La Comptabilité est l’ensemble des comptes reflétant les informations économiques, commerciales et financières classifiées selon les nomenclatures des biens et services, fiscales et douanières. De ce point de vue, la comptabilité devient une technique d’aide à la gestion et fournisseuse des données financières de base aux services publics fiscaux.
La comptabilité ne peut atteindre ces objectifs que dans un cadre comptable caractérisé par le plan comptable ou des normes comptables, préalablement définis. La plupart des pays francophones ont adopté des plans comptables de conception ou d’inspiration française.
La République du Mali s’est inscrite dans ce contexte. De l’indépendance en 1960 à ce jour, les entreprises maliennes ont connu les plans comptables français successifs 1957 et 1982 : 1988 plan SYSCOA d’inspiration française élaboré par l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) conformément au Droit des Affaires de l’OHADA.
Le Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA) est entré en vigueur dans les Etats de l’UEMOA (Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Niger, Bénin, Mali, Togo, Guinée Bissau) à partir de l’exercice comptable (1er janvier au 31 décembre 1998). Le SYSCOA comporte trois sous-systèmes à savoir : normal, allégé et simplifié. Chaque sous-système correspond à une catégorie d’entreprises que l’on peut classifier en grande, moyenne et petite entreprises y compris l’informel.
Le SYSCOA a plagié plusieurs dispositions du plan comptable français de 1982 (catégorisation des sous systèmes et principes comptables). On note des emprunts au plan ex-OCAM/UDEAC.
En outre, le SYSCOA a introduit les concepts de tableau financier et de comptabilité de trésorerie (SMT). Le Tableau de Financier des Ressources et Emplois (TAFIRE) du SYSCOA a été imposé par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), tableau inspiré du tableau financier du Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre des analyses macro-économiques.
Le TAFIRE n’a fait que complexifié (huit tableaux) le plan SYSCOA sans apporter une plus value au plan spécifiquement comptable. Rares sont les destinataires des états financiers qui prêtent attention au TAFIRE parce qu’il est incompréhensible aux non-initiés en comptabilité. Il faut dire que le TAFIRE est plutôt de l’analyse financière que de la comptabilité générale. La BCEAO qui est le maître d’ouvrage de SYSCOA a dépensé des centaines de millions de F CFA pour son élaboration uniquement pour redorer son image de grand financier de l’Afrique et satisfaire le néocolonialisme français.
Cette ingérence de la BCEAO ne se justifie pas. L’élaboration d’un plan comptable général des entreprises est du ressort des professionnels de la comptabilité et non l’affaire d’une banque centrale qui doit se limiter aux problèmes monétaires et de financement de l’économie par le biais des banques et institutions primaires.
La BCEAO a outrepassé ses attributions et s’est rendue coupable de détournements des fonds publics appartenant aux Etats membres.
A cela, s’ajoute le recours à des experts français pour élaborer un plan comptable qui n’est pas au-dessus des compétences des experts africains qui ont les mêmes compétences par les experts français. Pauvre Afrique qui pense que tout ce qui est africain est inférieur. Cependant, un Africain anglophone a obtenu le Prix Nobel de Littérature en 1986. Le Mali, qui a été l’un des pays à l’avant-garde de l’organisation de la profession comptable et de la vulgarisation de la comptabilité dans les entreprises, est actuellement à la traîne dans ces domaines. Les structures comptables créées pour promouvoir la comptabilité dans les entreprises maliennes sont inefficaces dans leur fonctionnement en raison de l’absence de coopération entre elles.
La première organisation de la profession comptable au Mali, l’Association des Comptables du Mali (ACM) créée en 1978 et qui a fait preuve d’efficacité en organisant à l’intention des comptables maliens plusieurs journées d’études, a été marginalisée par les pouvoirs publics au profit de l’Ordre National des Experts Comptables et Comptables Agrées (ONECCA) qui d’organisation professionnelle comptable d’intérêt général, est devenu un Etablissement public professionnel, ce qui a écorné le caractère libéral de la profession comptable. Une profession libérale ne peut s’épanouir et innover que dans le cadre qui est le sien, c’est-à-dire indépendante de tout pouvoir. L’ingérence des pouvoirs publics nationaux et internationaux dans la sphère comptable a crée des discutes dans l’application du SYSCOA, discutes dues aux multiples interprétations des textes et principes comptables au Mali. Ainsi, on assiste actuellement à des passes d’armes entre les experts comptables et services publics fiscaux des différents pays de l’UEMOA particulièrement au Mali si bien que les comptables maliens ne savent pas à quel saint se vouer, d’où la confusion dans l’harmonisation de la comptabilité dans les Etats membres de l’UEMOA ce qui porte atteinte à l’élaboration des états financiers de synthèse de fin d’exercice.
En outre, les textes légaux et réglementaires au Mali qui imposent à certaines entreprises la publication des états financiers annuels (sans les annexes) dans un journal d’annonces légales (l’Essor au Mali) ou de déposer ces états financiers au Greffe du Tribunal de Commerce, ne sont pas suivis faute de vigilance des différentes structures comptables en charge de la bonne tenue de la comptabilité, à savoir l’ONECCA, l’ACM, le Conseil National de la Comptabilité, les Centres de Gestion Agrées et les services fiscaux de l’Etat. Le Conseil National de la Comptabilité (CNC) composé de toutes ces structures comptables, qui a pour mission de veiller à l’application des textes comptables, est inactif ; ses réunions sont rarissimes. En vue de pallier ces dysfonctionnements et d’atteindre l’harmonisation et le développement de la comptabilité au Mali, il est souhaitable de créer un Observatoire de la Comptabilité au Mali (OCM), un Think tank sur la comptabilité composé de toutes les structures maliennes officielles et privées. Ce centre aura les objectifs suivants :
-l’inventaire de l’état de la comptabilité au Mali ;
– le suivi de l’application du SYSCOA/OHADA dans les entreprises maliennes;
– l’explicitation des normes comptables conformément au SYSCOA/OHADA ;
– l’organisation des journées d’études à l’intention des comptables maliens ;
Il convient de mettre fin aux ingérences des pouvoirs publics dans la gouvernance de l’ONECCA Mali. L’autorité de tutelle de l’ONECCA ne doit réagir que lorsqu’elle a connaissance de violations des textes légaux et réglementaires régissant l’organisation.
Tiécoro DIAKITE
Diplômé Expertise Comptable (Paris)
Ancien Professeur de Comptabilité à la Société de Comptabilité de France
Premier président de l’ONECCA – Mali
Président de l’Association des Comptables du Mali (ACM)
(Récépissé N° 00964-MIU/DNICT du 11 septembre 1979)