L’Union Africaine face a l’irrédentisme touarègue

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L’Union Africaine vient de réaffirmer l’une de ses positions de principe posées au moment de sa création en 1963 à Addis ABEBA à savoir :
– la non ingérence dans les affaires intérieures ;
– le principe de l’intégrité territoriale ;
– et celui de l’intangibilité des frontières.
Il est vrai que le principe de la non-ingérence a subi une modification depuis 2003. Ce n’est pas notre propos dans cette contribution.
A travers une dizaine de paragraphes la 314ème réunion tenue le 20 Mars 2012 à Bamako sur la situation au Nord du Mali avec comme toile de fond la question des mouvements rebelles (MNLA et autres), celle du terrorisme et du banditisme armé, vient de réaffirmer le principe d’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale.
Le Communiqué final fait ressortir les points saillants suivants : “le rejet du recours à la rébellion armée, le dialogue, les solutions aux préoccupations des différentes composantes de la nation malienne, la mise en œuvre immédiate d’un processus de médiation sous l’égide de l’Algérie, de l’U.A et des Nations-Unies, prendre toutes mesures en vue de l’organisation d’une table ronde des partenaires au développement …. ”
L’actuel conflit aux contours parfois insaisissables, fait suite au retour des anciens combattants touarègues qui s’étaient engagés aux côtés de l’armée libyenne, a donné une nouvelle dimension à la question posée depuis les accords de Tamanrasset, le Pacte National de 1992 et l’accord d’Alger de 2006. C’est qu’on voit apparaître sur le net une carte du MNLA revendiquant des territoires à l’intérieur de l’Etat-national.
Il est vrai que les fondateurs de l’Union Africaine avaient conscience du caractère artificiel des frontières tracées par la colonisation. Cependant, tous en 1964 lors de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement au Caire ont accepté le principe de l’intangibilité des frontières adopté une année après celui de l’intégrité territoriale.
Ce qui est en cause aujourd’hui en vérité est le principe de l’intangibilité des frontières, même si parfois, il est revenu aux éminents experts de l’Union de confondre les deux principes à dessein.
Dès 1963, à la conférence des Chefs d’Etat à Addis ABEBA le Président Modibo KEÏTA avait déclaré que “L’unité africaine exige de chacun de nous le respect intégral de l’héritage que nous avons reçu du système colonial, c’est-à-dire le maintien des frontières actuelles de nos Etats respectifs”.
La pratique du règlement des conflits inter africains et à l’intérieur d’un même Etat a contribué à établir une équivalence entre le principe de l’intégrité territoriale et celui de l’intangibilité des frontières.
C’est pourquoi il est loisible de noter dans la littérature journalistique  que le Mali invoque seulement contre les mouvements rebelles sécessionnistes le principe de l’intégrité territoriale-pour se conformer certes, à la pratique de l’Union Africaine !
Dans l’esprit des fondateurs de l’Union Africaine le principe de l’intangibilité des frontières est un principe de stabilité. Même si en 1981, ils ont éprouvé curieusement le besoin d’adopter celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (art. 20 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples).

Notre contexte malien
Le communiqué final à son point 5 ”rejette le recours à la rébellion armée” et préconise ”le dialogue” pour des ”solutions aux préoccupations des différentes composantes de la nation malienne”.
Si on instaure un dialogue, à la vérité il ne peut être et ne doit être instauré qu’autour des différents accords conclus entre les mouvements rebelles et l’Etat national.
Or, il est clair qu’aucun des accords, même octroyant de large autonomie fonctionnelle et des compétences territoriales limitées ne remet en cause les frontières telles qu’elles sont héritées de la colonisation.
L’observateur simple comme nous autres, (en dehors de toute instance gouvernementale) n’a noté nulle part dans la presse des conflits entre les deux parties signataires de l’Accord d’Alger à propos de sa mise en œuvre ! Et surtout de la saisine ou de l’auto saisine du Facilitateur qu’est l’Algérie ?
Subitement on entend le crépitement des armes et une carte apparaît à l’intérieur de l’Etat national remettant ainsi en cause les tracés des frontières.
Sans doute que la présente contribution n’épuise pas  le sujet. Mais d’ores et déjà, il est clair que la médiation dont il est question pourrait prendre la durée nécessaire à la mesure de la profondeur de la crise pour la juguler.
Je conclus partiellement en rappelant qu’Edem Kodjo avait préconisé la relecture du principe de l’intangibilité des frontières. Malgré le principe qui est devenu une norme en 1964, pour autant les contradictions, les conflits à l’intérieur des Etats entre les minorités et les Etats n’ont pas cessé. Les minorités cherchant l’intégration nationale.
Faut-il comprendre que l’Accord d’Alger, ses ancêtres Tamanrasset, le Pacte National constituent une volonté de dépassement de l’espace étatique national mais à l’intérieur d’un même Etat ?
Bamako, le 21 Mars 2012
Maître Amadou T. DIARRA, Juriste
Tél. : 66 72 37 10
Émail : [email protected]

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