale d’apporter la preuve que cette remise en cause n’est pas liée au fait qu’ils ne bénéficient plus des avantages accordés par le régime défunt en vue de “museler” le syndicat et “gagner la paix sociale” comme certains observateurs le supposent.
En effet, certains estiment qu’il s’agit d’une pression, d’un chantage exercé sur le gouvernement de transition afin qu’il accorde les mêmes privilèges à certains membres du bureau de l’UNTM. Est-ce vrai ? Si cela est avéré, ce serait triste.
Défendre des fonctionnaires véreux
Les attendus et les argumentations légitimant le préavis de grève sont agencés avec une prouesse et une force de conviction indéniables. Mais certains éléments méritent qu’on s’y arrête : ” Considérant la poursuite des activités de terrain de l’OCLEI (Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite) qui sont attentatoires à la présomption d’innocence des fonctionnaires sommés d’engager des experts pour l’évaluation de leurs biens…” Cette sortie est très préoccupante. S’il est vrai que des prérogatives légales ont permis à certains fonctionnaires d’être plus à l’abri du besoin que le Malien moyen, d’autres ont utilisé leurs fonctions pour capter des biens énormes en toute illégalité. Les actions de l’OCLEI sont dirigées contre ces derniers. S’y opposer revient à défendre des fonctionnaires véreux qui, insidieusement, ont creusé le trou béant dans lequel le pays est plongé maintenant. Les Maliens savent que certains fonctionnaires sont devenus des Rockefeller tropicaux. Ils vivent ce fait au quotidien avec une amertume résignée. Attention, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tous les fonctionnaires. Beaucoup de fonctionnaires exercent leur fonction avec l’abnégation du Malien d’antan.
Il n’y a rien de pire pour un peuple que de lui délivrer un discours juste sur la défense de ses intérêts dans le but de le duper et, dans le même temps, se comporter en apparatchiks comme dans l’ex Union Soviétique. Les bons vœux ne font pas toujours les bonnes œuvres. Souvent ils sont des écrans de fumée permettant de cacher des intentions malignes et prédatrices.
Il nous revient que dans certaines chancelleries, il est de bon ton de dire que les africains sont toujours disposés à s’étriper pour les os à rogner du bétail qu’on leur a dérobé.
Ce genre de situations donne du grain à moudre à ceux qui ont une petite estime de nos peuples.
Dans son histoire récente, le Mali n’a jamais été si près du gouffre d’où la nécessité impérieuse d’un reflex patriotique rompant avec tout corporatisme, tout clientélisme. Nous étions vus par le reste du monde comme les peuples au sein desquels les solidarités communautaires étaient les plus fortes.
Actuellement l’individualisme est devenu la donnée cardinale, la valeur prééminente.
Selon la Québécoise Laure Conan (1845-1924), “Un homme ne doit pas avoir deux patries. Le patriotisme qui se divise s’affaiblit.”
Au nom du patriotisme positif, la cohésion sociale est primordiale aujourd’hui. Il y a moins d’un trimestre que ce gouvernement transitoire est en place au Mali. Il ne peut pas régler en un tournemain des décennies de problèmes agglomérés.
Il demeure que le syndicalisme est inscrit dans la substance même de tout système qui se veut démocratique. Toutefois les luttes catégorielles n’ont aucune justification admissible lorsque la nation est en lambeaux, le pays en perdition. Dans ces moments d’une indicible souffrance pour tous les Maliens il importe de mobiliser les forces et les orienter contre la menace qui pourrait remettre en cause l’existence même du pays : l’insécurité induite par des forces obscures à l’intérieur et à l’extérieur.
Dans l’histoire de l’humanité, tous les peuples qui ont ignoré ces données simples n’ont eu qu’un semblant de réalité, une existence éphémère dans le mouvement global.
Yamadou Traoré
Analyste politique.