Les vrais obstacles à une paix durable au nord Mali

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En tant qu’observateur intéressé de la situation qui prévaut dans le nord de notre pays depuis des décennies, nous avons relevé cinq obstacles majeurs qui entravent le rétablissement de la paix : l’utilisation de la langue de bois, l’affaiblissement continu de l’Etat, la signature d’accords inapplicables, la marginalisation de la population sédentaire du Nord et le manque de loyauté des Etats Partenaires.

L’utilisation de la langue de bois :ous entendons (surtout depuis ces derniers temps) les plus hautes autorités du pays demander à la population d’éviter l’amalgame pour ce qui est de la situation au nord du pays. Autant nous sommes de cet avis parce que nous demeurons convaincus que la large majorité des populations nomades du nord ne retrouve pas son compte dans la rébellion, autant nous nous posons des questions qui prêtent à confusion et dont les plus hautes autorités ne parlent jamais.

– Pourquoi nous n’avons jamais entendu un responsable des communautés nomades dénoncer, ouvertement, les auteurs des enlèvements de véhicule, les trafiquants de tout acabit, les coupeurs de route et tous les autres bandits de grand chemin, qui sont tapis parmi eux et qu’ils connaissent très bien ?

– Pourquoi, pendant que l’on fait semblant de sécuriser les véhicules de l’administration et des autres communautés en les garant à la gendarmerie ou à la police, les membres des communautés nomades arrivent à garer, sans crainte aucune, leurs propres grosses cylindrées, acquises on ne sait comment, devant leurs portes ? Voila des questions qu’on doit se poser dans les sphères de décision et dont les réponses et le traitement qu’on en fait permettent de tuer dans l’œuf le problème de l’amalgame.

L’affaiblissement continu de l’Etat:

Il n’y aura jamais de paix définitive tant que c’est  l’Etat qui quémande la paix. Il revient à l’Etat d’imposer la paix sur le territoire national en tout lieu et en toutes circonstances. Pour ce faire, il doit se doter des moyens adéquats et ne pas transiger sur des fondamentaux.

– L’Etat doit se muscler quand il le faut et, surtout, ne pas laisser entrevoir des signes de faiblesse au moment de négocier avec une composante de la population.

– On doit éviter de faire de certains Maliens (seulement parce qu’ils ont osés prendre des armes) des super-citoyens à qui on fait tout et on pardonne tout. Comment peut-on accepter de retirer l’armée de la moitié du territoire national et penser qu’on favorise la paix ? Comment peut-on créer dans le Nord des unités spéciales majoritairement composées d’ex-rebelles et commandées par des ex-rebelles et penser qu’on favorise la paix ? Comment des ex-rebelles intégrés dans les formes armées et de sécurité disparaissent et réapparaissent à leur guise, sans conséquence aucune, et on pense qu’on favorise la paix ? Comment les principaux négociateurs de l’Etat avec les rebelles ne sont que des membres de leurs communautés et on pense qu’on favorise la paix ? Comment les projets et programmes de développement dans le Nord sont exclusivement dirigés par des personnes dont la seule compétence en matière de gestion est d’être des membres des communautés nomades et on pense qu’on favorise la paix ? Comment des membres des communautés nomades, qui sont reconnus avoir commis des forfaits (vols, assassinats, trafics divers), sont au mieux arrêtés et libérés en catimini et au pire laissés libres en train de narguer leurs victimes, et on pense qu’on favorise la paix ?

Si on veut la paix la rigueur de la loi doit s’appliquer sans faiblesse à toutes les composantes de la société.

 La signature d’accords inapplicables :

Dans tous les accords signés avec la rébellion (Pacte national, accords d’Alger notamment) l’Etat s’est engagé pour des choses qu’il ne peut pas réaliser. Ceux qui ont signé ces accords sont peut être de bonne foi, mais ils sont limités par les moyens. Un Etat ne doit pas prendre des engagements hors de sa portée. Dans ces accords l’Etat s’est engagé de façon inconsidérée à réaliser d’importantes infrastructures.  Après, il a été confronté à la dure réalité des moyens. C’est la preuve que l’Etat negociait en position de faiblesse et s’estimait obligé de tout accepter pour que les armes se taisent. Comment peut-on construire une paix durable en dilapidant sa crédibilité ? Le plus grave c’est que nos dirigeants ne regardent pas en arrière et ne se servent pas des erreurs passées lors de futures négociations. Regarder les propositions gouvernementales que Jeune Afrique nous a ressorti pour ce qui est des dernières discussions à Alger ? On s’engage à créer un Etat dans l’Etat et on s’en fout des conséquences locales et nationales que cela peut engendrées.

La marginalisation de la composante sédentaire de la population :

On ne peut pas faire la paix au Nord en ne donnant pas aux populations sédentaires la place qui leur revient. Ces populations partagent le terroir avec celles nomades, et elles connaissent mieux que quiconque leur mentalité et leurs comportements. Aujourd’hui c’est une minorité de la communauté nomade qui a pris tout le monde en otage (Etat et majorité nomade). Cette minorité a trouvé dans la rébellion son fonds de commerce. Tant qu’elle trouvera devant elle un Etat faiblard et une majorité nomade (complice passive) prête à partager les bénéfices avec elle, il n y aura pas de paix. Ceux qui nourrissent la rébellion et qui n’ont pas intérêt à ce qu’elle prenne fin sont ceux là (responsables nomades soient disant chefs de fraction ou de tribu) qui se sont imposés comme intercesseurs indispensables. C’est eux qui tirent les ficelles.

On ne les a jamais entendu livrer ou dénoncer les bandits de grand chemin qu’ils connaissent bien et pour lesquels ils sont prêts  à faire des interventions intempestives auprès des plus Hautes Autorités en mettant au passage le bâton dans les roues des agents de l’administration publique à tous les échelons.

C’est encore eux qui, à travers des découpages administratifs répétés, inopportuns et inadaptés, cherchent à planifier une domination des populations nomades minoritaires sur les populations sédentaires majoritaires. L’Etat et les composantes sédentaires de la population du Nord doivent d’ores et déjà prendre leurs responsabilités et jouer leurs partitions pour faire aboutir la paix et le développement sur des bases égalitaires solides.

Le manque de loyauté des Etats Partenaires

Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. L’Algérie demeure le lieu de repli des bandits armés chaque fois qu’ils sont acculés. Les médias algériens restent leurs outils de propagande par excellence. La France reçoit en toute solennité des représentants d’une rébellion en gestation, qui lui propose ses services, sans informer son partenaire malien qui ne voit rien venir. Ces médias publics servent de relai pour la défense d’une soit disante cause touarègue qui n’a jamais existée. Elle attend que ses obligés préparent bien leur coup, attaquent par surprise, et occupent une bonne partie du territoire pour venir se moquer du peuple malien. J’étais au courant que quelque chose se tramait, je reste votre amie, et je vous demande de faire taire les armes pour que je voie comment vous aider. Qui est dupe? La plus grave erreur que nos dirigeants commettront et pour laquelle l’histoire les rattrapera, c’est d’accepter le statu quo actuel, et d’engager des discussions quelconques avec les assaillants avant de les chasser des zones occupées. Si la situation actuelle perdure pendant deux (2) mois encore nous tomberons infailliblement dans la guerre civile.

La priorité doit être de redéployer les forces armées et de sécurité sur l’ensemble du territoire national. Pour ce qui est de la Mauritanie, il faut faire le rapport entre ce qu’on lui a concédé (une occupation d’une partie de notre territoire pour satisfaire sa soif de guerre) et la propagande officielle qu’elle mène pour décrédibiliser notre pays.  Les choses sont suffisamment claires maintenant il faut qu’on puisse échanger ” les yeux dans les yeux ” avec ses trois (3) pays et prendre nos dispositions en conséquence. Si pour sécuriser notre pays nous avons besoin d’autres alliances il faut avoir le courage de le faire et l’honnêteté de le dire.

Abdoulaye  MAIGA*

Kalaban Coura  / Bamako

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15 COMMENTAIRES

  1. Monsieur Maîga votre analyse de la situation de crise que traverse le pays est en plusieurs points pertinentes.Cependant elle devient passionnelle dès que vous abordiez la responsabilité des uns et des autres dans cette situation et même teintée de méconnaissance de votre terroir.L’organisation tribale tant qu’elle était respectée par les autorités publiques a toujours joué son rôle de catalyseur et garante du comportement de ces nomades que vous mettez tous dans le même bain.Les campagnes du Nord ne sont peuplées que de bandits ou de leurs complices selon la thèse que vous développez.Je pense que c’est un peu trop simpliste.Pour votre information le système en place depuis Alpha Oumar Konaré suivie de ATT,20ans durant a détruit les tributs, et les fractions.Leur politique consistait à créer des divergences au sein de chaque tribut et de chaque fraction nomade pour mieux les contrôler.C’est ainsi que de nouveaux chefs sans envergures,sans foi ni loi,sont apparus et sont devenus les seuls interlocuteurs acceptés par les autorités publiques.Je suis en mesure de vous fournir plusieurs PV de réunion de ces nomades bandits ou complices selon vous dans lesquels ils tirent l’attention des pouvoirs en place sur les dangers qu’ils font courir au pays en n’ écoutant pas les personnes ressources de ces nomades.Enfin l’opposition sédentaire nomade que vous dressez me parait d’un autre âge.Au Nord qui est nomade et qui est sédentaire?

  2. En faisant la synthèse de l’analyse de Monsieur Maïga qui est très pertinente, je retiens trois niveaux de responsabilités :
    1 La gouvernance (Etat et partis politiques) n’ont pas joué leur rôle, préfèrent le raccourci que de s’attaquer à la question de fond pour ne pas faire des mecontents.
    2. Les populations (sédentaires et nomades), celles ci n’ont pas su tirer les leçons des conflits antérieurs pour tisser des liens forts entre elles, à la base les retombés économiques des accords. Aujourd’hui personne ne peut affirmer que les financements des projets au nord ne profitent qu’aux nomades.
    3. Les partenaires (Etats voisins), ceux-ci n’ont rien à avoir dans le malheur qui nous tombe dessus. Il faut balayer devant sa porte pour qu’elle ne soit transformée en décharge.
    On ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs, nos dirigeants veulent plaire à tous à l’intérieur qu’à l’extérieur et finalement ils passent à coté.
    Pour diriger un pays il avoir une vision, prévoir, accepter la contradiction pour s’améliorer alors c’est ce qui nous manque.
    Je dirais aussi qu’il faut éviter l’amalgame politique qui est de considérer comme ennemis de la nation tous ce qui ne partage pas le choix du gouvernement.
    Le quatrième élément c’est le consensus qui est une bonne chose en soi mais sans la prise de responsabilités des acteurs, le consensus peut devenir un obstacle s’il permet uniquement aux uns et autres de profiter de l’Etat au lieu de le servir et malheureusement c’est ce que nous constatons.
    Il faut instaurer une vraie démocratie au Mali pour cela partis politiques sont interpellés ils doivent jouer leurs rôles. La démocratie ce n’est pas seulement les élections. Le peuple ne sent les partis politiques que pendant les élections une fois élus ils disparaissent.

  3. CET ARTICLE DOIT ETRE REPPRI PAR TOUS LES JOURNAUX DE LA PLACE ET SI POSSIBLE LE TRADUIRE DANS LES LANGUES NATIONALES TELLEMENT QUE C’EST PERTINENT. CA PEUT SERVIR DE FEUILLE DE ROUTE POUR UNE EVATUELLE NEGOCIATION.

  4. Bravo, Monsieur MAIGA. Votre analyse de la situation se passe de tout commentaire et je prie qu’elle soit pris en compte par le pouvoir pour la résolution du conflit mais aussi par tous les prétendants au fauteuil de Koulouba 2012.
    Voilà au moins quelqu’un qui vient de la zone où et qui connait objectivement les mentalités de toutes les communautés de la région.
    Bravo Tonton MAIGA

  5. Les dirigeants ont cru pouvoir acheter la paix. Et comme elle n’ pas de prix, elle ne peut en aucun cas être acheté. Les efforts, les resources et le temps investis dans leur projet d’achat (de la paix) ont été vains, car jetés à l’eau. C’est ce qu’on appelle la mauvaise gestion des affaires de l’État. Je continue à croire que ce conflit est un test dont la reussite renforcera l’État malien et conduira à la prospérité et la stabilité à long terme.

  6. bravo mr le journaliste votre analyse est vrai la faute a tout les dirigeants de l actuel et ancien il ne doit pas avoir de différence entre les enfants du même pays mais le mali a ete toujours comme sa et ont ne peut pas dirigé avec les sentiments mal placé la faute a att qui est allé trés loin dans ses copinages

  7. Merci Monsieur Maiga.
    C’est l’analyse la plus pertinente que j’ai jamais lu sur Maliweb sur cette crise. La solution du problèmes est Claire: que les dirigeants arrêtent leur démagogie et amateurisme et écraser ces vagabonds; et le temps est contre le Mali. Arreter de compter sur des soit disant amis qui ne cherchent qu’a se server d’abord: tout le monde ferait pareil devant des “interlocuteurs du genre. Si non le Peuple Malien doit prendre ses responsabilités et commencer a envoyer au four ces “dirigeants moyenâgeux” qui ne savent pas la difference entre jour et nuit.

  8. Très bonne analyse avec la solution à la clé. Mais ni les “dirigeants”, ni les hommes politiques ne prêteront attention à cette vérité et tout mon problème est “Comment faire pour que ces recommandations très pertinentes puissent être mises en application par les décideurs?”. Nous devons nous battre par tous les moyens pour que de telles bonnes décisions reconnues soient appliquées de gré ou de force par ceux qui sont chargés de le faire.

  9. Mr Maiga, je te comprend mais tu fais fausse route? je trouve que ton analyse n’est pas partielle et manque de professionnalisme.
    en ce qui concerne l’insecurité au nord lié en grande partie au banditisme quotidien comme les vols de moto à bamako dont on ne va pas mobilisé des BDRM pour bombarbé les quartier et les sites des voleurs. arreter d’encouragé l’approche communautaire.

  10. Monsieur Maiga tu fais la grande langue de bois car tu touches a la surface des problemes tres serieux alors que tu ignores les causes profondes. Tant qu’il n y aura pas un metis Dogon-Sonrhai nous resterons divises et faibles et allons jamais avoir un etat fort ou un peuple uni.

  11. Très belle analyse.
    Voilà ce qu’il faut dire dès le début et le dire haut et fort. Cette hypocrisie générale et même généralisée de la part de nos états nous amènera tôt ou tard dans le chaos. J’aurai préféré qu’un responsable politique parle franchement comme c’est écris là.

  12. C’est ATT que ne pense qu’a rever d’un prix nobel de la paix. Donc pour se faire il livre sont propre pas sans se rendre compte. DES GENERAUX LACHES QUE NE SONT QUE DES ENTREPRENEURS ET DES COUREURS DE JUPON avec trafic d’infliance…

  13. Ce qui sûr la rébellion au Mali grâce au laxisme et à la passivité de nos dirigeants est devenu un fond de commerce pour certains chefs touareg. Dès que des désœuvrées qui n’aiment jamais travaillé pour gagner dignement, je dis bien dignement leur vie sont chassés d’autres pays, ils viennent prendre les armes pour se faire intégrer dans l’armée et l’administration. Un homme doit s’imposer par sa valeur intellectuelle. Ils combattent pour soit disant indépendance or le plus lettré parmi eux a peut être le DEF. A la fin de chaque guerre dans un pays sahélien ça recommence. C’est de là qu’il faut tirer les leçons. Fermer ses frontières au moment opportun.

    • Ne fais pas l’amalgame,Si le plus lettré a peut être le DEF, va les enseigner.Fermer les frontière pour?

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