Lettre ouverte a monsieur le directeur général de l’ORTM

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Monsieur le Directeur Général,
Comme nombre de Maliens, j’ai suivi un magazine dont le titre était : « Les populations de Sokonafing sur les chemins du développement durable local », diffusé sur les antennes de votre respectable télévision nationale dans la nuit du jeudi, 04 octobre 2012. Permettez-moi, en conséquence, de vous adresser cette lettre ouverte pour vous faire part de mes observations sur le contenu, observations que j’aurais volontiers faites dans le magazine si j’avais été invité à y participer.
Je dois vous avouer, Monsieur le Directeur général, que je réagis en tant que technicien ayant connaissance du dossier traité et que je compte sur le journaliste professionnel expérimenté que vous êtes pour que je garde l’anonymat dans l’affaire, car j’ignore les non-dits du magazine réalisé par Ibrahim Diombélé. Tout compte fait, c’est plus la pertinence des avis que j’émets qui vaut et moins mon identité, je crois.
Ma sincérité pourrait paraître brutale à l’occasion, mais c’est de la sincérité. Sans détour, j’affirme que Monsieur Abdel Kader Sidibé, maire de la Commune III dont je connais un peu les agissements peu orthodoxes, m’a fait peur et m’a révolté comme cela m’arrive rarement. Chez nous, on dit que quand le diable arrive aux portes de l’enfer, il ne se soucie plus de repentir. Le magazine de la nuit du jeudi dernier explique bien l’adage. Abdel Kader Sidibé a franchi le Rubicon et, quitte à paver l’enfer de ses bonnes intentions à lui, il ne fera l’économie d’aucun mensonge dans l’affaire. Au cours du magazine, il a annoncé des contrevérités ahurissantes avec une aisance si désarmante que je me suis demandé s’il y a encore place pour la morale dans notre pays. J’ai été à ce point sidéré par ses propos mensongers que j’en étais à jeter un projectile sur mon poste récepteur.
Abdel Kader Sidibé affirme que les titres fonciers de la société immobilière (qu’il se garde de nommer) se situent sur le territoire de sa commune. C’est faux. Même les plans montrés dans le magazine, pour peu qu’on les regarde avec un œil averti, démontrent clairement que Kolimagni Koulou relève de Kati et non de Bamako. Monsieur Sidibé n’évoque pas, en connaissance de cause,  la loi n° 97-020 du 07 mars 1997 qui a rattaché à sa commune certaines localités, mais il s’est empressé d’investir comme une armée d’occupation les titres fonciers de la Sifma-sa. Nous savons pourquoi. C’est parce que les services compétents, notamment l’Institut Géographique du Mali et la Direction nationale des Domaines et du Cadastre, lui ont déjà clairement notifié que cette loi n’a fait que rattacher à la mairie de la Commune III les quartiers de Sirakoro-Dounfing et Koulouninko, sans jamais effectuer un découpage territorial, encore moins changer les principes et les réalités de droit qui ne peuvent avoir leurs fondements, en la matière, que dans le Code Domanial et Foncier. A propos, il faut rappeler que c’est l’Ordonnance n° 78/ 33/ CMLN du 18 août 1978 qui a fixé les limites territoriales du District de Bamako. Que je sache, cette Ordonnance n’a pas été abrogée à ce jour. Et Abdel Kader Sidibé le sait parfaitement.
Monsieur le Directeur général, dans l’affaire pour laquelle on est en train d’utiliser le média d’Etat dont vous assumez les plus hautes responsabilités, il est important de savoir qu’il y a au Mali des lois et une règlementation en vigueur dans le domaine des affaires domaniales et foncières, des textes par ailleurs très évolués. Je vous cite notamment le décret n°0115 du 09 mars 2005 qui régit les opérations de planification urbaine en République du Mali. Or, Abdel Kader Sidibé et son grand complice dans l’affaire, le sieur Kanté en l’occurrence, ont délibérément choisi d’ignorer ce décret, pour ne pas dire qu’ils l’ont volontairement piétiné. Au Mali, les lotissements obéissent à des règles strictes. Même un propriétaire de titres fonciers ne peut pas de lui-même procéder à un lotissement sans au préalable obtenir les autorisations nécessaires auprès de l’Etat. Il est obligé de se référer à l’Etat du Mali à qui il soumet son projet pour la simple raison que c’est l’Etat qui assure la sécurité et les secours.
Abdel Kader Sidibé fait donc de la tromperie en disant que son lotissement a été motivé par l’offre et la demande, comme si une assemblée générale de populations, que l’on sait par ailleurs suscitée pour la cause, pouvait l’emporter sur les lois de la République. Si c’est le cas, on ne serait plus en République et encore moins dans un Etat, mais bien dans une cour du roi Pétaud. Ce n’est pas là le meilleur que l’on puisse souhaiter au Mali du 21ème siècle. Et puis, ce que le maire Sidibé ne dit pas, c’est que c’est dans une correspondance datée du 19 juillet 2011 qu’il a informé les chefs de quartier de Sogonafing, Samé, Sirakoro-Dounfing, Koulouniko et Koulouba que son conseil communal « en sa session ordinaire tenue du 27 juin au 06 juillet 2011 a examiné et donné son accord aux demandes formulées par certains quartiers relatives à la réalisation d’opérations d’urbanisme… » On retiendra que le lotissement était déjà effectué depuis trois ou quatre ans, comme l’ont répété les intervenants dans le magazine. Preuve irréfutable que les opérations foncières ont bien précédé la prétendue demande des quartiers. Le conseil communal du 27 juin au 06 juillet 2011 n’a fait que maquiller une fraude manifeste en cours d’exécution. Quelle filouterie !
Passant tranquillement de l’amalgame à la tricherie sur les concepts, le maire Sidibé annone droit coutumier et droit d’usage. Sait-il seulement que le droit d’usage est différent du droit de propriété ? Lorsqu’on évoque un document écrit de 1935 délivré par l’administration coloniale française, eh bien, qu’on le rende public pour qu’ensemble nous l’analysions. En attendant, pour leur gouverne citoyenne, il faut apprendre à Monsieur Sidibé et compagnie deux choses. Premièrement, depuis 1889, à ma connaissance, l’administration coloniale française délivrait des titres fonciers. Deuxièmement, dans sa sagesse et son respect de la loi, l’Etat malien n’a jamais touché à un titre foncier créé par l’administration coloniale française. Les titres fonciers des familles Touré à Niamakoro (Bamako) et Traoré à Sikasso sont éloquents à ce sujet. Pourquoi donc Abdel Kader Sidibé et Kanté d’AGIM toucheraient aux titres fonciers déjà créés par l’Etat du Mali ?
Je note que le sieur Kanté, patron de l’agence immobilière AGIM, qui est le technicien  de la mafia de la Commune III, ne pipe mot au cours du magazine ; il se contente d’être filmé dans son bureau. Curieux, non ? C’est le maire qui donne l’impression de bien connaître le Code Domanial et Foncier et les textes régissant le lotissement en lieu et place et mieux que les techniciens du domaine. La raison de l’un pour se défausser et de l’autre pour, disons, fanfaronner, est compréhensible pour nous autres. C’est que si les terres investies frauduleusement par eux relevaient bien de Bamako, ils seraient obligés de passer par les autorités du District pour agir légalement. Le Directeur régional de l’urbanisme et de l’habitat du District leur aurait d’abord délivré une autorisation préalable de lotir, lequel document serait ensuite validé par la délivrance d’une autorisation définitive de lotir délivrée par le Gouverneur du District. Ce n’est pas tout. La chaîne devrait même être précédée par une décision d’affectation des terrains délivrée par le conseil des ministres. Abdel Kader Sidibé et son âme damnée, Kanté, sont passés outre en engageant leur lotissement en toute illégalité.
J’aimerais leur poser, à eux deux, quelques questions auxquelles ils doivent avoir l’honnêteté de répondre publiquement.  Avez-vous une autorisation préalable de lotir délivrée par le Directeur régional de l’urbanisme et de l’habitat du District de Bamako comme vous prétendez y être ? Avez-vous une autorisation définitive de lotir délivrée par le Gouverneur du District ? Avez-vous obtenu une affectation des terrains que vous avez investis délivrée par le conseil des ministres? Si vous ne les avez pas, sachez alors que vous êtes des fraudeurs et des fauteurs de désordres. La justice sait quoi faire de vous.
Je voudrais rapidement rappeler quelques dispositions légales. Grosso modo, le titre foncier est par essence définitif et inattaquable ; il constitue, devant les juridictions maliennes, le point de départ unique de tous les droits réels existant sur l’immeuble au moment de l’immatriculation. L’immatriculation d’un immeuble est définitive et aucun immeuble immatriculé ne peut être replacé sous son régime antérieur.  Pour rappel à l’opinion nationale, tous les titres fonciers de la Sifma-sa ont été régulièrement créés. Les services compétents et les tribunaux l’ont suffisamment notifié à la mairie de la Commune III. Abdel Kader Sidibé cherche quoi ?
J’espère, Monsieur le Directeur général de l’ORTM, que cette contribution vous servira utilement et, à travers vous, d’autres concitoyens. Salutations distinguées.
Dougoutigui Magassa,  Géomètre à Bamako

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