Lettre ouverte au Capitaine Amadou Haya Sanogo : « Au cœur et au piège des enjeux… », dixit Me Sylvain Kéïta

Dans une correspondance déposée à notre rédaction, Me Sylvain Kéïta, Président de l’ordre des Huissiers de Justice du Mali propose des solutions de sortie de crise au Chef du CNRDRE. Dans sa correspondance, l’Huissier, patriote de son état conseille bien de choses utiles au nouveau patron de l’Armée et du Mali. Lisez plutôt !

« Au nom de ma citoyenneté,

Capitaine SANOGO,

Le putsch  du 22 mars 2012 a eu pour conséquence la suspension de la constitution et la dissolution des institutions de la République. L’état des lieux et l’expertise donneront aussi un jour le montant des préjudices subis par les services publics et privés.

Par ailleurs, les régions du nord ont été occupées par des groupes armés, chacun avec ses objectifs politiques, religieux ou terroristes.

Le putsch est une occasion de s’accorder sur l’épineuse question du fichier électoral

Le putsch est une occasion de s’accorder sur l’épineuse question du fichier électoral. L’occupation des régions nord  nous donne  aussi l’avantage de dénoncer tous les accords conclus avec certains occupants.

Au-delà, nous constatons avec amertume : – que les forces vives du pays, société civile et classe politique sont opposées  dans leurs composantes ; que certains éléments des forces armées et de sécurité sont dans un climat de méfiance et de frustration.

Ainsi, les maliens se trouvent divisés : société civile opposée ; hommes politiques contre hommes politiques ;  société civile et hommes politiques contre militaires ;  militaires contre militaires.

Le pouvoir,  dans un flou entre l’institution et l’exercice effectif, est encore isolé de la communauté internationale,  dont il dépend essentiellement à tous égards.

Le respect de l’accord cadre du 06 avril

Le  rétablissement de la légalité constitutionnelle repose sur les termes de l’Accord Cadre du 06 avril 2012, intervenu entre le Médiateur de la CEDEAO et le CNDRE. Cet instrument divise aussi le peuple malien.

Le Président intérimaire doit il survivre à la transition ou assisterons nous encore en si peu de temps, à une lugubre prestation de serment d’un autre Président de la République, la première ayant fait pleurer le peuple  de tristes émotions, sauf le citoyen Néron.

Vous constaterez aisément que : – 1  Les civiles,  ayant  perdu espoir de s’affirmer par un processus normal,   ou « mis en quarantaine » par les précédents régimes,  rongés par une frustration et une aigreur viscérale, croient  trouver un raccourci pour accéder à certains statuts, mais aussi une occasion de régler certains comptes avec d’autres. Ils seront vos défenseurs irréductibles, avec ou sans  réelle conviction,  mais  certainement en priorité par intérêts personnels.

2  Les hommes politiques  proches  du leadership,  misent sur ce putsch pour se hisser  au sommet, malgré l’évidence du fait majoritaire. Ils condamneront par principe de façade,  le coup de force, mais chercheront tacitement et hypocritement les bonnes grâces de la junte.

3  Certains individus du secteur public ou privé, se reprochant  quelque chose, mais protégés par le régime déchu, regagneront sans scrupule le groupe de vos défenseurs, pour  se tirer la couverture.

4  Certains officiers supérieurs  peuvent  sans bonne foi,  collaborer avec vous,  par  souci de sécurité et peut être pour infiltration.

5 Les militaires de rang ont trouvé une fierté évanescente de s’affirmer, de tenir en respect  une hiérarchie civile et militaire. Déjà, certains  ont peut être  engrangé des  « butins  de putsch» sur des fonds publics et privés, ils réalisent une ascension sociale inespérée, ils n’ont pas besoin de voir plus loin.

6  Au niveau du CNRDRE, vous faites et ferez  l’objet de tiraillements, dans des contradictions à éventuelles solutions militaires, propres à  un pouvoir militaire.

7  Au  niveau régional, sous régional et international,  le putsch pourrait déranger, inquiéter  des Chefs d’Etat  ou dirigeants de multinationales et  les amener à  réfléchir.

Capitaine Sanogo au cœur et au piège des enjeux

Dans ce contexte explosif actuel et futur, vous  êtes  au cœur et au piège des enjeux.

Vous ferez face à plusieurs adversités de la société civile, des leaders politique, des militaires, disons du peuple malien dans  sa diversité socio professionnelle.

Vous aurez à trancher deux questions principales :

Comment ne pas quitter ?

Comment quitter ?

N’existerait il pas  pour vous, une  voie noble, sécurisée,  à potentiel de crédit récupérable  aux plans national et international.

Il existe une voie salutaire pour le Capitaine Sanogo

Capitaine SANOGO, il existe une voie salutaire, celle par laquelle vous aviez, avez  toute l’opportunité :

–       de devenir un héros de la nation ;

–       d’être élevé avec mérite à un grade supérieur ;

–       de recevoir les médailles et honneurs de distinction ;

–       d’avoir les moyens financiers de vos ambitions ;

–        de réformer l’armée ;

–        de satisfaire les revendications légitimes des hommes de troupe ;

–       de bénéficier de l’admiration et du soutien du monde entier ;

–       de réaliser et acquérir tout cela en parfaite sécurité ;

–       de refaire ultérieurement surface dans tel domaine avec ce capital de crédit.

S’extraire du piège CNRDRE-FRD-COPAM

Vous avez sollicité les conseils des citoyens, je vous conseille pour ma part de vous extraire de ce piège CNRDE-FDR-COPAM.

Vous n’aurez qu’une gloriole et à quel prix et pour quelle finalité.

Le putsch de 1991 était celui du peuple. Les auteurs étaient avec le peuple. Soyez donc avec le peuple entier pour la guerre. Là, vous attend la gloire et la récompense de la communauté internationale.

La préoccupation unanime, qui ne divise point le peuple malien, est la guerre pour libérer les parties occupées du territoire national.

Nous n’avons d’autres choix, l’ayant subie avec  humiliation militaire, terreur, vol et viol.

Alternative de règlement interne

Votre déclaration  solennelle à la nation et au monde entier de votre rattachement aux valeurs républicaines, à la préservation des acquis démocratiques dont bénéficie l’image du Mali, au respect de votre serment  de défense de la patrie, vous offrent beaucoup et mieux. Cette attitude permettait de régler paisiblement la mise en œuvre des mécanismes  de continuité de la normalité et de préserver la paix sociale. C’est cela l’alternative de règlement interne de notre crise institutionnelle, qui aurait simplement pris un caractère d’incident.

Vous avez la latitude de discussions : Des revendications légitimes des hommes de troupe ayant mis en vous une confiance ; des conditions  et garanties de votre sécurité et celle de vos associés ; de votre statut ; du statut des membres de votre comité ; des questions annexes de tous ordres,  concernant l’armée pendant et après la transition.

Le Conseil de guerre : la nation et communauté internationale derrière vous

Après cela, vous avez tout à gagner dans la constitution d’un Conseil de Guerre.

La nation et la communauté internationale seraient derrière vous dans tous les aspects structurels, organisationnels et opérationnels de ce Conseil de Guerre.

Il peut être  directement rattaché à la Présidence de la République. Il peut avoir son cabinet autonome. Un  mode de consultation peut être défini entre le Président  de la République, le Premier Ministre  et le Chef du Conseil de Guerre.

Option d’esprit républicain…

Capitaine SANOGO, cette option d’esprit républicain serait  saluée par le peuple malien et le monde entier et votre victoire sur l’envahisseur facilitée par l’assistance technique et financière internationale  feront de vous un héros national.

Cette  option  vous ouvrira des perspectives dont  vous êtes  loin d’imaginer  la nature et l’étendue.

La prise de cette  option aurait un effet de surprise sur la communauté internationale.

« L’homme intelligent est celui qui connaît ses limites, l’homme doué est celui qui ne sait pas dépasser ses limites. ».

Nous n’avions pas besoin d’aller à Ouagadougou

Nous aurions pu éviter les sanctions de la CEDEAO. Nous n’aurions pas besoin d’aller à Ouagadougou, pour trouver la solution à une crise institutionnelle et verser dans des alchimies juridiques d’interprétation de l’Accord cadre. Ces arrestations de leaders et officiers supérieurs ne seraient pas intervenues. Pire, l’exposition des armes à notre télévision, images faisant  le tour du monde, ne nous discréditait pas de plus.

Un cadre de règlement interne aboutissant à une  solution  interne sous votre caution de bonne foi, démontrait l’intelligence et la maturité du peuple malien, en dépit d’un incident ou d’une crise, comme enseigné ailleurs à côté de nous.

Par ce règlement interne, le peuple retrouverait son unité, la confiance et l’espoir

Par ce règlement interne, le peuple retrouverait  unité, confiance et espoir. L’armée y gagnerait un réconfort moral, les assaillants subiraient une défaite morale avant la guerre, qui vous sacrerait héros national.

C’est une nation debout en entier, face à des institutions debout, qui peut gagner une guerre.

Je ne doute point de vous convaincre du bien fondé de mes réflexions résiduelles relatives à cette option, tant elle est à votre avantage.

J’espère  avoir l’opportunité de les partager même avec vous.

Vous adressant mes salutations citoyennes, veuillez croire  Capitaine SANOGO,  l’assurance de la sincérité de mes propos ».

Bamako, le 22 Avril 2012

 Me Sylvain Makan KEITA

Président de l’Ordre des Huissiers de Justice.

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