L’électorat Malien face aux élections présidentielles de 2012 : Plaidoyer pour un choix judicieux.

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                2012 s’approche à grands pas. Avec les agitations, remous et autres « veillées d’armes » constatés depuis un certain temps dans le landernau politique, il est certain que les choses sérieuses ont d’ores et déjà commencé. Visiblement, les formations politiques émergent de leur hibernation. Le rappel des troupes à travers les multiples manifestations politiques (congrès, rentrées politiques, primaires, création de nouvelles entités, actes de candidatures multiformes etc.) rythment le quotidien de l’espace public.

Aussi la problématique liée au choix du fichier électoral met en ébullition la classe politique dans son ensemble. Elle fait couler beaucoup d’encre et de salive. Entre le RACE et le RAVEC, le débat fait rage mettant aux prises l’Etat à travers l’administration territoriale et la classe politique divisée. La préférence de certains partis politiques allant pour le RACE, d’autres penchent pour le RAVEC. L’Etat qui apparemment n’avait pas mesuré l’importance ou l’enjeu de la mise en œuvre d’un fichier électoral acceptable et accepté par tous en temps et en heure tergiverse dangereusement et a du mal à convaincre véritablement quant à la justesse de son choix qui semble porté sur le RACE amélioré. L’opposition d’une grande majorité des partis politiques n’est pas du tout rassurante, et le risque de contestations post électorales élevé. Le consensus auquel nous appelons tous de notre vœu est menacé par ce premier couac. Il ne reste plus qu’à espérer un arrangement global profitable à tous les acteurs concernés, les convulsions post électorales avec leurs lots de divisions, d’affrontements, de violences ne pouvant que mettre en mal cette dynamique démocratique qui caractérise notre pays depuis un certain 26 mars 1991.

             De cette date à nos jours, le processus démocratique au Mali  suit son petit bonhomme de chemin au grand bonheur de tous les Maliens et sous le regard admiratif du reste du monde. L’organisation d’élections libres, l’alternance politique (avec à la clé notre fameux article 30 de la constitution ayant trait à la limitation du mandat présidentiel), la bonne gouvernance, le respect des institutions, des libertés publiques etc. font désormais partie intégrante d’une culture politique et d’un mode de gouvernance auxquels notre pays peut bien se targuer, même si en termes d’évaluation, les avis peuvent diverger. Le propre d’un processus se distinguant par son caractère évolutif, il est certain que notre démocratie est perfectible et qu’avec l’action conjuguée des uns et des autres, nul doute que les aspirations légitimes de notre vaillant peuple seront réalisées.

        A quelques encablures des élections générales de 2012, il y a lieu de s’interroger sur la question cruciale du choix des candidats et partant, réfléchir sur la problématique de quelques insuffisances liées à la bonne organisation du scrutin. En cela, le choix du bon candidat parait primordial pour continuer l’œuvre de développement enclenchée sous le règne d’Alpha et d’ATT, et consolider davantage notre démocratie. Il faut bien le dire ces deux dignes fils du pays ont mis la barre très haut, et le nouveau Président ne peut être n’importe qui. Il nous faut quelqu’un qui ferait autant sinon mieux que les deux précités. Il y va de notre salut à tous.

2012 se fera certainement dans un contexte particulier raison de plus pour rester vigilants et ne pas céder aux sirènes des marchands d’illusions. Juste quelques remarques :

–          le départ d’ATT après deux mandats pleinement remplis comme l’a fait,  il y a de cela 10 ans déjà Alpha, tout un symbole en termes de respect de la loi fondamentale, d’alternance et de message d’espoir quant à la pérennité de notre démocratie. Le président sortant n’étant pas candidat à sa propre succession, le jeu est très ouvert entre les différents candidats.

–           La problématique liée aux candidatures indépendantes et l’attachement des formations politiques au fait partisan. une situation qui crée un embrouillamini dans la sphère politique mettant en cause la crédibilité des partis politiques classiques. ATT en tant que candidat indépendant a remporté sur les partis politiques. Serait-il le cas pour un autre candidat indépendant en 2012 ? Belle empoignade en perspective entre les deux camps.

–          l’intérêt soudain des jeunes pour la magistrature suprême, avec les quelques candidatures déjà déclarées, il est loisible de constater que, pour une fois les jeunes n’entendent pas rester en marge de cette fête électorale. Le tournant générationnel est véritablement amorcé depuis belle lurette et les jeunes ne veulent plus être de simples « faire-valoir »  ou de spectateurs muets. Très bonne chose, qui dénote du dynamisme de notre démocratie, et de l’émergence d’une jeunesse consciente de son rôle dans l’édification d’une société prospère. Le seul bémol pourrait être à ce niveau la multiplication de candidatures fantaisistes sous le regard bienveillant de la loi  alors que la personne n’a pas les compétences et capacités requises.  Cette vision de la chose politique et surtout en matière de suffrage est très réductrice et fausse la saine émulation des vrais acteurs.  Le « m’as-tu vu » n’a pas sa place dans l’espace politique. Oui aux jeunes, mais des jeunes qui ont les compétences et capacités requises et prêts à servir le pays.

–          la pléthore de candidats plus ou moins crédibles. La magistrature suprême suscite des envies. C’est le moins que l’on puisse dire. Beaucoup de Maliens plus ou moins aptes, plus ou moins compétents s’invitent dans la course. Décidemment ATT fait des émules par sa vision, son exercice assez populiste du pouvoir qui donne à croire que celui-ci est à la portée du premier venu, alors que nous savons tous que la fonction présidentielle n’est pas banale, loin de là et que n’est pas Président qui veut. La liberté et le droit de se présenter à un poste électif sont reconnus à tout citoyen Malien remplissant un certain nombre de conditions, mais cette liberté trouve ses limites dans la sagesse et la raison qui veulent que l’on se réserve en cas de sérieux doute quant à ses capacités. Simple question de bon sens.

Les enjeux des échéances électorales de 2012 sont tels que les électeurs doivent faire preuve de beaucoup de prudence et d’objectivité dans le choix des candidats. Des marchands d’illusions il y en aura, des profiteurs et autres gugusses seront au rendez-vous pour leur propre personne et n’hésiteront pas à user de manœuvres frauduleuses pour parvenir à leurs fins. Donc vigilance et prudence doivent être de rigueur. 

Aussi, le constat a été fait que l’électeur Malien dans sa grande majorité ne choisit pas son candidat sur la base d’un projet de société. Il y a lieu de se demander légitimement d’ailleurs si tous les candidats en possèdent ? A partir de là, faut-il s’étonner que des énergumènes, des incompétents ou autres espèces d’hurluberlus se retrouvent dans les instances de décision ?

Chaque candidat doit pouvoir présenter un programme de société clairement expliqué aux populations, seul bréviaire à même d’emporter la conviction ou l’adhésion de l’électeur. C’est sur la base des différents projets de société, et les capacités et compétences des candidats que l’électorat Malien sera invité à se prononcer. Il est admis que l’élection présidentielle est une sorte de rencontre entre un homme et un peuple, donc la valeur intrinsèque du candidat (personnalité- parcours-moralité-compétence-patriotisme etc.) pèsera lourd dans la balance. Un mauvais candidat avec un bon programme, et un bon candidat avec un mauvais programme ne nous intéressent point. Il faut pour les échéances de 2012 un bon candidat avec un bon projet de société. Toute autre considération relève de la complaisance, et du déni de démocratie. L’avenir du pays dépend du choix du candidat, et ce choix appartient aux électeurs. Donc, faisons en sorte qu’avec nos suffrages, le Mali soit confié à quelqu’un qui le mérite, qui mettra le Mali au dessus de tout.

Les campagnes politiques sur fond de distributions de sac de céréales, de T-shirt, de thé, d’espèces sonnantes et trébuchantes, les copinages, et autres parentés improbables qui ont toujours guidé plus ou moins le choix de l’électeur doivent être bannis. Il est temps que le malien comprenne que l’achat des voix, les multiples entorses au libre choix du candidat portent préjudice à notre démocratie. Après 20 ans de pratique démocratique, la maturation politique doit nous permettre de bien choisir nos candidats sans tomber dans une espèce de tribulations et d’avanies dommageables à tout point. Ce qui est propre aux élections présidentielles l’est aussi pour les élections de proximité : la représentation nationale ainsi que les municipalités doivent avoir en leur sein des élus de qualité. Toute chose qui demande de la part des électeurs responsabilité et objectivité encore une fois dans le choix. Nous ne sommes pas en ploutocratie, donc l’argent ne saurait déterminer la volonté du peuple. Elevons le débat et faisons en sorte que l’argent ne pollue ce rendez-vous démocratique.

Enfin les attaques personnelles et autres débats de caniveaux ne nous font pas avancer, bien au contraire.  Il s’agit de confrontations d’idées, d’intelligences et de projets. Vivement l’organisation de véritables débats politiques avec l’implication responsable des médias pour éclairer les populations.

L’électeur dispose d’un véritable pouvoir, celui de choisir librement le ou les candidats susceptibles de traduire dans les faits ses aspirations légitimes. Un pouvoir qui doit s’exercer en toute indépendance en toute responsabilité et en toute objectivité. Alors électeurs du Mali pensez-y le moment venu !

Une contribution de Mr  Makan DIALLO

Docteur en Droit Privé, Avocat inscrit au barreau de Paris

 

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