L’honneur des Ifoghas

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Qu’il est loin le temps où Iyad Ag Ghaly prétendait incarner l’image du rebelle défendant la cause du monde Touareg. La photographie en noir et blanc de celui qui revendiquait le choix des armes pour défendre les communautés du Nord n’est plus seulement écornée et défraichie. Aujourd’hui, elle est tâchée de sang et mérite d’être définitivement déchirée puis dispersée aux quatre vents de l’oubli.

Qui croira qu’Iyad Ag Ghaly entrera dans l’histoire autrement que comme un criminel, un héros raté qui est allé trop loin, qui s’est trompé de combat et surtout a cherché à fourvoyer sa propre communauté ? Celui qui prétendait défendre les intérêts des Touaregs et l’éminence des Ifoghas n’a fait que détourner ces causes et duper son monde au profit du JNIM. Depuis qu’il avait croisé les missionnaires salafistes de Jamaat al Tabligh à Kidal, le projet caché d’Iyad Ag Ghaly était bien d’imposer à toutes les communautés du Nord-Mali le fondamentalisme wahhabite et le radicalisme de la charia rouge sang. Jusqu’à prendre en otage sa propre communauté pour chercher à la précipiter dans l’obscurantisme et l’aveuglement.

Pour arriver à ses fins, Iyad Ag Ghaly n’a pas eu peur de tenter de sacrifier sa propre fraction, les Eriyaken, tandis que les Ifergoumissen ont refusé, eux, de basculer. Aujourd’hui, tout porte à croire que les Kel Affelagh assument eux-aussi le parti de leur rupture définitive avec Iyad Ag Ghaly. En faisant ce choix et en l’assumant, la fraction de Mohamed Ag Intallah a ainsi choisi de mettre toute la communauté Ifogha à l’abri de cette tentative diabolique de détournement opérée par Iyad Ag Ghaly.

Que devient alors un Iyad Ag Ghaly sans l’appui des Ifoghas, sur lesquels il avait construit la prétendue légitimité de son épopée sanguinaire ? Que représente un Iyad Ag Ghaly privé de ses derniers fidèles qu’étaient Cheikh Ag Aoussa, Ismaghil Ag Azbaye, Malick Ag Wanassnat, ou Abdallah Ag Oufatah ? Voici l’unique et l’ultime réponse à cette question : rejeté par sa communauté, répudié par les siens, haï par les marabouts, lâché par ses combattants même les plus jeunes, ayant perdu ses hommes de main et affaibli par une santé fragilisée, Iyad Ag Ghaly est définitivement dans une impasse morbide.

Même le sinistre Sedan Ag Hita ne pourra rien pour lui. Cultivant lui-aussi l’obscurantisme après avoir déserté l’armée, semant surtout la violence et le crime organisé, Sedan Ag Hita lui-même ne se revendique pas de la lignée d’Iyad Ag Ghaly, peut-être parce qu’il n’est pas lui-même Ifogha, mais aspire pourtant à prendre sa place. Or, il n’y a pas de place à prendre, parce qu’il n’y a plus de combattants et plus de chef, d’ailleurs, il n’y avait ni cause, ni engagements, ni même gloire à en retirer. Iyad Ag Ghaly prétendait s’imposer comme un incontournable dans la résolution de la crise du Nord que lui-même avait ensemencée. Mais il ne compte déjà plus dans le Mali d’aujourd’hui et sera définitivement oublié dans le Mali de demain.

Si encore il y avait eu des valeurs derrière l’engagement de l’un ou les prétentions de l’autre… Mourir pour une cause peut se défendre, combattre pour l’honneur peut se justifier, si c’est le choix en conscience d’un homme et le sens qu’il veut donner à sa vie. Mais Sedan Ag Hita n’a pas plus de cause à défendre qu’Iyad Ag Ghaly et Ansar Eddine n’avaient de projet pour le Nord. Et qu’ont à voir avec l’Islam le fait de détourner une communauté, de salir des fractions et des familles, comme l’a fait Iyad, ou bien d’enlever puis revendre des otages, comme s’y est employé Sedan Ag Hita ? Il ne s’agit que de crimes qui méritent châtiment, répudiation puis oubli définitif de leurs sinistres coupables.

Il en allait de l’honneur du monde touareg tout entier que de répudier Iyad Ag Ghaly et de rejeter des prétendants à sa succession comme Sedan Ag Hita. En faisant ce choix, les Ifoghas vont sauver leur honneur et plus largement celui des Touaregs.

Idrissa Khalou

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