Le rêve d’un Mali Kura, caressé dans la ferveur de l’hystérie collective à l’arrivée des militaires au pouvoir, est aujourd’hui devenu un véritable cauchemar, pour un pays qui semble avoir à nouveau durablement renoué avec les illusions perdues. La population est prise dans l’étau d’une crise alimentaire aiguë, aggravée par une flambée des prix incroyable des denrées de première nécessité, une insécurité grandissante, qui n’épargne plus aucune portion du territoire national, et une aggravation des tensions diplomatiques avec les partenaires et voisins. Bref, le Mali ressemble de plus en plus à un pays en peine de repères pour retrouver sa voie.
« La guerre contre le terrorisme est une guerre multiforme, globale et variée », ont dit et répété à souhait les experts en la matière, et je crois que c’est bien vrai. Parce que cela n’a pas été bien assimilé par les militaires qui nous dirigent, nous assistons, dans notre pays, à un affaiblissement constant des résultats sur le terrain : dégradation du tissu économique et social, insécurité croissante, coups d’Etat successifs.
L’héritage de la junte militaire ?
On ne le dira jamais assez : le coup d’Etat répétitif d’août 2020 à mai 2021 a été le catalyseur principal qui a mis entre parenthèses la démocratie et la libre entreprise dans notre pays.
Dans ce contexte socio-politique tendu, les tentatives de mise à l’écart de la MINUSMA, en réduisant constamment ses mouvements sur le vaste territoire du pays, les entraves multipliées par la junte contre l’utilisation du matériel allemand et espagnol (aéronefs), visiblement pour soustraire certainement les réalités du terrain aux yeux d’observateurs et parlementaires, ont conduit de nombreux partenaires à se méfier de notre approche contre les terroristes.
De toute évidence, nos dirigeants actuels, en agissant ainsi, ont bien oublié qu’avec les autres, qui nous entourent et nous accompagnent dans nos choix stratégiques, on a en commun bien d’autres réalités géostratégiques à partager qu’en dehors des seules frontières terrestres.
Quel héritage la junte au pouvoir laissera-t-elle donc aux Maliens ?
Face à la crise alimentaire aiguë qui nous menace gravement et contre laquelle peu d’initiatives d’anticipation ont été engagées, la faute fondamentale du pouvoir militaire serait de laisser progressivement s’installer la famine dans le pays et qui devrait atteindre son pic vers le mois d’avril à venir, si rien n’est fait pour l’endiguer.
Dans un tel scénario de misère, il est bien facile de comprendre que le peuple qui, il n’y a pas encore longtemps, a adoubé et applaudi les militaires du Camp Soundiata, leur donnera plus facilement le dos parce qu’il aura faim et continue de vivre dans une insécurité chronique, voire endémique.
Face à une telle perspective inquiétante guettant le pays, on se rend compte aisément que l’imposture est à son comble, et tout ça sur le dos des Maliens qui en supporteront, au jour le jour, les conséquences dramatiques, sous l’œil blasé de Wagner qui se fiche d’ailleurs éperdument du sort infligé aux Maliens…
Aucune portion du territoire n’est épargnée par l’hydre de l’insécurité djihadiste, au point de nourrir le scepticisme sur des faits d’armes desquels la junte militaire peut se prévaloir.
Je le dis sans le moindre risque de me tromper : il ne suffit pas d’être en treillis militaire pour être un soldat républicain, issu du peuple et capable de le défendre. Cela se traduit d’ailleurs par le fait qu’aujourd’hui, le peuple veut absolument savoir pourquoi la junte ne veut voir aucune présence étrangère dans les zones de confrontations où opèrent les FAMA, au prétexte de souveraineté, visiblement davantage destinée à détourner l’attention des citoyens.
Effets pervers du populisme et du nationalisme
Ce qui se passe au Mali, résultat des difficultés rencontrées sur le terrain devant la montée en puissance des groupes terroristes, démontre clairement que la guerre contre le terrorisme se gagnera en équipe à la fois nationale et internationale. C’est bien dans cette logique des temps modernes que la souveraineté est toujours garantie par les instances onusiennes, si ce n’est pas une souveraineté artificielle.
Comment comprendre autrement que l’ambassadeur Russe au Mali évoque les valeurs morales et démocratiques alors que son pays piétine la souveraineté de l’Ukraine et se livre dans ce pays à des crimes de guerre ?
Aujourd’hui, à juste raison, on se demande d’ailleurs qui gagnera cette guerre. Comme le dira l’autre, « qui vivra verra », pour connaitre le héros de cette guerre…
Relativement au Mali, et en revenant sur les nombreuses menaces qui nous assaillent, il est évident que les Maliens sont aujourd’hui dans le désarroi et veulent désormais s’extirper de cette propagande gangréneuse qui n’a rien d’autre à nous offrir que l’illusion sur le bilan de cette transition au pouvoir aussi consternant que ridicule.
Sur le terrain, l’insécurité persistante révèle l’échec plus que patent de Wagner. L’Etat islamique vient d’en administrer la preuve la plus éclatante par la démonstration de force qu’il a réussie sur une partie de notre territoire national, en regroupant forces combattantes et engins de guerre, sans être le moindre du monde inquiété.
Nous en sommes là : le populisme, le nationalisme et le souverainisme sont à posteriori devenus davantage des obstacles dangereux contre une nation, son économie et son peuple. Dans une telle impasse, les effets pervers d’une souveraineté politique, nationaliste et populiste, par le repli sur soi, impactent la libre entreprise.
On peut vraiment se demander comment une junte militaire, qui avait pourtant promis que son rôle n’était pas de s’éterniser au pouvoir et qu’elle était là pour remettre de l’ordre dans le pays et ensuite remettre le pouvoir à qui de droit, a subitement effectué ce revirement, se présentant comme souverainiste tout en livrant sa propre population à Wagner et aux milices, dont les exactions sur le terrain ne se comptent plus.
C’est un peu cela le drame vécu par nos pays et nos populations : l’impasse des juntes militaires au pouvoir dans le Sahel mène les Etats, autant qu’ils sont, vers le chaos.
Voilà le scénario catastrophe. Et après, le départ forcé de certains de nos partenaires… La réalité est implacable : je viens du centre et du nord du Mali pour effectivement mettre en veille mon entreprise qui comptait au moins une bonne cinquantaine d’employés. Pendant seulement vingt-quatre heures de présence dans ces zones du pays, j’ai connu les moments les plus pessimistes de ma vie d’entrepreneur.
Face à tout cela, certains acteurs nationaux ne pensent qu’à une chose : créer leur propre espace géographique (leur république si vous le voulez), à l’intérieur de la République du Mali. En cela, la seule chose qui les retient, nous le savons tous, c’est l’absence de reconnaissance internationale de leur ‘’république’’ par les instances africaines et les Nations-Unies. On constate donc clairement que sans cette reconnaissance internationale, toute tentative de déclaration d’indépendance serait un échec cuisant.
La souveraineté d’un pays, et nul désormais ne l’ignore, est exclusivement garantie par les Nations-Unies. En d’autres termes, regardons de face le cas de l’Azawad, qui nous concerne au plus haut point : n’eut été le non des Nations-Unies, appuyé fortement par les instances africaines, où en serait-on aujourd’hui ?
C’est donc pour dire que le populisme, le nationalisme et le souverainisme ne gagneront jamais une guerre, qu’elle soit économique, financière, budgétaire, ou encore le mieux-vivre.
Les Maliens, fatigués par les multiples manœuvres, les faux-semblants et autres manigances aujourd’hui exposés à de lourds périls existentiels, ne demandent plus qu’à retrouver le chemin de la survie.
Un message subliminal que la junte peine visiblement à décrypter
Mamadou Sinsy Coulibaly, Président du groupe Kledu
Pauvre aigri, le Mali triomphera sans toi.
Mamadou Sinsy Coulibaly honnêtement tu as faim et tu es devenu un oiseau de malheur, un vrai charognard humain, y MALANKOLON DEN, FASO MANDJUGU DEN
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