Lettre à mon oncle Bass, Cher oncle,

3

Salamaliek !

Grand merci pour avoir réagi assez rapidement à ma dernière lettre, et surtout, pour les conseils et les mots gentils et plein d’espoir que tu m’y adresses.

Seulement, permets-moi, encore une fois, de te dire que je ne peux me marier avec la petite fille du vieux Kanté.

D’ailleurs, je ne peux envisager une telle chose avec aucune autre.

Marié, je suis, déjà et depuis fort longtemps, avec cette dame, spéciale, coriace, tenace, impitoyable et qui ne me laisse aucun autre choix.

Cette femme, oncle Bass, s’appelle Madame Misère.

Sans emploi, donc sans argent, rongé par l’incertitude du lendemain, c’est à peine si ma petite tête arrive à tenir sur mon cou.

Comment veux-tu alors, que, dans ces conditions, je me permette d’hypothéquer l’avenir d’une jeune fille ?

Sûr que tu es d’accord avec moi, de n’être pas d’accord avec toi. Merci pour ta compréhension.

Toutefois, je me rends compte, qu’effectivement, même si, au niveau de la troupe familiale et des “Fantambougou” du Mali en général, nous autres manquons cruellement de quoi vivre, nous avons tout de même, toutes les raisons du monde de chercher à survivre.

Cela, parce que, comme tu me le soulignes toi-même, d’en bas comme d’en haut, tous, nous sommes fils de ce pays et avons les mêmes droits de jouir ou d’espérer jouir de ses ressources.

Sinon, il faut absolument se battre et combattre, pour rentrer en possession de ses droits.

Walahi, Bilahi, je jure oncle Bass, sur ce plan là, je ne te décevrai point.

Car, celui qui est déjà à terre, n’a pas à craindre d’être terrassé.

Ce sont ceux qui sont “en haut” qui courent le risque de tomber. Pas ceux qui sont déjà en… bas. Bilahi !

Concernant la troupe familiale (dont tu dis être assoiffé de nouvelles), c’est avec un réel plaisir que je t’informe qu’elle est encore au grand complet.

Personne, (ni même grand mère) n’a été embarqué à bord du détestable minibus noir.

Aussi, la marmite fonctionne au moins une fois tous les deux jours.

Cela, grâce aux 2 sacs de riz “récoltés” contre travail par mes cousins Mamoutou, N’Golo, Hamidou et Tiéblé dans les rizières de Niono et au colis de poissons séchés que tu nous a envoyé.

Quant à mon cousin Karim, il croupit toujours (pour vol de sacs de ciment) à la grande prison de Bamako-Coura.

Mais, ne t’en fais point pour lui. Entre la grande prison de Bamako-Coura et Fantambougou, il n’y a de différence que de petits détails….

La misère, cher Bass, est la pire des prisons.

Sur un tout autre plan, je t’informe que la République a célébré la semaine dernière, le 54ème anniversaire de l’Armée Malienne.

A cette occasion, le Prince du Mandé a naturellement adressé un message passionnant, passionné et patriotique à nos soldats, au peuple Malien, mais aussi à nos « frères égarés » du nord qui continuent toujours de rêver de diviser notre pays.

Le président IBK croit fermement qu’à la prochaine rencontre d’Alger, les chameaux, pardon les groupes armés (MNLA, MAA et HCUA) sauraient raison recouvrer en donnant une chance à la paix dans notre pays.

Mais, Walahi, bilahi, je jure, je n’y crois  pas !

Et pour cause. Alors que la prochaine rencontre d’Alger est très proche (15 février), les bandits armés multiplient les provocations et s’attaquent même aux forces de la Minusma.

Pire, il y a quelques jours, ils ont contraint les quelques habitants de Kidal à organiser une marche contre les forces de l’ONU et à saccager les installations de l’aéroport.

Walahi, bilahi, je jure Tonton Bass, si ces groupes armés, en viennent à ça, c’est parce que, ils bénéficient de soutien et pas des moindres. Je le dis pian ! Parce que, c’est ça qui est ça.

Pour terminer cette lettre, je t’informe que le gouvernement malien à travers le ministre de la Santé vient d’annoncer qu’Ebola à été chassé de notre pays.

De quoi nous réjouir ? Peut-être bien. Mais au Mali d’en bas, nous continuerons de survivre avec pire qu’Ebola : la misère. C’est ça qu’il faut combattre ! A quand la victoire ? Faut pas rêver !

A lundi prochain Inchallah !

Par ton petit Ablo !

 

 

Commentaires via Facebook :

3 COMMENTAIRES

  1. Je suis content de relire tes écrits a l’oncle. I am will be happy if monthly, you could write a letter to uncle Bass. The latter helps for understanding the nowadays situation in the country

    Best Regards

    koto

  2. “Cher Ablo! (Ablo signifiant une patte à base du riz chez moi au Togo)

    Quel plaisir de vous avoir lu! Mélangée à votre humour sec, la vérité presque masquée ne me permettait pas de rire mais m’interpellait plutôt de réfléchir à l’importance des idées que vous avez esaayées d’accoucher dans votre rubrique.

    Je tiens à vous informer que je suis marié depuis le 14 Octobre 2012 à une de vos filles à Bamako. Étant moi-même Allemand d’origine Togolaise, je peux me permettre de vous dire que je me sens depuis plus Malien que Togolais. Des raisons de ce sentiment me sont personnelles. Je suis déjà venu deux fois au Mali où j’ai découverte la famille qui me faisait défaut dans mon pays natal.

    J’ai trop aimé vous lire et je vous souhaite une santé de fer et la paix du Christ espérant avoir très bientôt de vos nouvelles.

    Tous mes respects.

    Le Professeur.

Comments are closed.