Monsieur le Président,
Dans deux précédentes lettres ouvertes à vous adressées, le Mouvement vert-jaune-rouge avait attiré votre attention sur deux problèmes d’une importance capitale pour le Mali :
· La dégradation du réseau routier à travers le pays et à Bamako (Lettre ouverte à la date du 20 septembre 2016) ;
· Le fait que la plupart des structures sanitaires du pays ressemblent à des mouroirs, où l’issue fatale semble être la seule solution imposée à une catégorie de malades (Lettre ouverte à la date du 22 décembre 2016).
Monsieur le Président,
Convaincu de la vertu pédagogique de la répétition, le Mouvement vert jaune rouge dans cette nouvelle lettre ouverte voudrait attirer votre attention sur la « honteuse » dégradation de la route Bamako-Diboli, qui passe par Kayes et sur l’urgence de la construction de trois nouveaux hôpitaux dans les banlieues de Bamako : Moribabougou, kabala et Sénou.
Les routes maliennes sont « malades » et pratiquement impraticables. A titre d’exemple nous citons pêle-mêle : Sévaré-Gao, San-Sévaré, Ségou-Bla, Bougouni-Sikasso, Sikasso-Zégoua (Frontière de Côte d’Ivoire), Kati-Diéma, Diéma-Kayes et Kayes-Diboli (Frontière du Sénégal).
Mais, ici, nous mettons un accent particulier sur ce que nous convenons d’appeler aujourd’hui « la honteuse » dégradation de la route Bamako-Diboli, qui passe par Kayes. L’état de dégradation avancée de cette route menace gravement la sécurité des usagers et l’économie chancelante du pays.
Sans rentrer dans les détails, le Mouvement vert jaune rouge a constaté avec beaucoup d’amertume que sur cet axe important pour le ravitaillement de notre pays, les chauffeurs sont contraints de choisir leurs trous, car la chaussée a cédé le pas aux nids de poules.
Monsieur le Président,
Le Mali, pays continental, ravitaillé à partir des ports de Dakar (Sénégal), d’Abidjan (Côte d’Ivoire), de Tema (Ghana), de Lomé (Togo), de Cotonou (Bénin) et dans une moindre mesure de Conakry (Guinée) et de Nouakchott (Mauritanie), ne doit pas admettre que son réseau routier soit dans un tel état.
Le ravitaillement régulier du pays à partir du port de Dakar, relève aujourd’hui d’un miracle. Tant, la route Diboli-Bamako, qui passe par Kayes, a atteint, en certains lieux, un niveau de dégradation inimaginable.
Quelle est l’utilité des postes de péages qui occupent nos routes à travers le pays, si l’entretien des routes est le dernier souci de l’autorité routière ?
Monsieur le Président,
Entre routes impraticables et hôpitaux incapables de remplir leurs fonctions, le dénominateur commun est l’insécurité des citoyens maliens.
Nous l’avons dit dans une de nos lettres ouvertes et nous le répétons : « 56 ans après l’indépendance du Mali, l’état peine à offrir un système sanitaire digne de nom à ses citoyens ».
Vous convenez avec nous que la plupart des structures sanitaires du pays ressemblent à des mouroirs, où l’issue fatale semble être la seule solution imposée à une catégorie de malades.
Et, le privé malien digne de nom qui tente de suppléer une carence de l’Etat dans ce domaine, est inaccessible à la plupart des cadres du pays, à plus forte raison aux communs des maliens.
A titre d’exemple, dans un centre hospitalier privé de la place que nous taisons volontairement le nom, les 2 jours d’hospitalisation sont facturés à 50 848 FCFA. Lorsque le forfait appliqué aux soins infirmiers est 20 000 CFA pour 2 jours, la surveillance médicale permanente et la restauration, sont respectivement fixées à 10 000 FCFA et à 20 000 FCFA. Dans ce centre, la consultation anesthésique, la consultation d’urgence et la consultation interne, coûtent respectivement au malade 10 000 FCFA, 25 000 FCFA et 10 000 FCFA. Pour le cas d’espèce, l’intervention chirurgicale a été facturée à 825 000 FCFA, pour une échographie à 20 000 francs et une pharmacie qui s’élève à 142 030 FCFA. Sans être sûr de se tirer d’affaire, le malade et ses parents ont dû mobiliser la somme de 1 152 031 francs CFA pour le règlement de la facture de 2 jours d’hospitalisation, consécutive à une appendicite.
Quel effort ? Et en ces temps de vaches maigres, cela n’est pas permis à certains maliens que nous considérons comme nantis.
Le Mouvement vert jaune rouge estime que le moment est venu pour que le Mali se donne les moyens de soigner ses filles et ses fils dans des hôpitaux dignes de nom.
Nous l’avons dit et nous le répétons : « l’Etat du Mali doit faire en sorte que les citoyens n’aient pas l’impression qu’il y a un système de santé pour les pauvres maliens d’en bas et un système d’évacuation sanitaire vers l’Europe ou les pays maghrébins pour une autre catégorie de la population ».
Monsieur le Président,
Ici, nos propos ne viseront pas de vous faire comprendre que « 57 ans après l’indépendance du Mali, l’état peine à offrir un système sanitaire digne de nom à ses citoyens. De Kayes à Kidal, en passant par Bamako les citoyens maliens sont condamnés à aller se soigner à l’extérieur du pays. En tout cas, pour ceux qui en ont les moyens et le gros lot de la population n’a pas un autre salut que de s’en remettre à Dieu dans des structures sanitaires qui répondent difficilement aux normes en la matière ».
Nous venons très humblement vous solliciter pour que d’ici la fin de votre premier mandat à la tête du pays, que des dispositions urgentes soient prises pour la création de trois structures sanitaires dignes de nom dans trois banlieues de Bamako : Moribabougou, Kabala et Sénou.
Monsieur le Président,
Dans un pays où aucun dispositif d’évacuation sanitaire par les aires n’existe, le moment n’est-t- il pas arrivé de songer à l’installation d’infrastructures sanitaires dignes de nom dans des grandes banlieues de Bamako, qui sont en même temps des portes d’accès à la capitale malienne?
Ces nouvelles structures sanitaires pourront éviter aux cas d’urgences la pénible traversée de la ville de Bamako, avec ses nombreux embouteillages, pour rallier, soit l’Hôpital Gabriel Touré, soit l’hôpital du Mali, soit le Point G ou l’hôpital de Kati. Elles pourront surtout rendre d’énormes services à la forte population installée dans ces banlieues de Bamako.
Aussi, nous osions espérer qu’en plus du sempiternel problème des ressources humaines de qualité, ces nouveaux hôpitaux ne souffriront pas de l’insuffisance d’un équipement adéquat.
Monsieur le Président,
Quand on décide de mettre des mouroirs à la place des hôpitaux, l’on devrait pousser la logique jusqu’au bout en équipant le pays de plusieurs morgues.
Sans être fataliste, le moment n’est-t-il pas arrivé de doter Bamako et toutes les capitales régionales, d’un service de pompes funèbres digne de nom?
Le plus souvent, les capacités des quelques morgues rattachées aux hôpitaux de la place sont vite dépassées et les familles éplorées qui ont des défunts sous la main, ne savent pas où les déposer en attendant leur enterrement. Quelle douleur ? Quelle souffrance ?
Monsieur le Président,
Les maliens méritent mieux que cette piteuse image que leur renvoie leur système sanitaire, qui contraint le grand nombre de la population à l’auto-médication à travers les médicaments de la rue.
Monsieur le Président,
Face à autant de défis, le Mali n’a pas le choix. L’Etat du Mali doit s’assumer en toute responsabilité, afin qu’en matière de soins de santé, l’égalité des citoyens devant le service public soit une réalité pour tous. Et, des ressources financières mobilisables existent pour cela.
Il faut simplement créer une taxe mobilisable auprès des propriétaires fonciers dans toutes nos villes. Cette taxe, en plus de renflouer les caisses de l’Etat, va mettre un temps soit peu le pays à l’abri de cette course effrénée vers le foncier, qui prend par moment l’allure d’un accaparement des terres.
Bamako, le 6 octobre 2017
Yagaré Baba Diakité
Président du Mouvement Vert-Jaune-Rouge