L’introduction du Bicaméralisme au Mali : Avantages et Inconvénients.

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Notre pays s’apprête à rejoindre le peloton des démocraties  adeptes du bicaméralisme.

Mr Sidi Yaya Traoré Etudiant en droit à l’Université de Pau (France)

Ce concept vient du latin « bis » qui signifie deux fois, et « caméra »  qui veut dire chambre. L’introduction du bicaméralisme au Mali, suppose donc la création d’une deuxième chambre au sein de notre Parlement à savoir le Sénat. Celle- ci viendrait s’ajouter à l’Assemblée nationale.

Le monocaméralisme a longtemps caractérisé le Parlement de notre pays. En effet la volonté de limiter les charges budgétaires a conduit notre pays à établir une seule chambre au sein du Parlement.

 L’institution d’une seconde chambre  a toujours  suscité  partout de nombreuses polémiques. Le Mali n’échappe pas  à cette réalité, c’est pourquoi suite à l’adoption du projet de révision de notre loi fondamentale par les députés ; nous avons jugé utile d’éclairer nos concitoyens sur les avantages et inconvénients du bicaméralisme au Mali.

Le bicaméralisme il faut le dire, présente des avantages considérables dans la mesure où il permet de renforcer le parlement .Il présente  néanmoins certains inconvénients  que notre pays doit absolument éviter si nous voulons faire de notre jeune démocratie un exemple en Afrique.

Les avantages du bicaméralisme au Mali

Le bicaméralisme pourrait présenter deux sortes d’avantages dans notre pays, avantage  à la fois sur le plan politique et technique.

Techniquement, les avantages du bicaméralisme sont certains.

En effet, l’existence de deux chambres au sein de notre parlement permettrait une division du travail parlementaire en un double examen, gage de confrontation et de meilleure qualité de législation. Même si ce temps ralentit les délibérations, le temps consacré au dialogue est loin d’être inutile. En effet le Sénat est en réalité une chambre de réflexion, l’existence d’une telle chambre aurait pu éviter à notre pays les difficultés qui se sont présentées lors de l’adoption du nouveau code des personnes et de la famille.

Par ailleurs, l’introduction du Sénat  au sein de notre Parlement pourrait faire de cette deuxième chambre un   contre- pouvoir efficace, susceptible d’influencer les décisions au profit de tous les acteurs politiques. La seconde chambre pourrait permettre d’atténuer le règne sans partage de la majorité au sein de l’Assemblée nationale.

D’ autre part, le bicaméralisme nous est indispensable aujourd’hui’ hui si nous voulons que la décentralisation soit réellement effective dans notre pays.

 La décentralisation de la décision politique ne saurait être efficace, sans l’existence d’une assemblée d’élus qui assure la représentation des collectivités locales.  Or Le Haut Conseil des Collectivités n’a pas été mis en place pour jouer un tel rôle. En effet il est clairement inscrit dans le marbre de la Constitution de 1992, que cette institution a : «  pour mission d’étudier et de donner un avis motivé sur toute politique de développement local et régional ».

Il s’agit par conséquent d’un organe de consultation et non de décision.

Le Sénat pourrait donc parfaire le processus de décentralisation dans notre pays. Ce qui  en somme  permettrait  à cette institution d’être à l’initiative des lois qui répondent aux besoins plus spécifiques de nos régions et communes.

 Le système bicaméral présente aussi des avantages politiques indéniables.

Politiquement le bicaméralisme va permettre de tempérer le pouvoir démocratique majoritaire, qui risque s’il n’est pas véritablement contrôlé de tendre à «  l’hégémonie », au monopole.

Montesquieu affirme que «  tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser, il va jusqu’ au bout de son pouvoir ».Par conséquent pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que le pouvoir arrête le pouvoir ». Le bicaméralisme joue ici un rôle  modérateur du pouvoir tel que préconisé par Montesquieu : «  le corps législatif y étant composé de deux parties, l’une enchainera l’autre par sa faculté mutuelle d’empêcher ».

Le bicaméralisme apparaît dès lors comme un mécanisme de limitation du pouvoir et de protection des composantes minoritaires du corps politique, face aux effets abusifs de la majorité .Il permet une meilleure représentation du peuple, de ses composantes géographiques et territoriales. Ceci dit il présente aussi des inconvénients.

 

Les inconvénients du bicaméralisme au Mali

Les raisons qui militent en défaveur de la création du Sénat au Mali sont d’ordre conjoncturel. La crise économique et financière, la nécessité d’un ajustement de l’Etat.

Un pays pauvre comme le nôtre se doit de limiter ses dépenses publiques. Toutefois, nos autorités nous ont rassurés à ce sujet car le projet de révision prévoit de substituer  le Haut Conseil des Collectivités  par le Sénat.

L’autre inconvénient du bicamérisme que notre pays doit éviter, c’est qu’on en fasse un mécanisme de partage du « gâteau national ».

En effet,  nul n’ignore que la politique est devenue un commerce florissant dans notre pays. L’accès aux appareils de l’Etat est devenu un moyen privilégié sinon exclusif d’accumulation des richesses. Par conséquent l’avènement d’une seconde chambre  serait une occasion rêvée pour le pouvoir en place, de s’adonner à un  partage clientéliste des maigres ressources de notre pays.

Le Sénat offrirait ainsi au pouvoir en place de nouvelles possibilités de distribution des places, des honneurs et « des prébendes dans une logique de justice politique, partisane,  et ethnique ».

Le Sénat serait donc une sinécure, la «  première maison de retraite cinq étoile » pour nos politiciens.

Dans un tel contexte la deuxième chambre  deviendrait une institution dévoyée aux seuls profits de quelques politiciens véreux.

Nous pouvons éviter ces pratiques néfastes du bicaméralisme dans notre pays ; en faisant de la deuxième chambre le lieu où l’on ferait de la promotion des jeunes et des femmes en politique.

Le rajeunissement de la classe politique malienne, ainsi que l’implication  accrue des femmes dans la gestion des affaires publiques, ne seraient pas un mal pour notre jeune démocratie.

Somme toute, dans la lancée de cette exception malienne que constitue le concept de gestion consensuelle du pouvoir, faisons en sorte que le Sénat devienne le lieu par excellence de promotion des jeunes et des femmes en politique.

Que Dieu bénisse et veille sur le Mali !

Une contribution de Mr Sidi Yaya Traoré Etudiant en droit à l’Université de Pau et des Pays de L’Adour Master 2 Droit privé général.

sagesidiyaya4@gmail.com

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