« Les rebellions au Nord du Mali » : entre histoire et idéologie

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Le Constat est que le livre de Choguel Kokala Maiga et de Issiaka Ahmadou Singaré sous le titre « Les Rebellions au nord du Mali » est bien documenté.

Dans un pays où contrevenir à la recherche de l’unanimité, voire la tendance de plaire aux autres, fait courir le risque de transformer de simples divergences en conflits, le pari est hasardeux de critiquer un livre qui aborde selon la vision populaire une des questions essentielle de notre pays : le conflit touareg.

La déconstruction des thèses de la rébellion au touareg au Mali est une œuvre utile qu’il faut saluer et surtout s‘inscrire dans cette démarche. Sur ce point le livre est d’un apport considérablement, un instrument mise à la portée de nos diplomates qui ont le souci de défendre le Mali.

Mais, la trame du livre « Les Rebellions au nord du Mali » est ailleurs. Le postulat de base est qu’il n’a existé de Mali fort et heureux que sous Moussa Traoré. Ce livre de campagne politique enduit au vernis de la recherche en histoire, laisse transparaitre deux préoccupations des auteurs :
– le régime de Moussa Traoré aurait corrigé les fautes politiques ou les péchés originels du régime de Modibo Keita ;

– le régime de Moussa Traoré a réhabilité l’armée malienne, puis reconstruit une armée digne de ce nom.

La suite est un tir groupé contre les acteurs du Mouvement démocratique. C’est en cela que ce livre apparait comme le supplément d’un autre rédigé par d’autres auteurs et intitulé « Le Mali sous Moussa Traoré ».

Les idées ne manquent pas dans notre Mali en crise d’autorité scientifique. Tout le monde sait tout. Et tout le monde peut tout. L’intellectuel malien s’est replié dans son coin, il a choisi l’asile dans son propre pays, pour survivre à l’abri des salons feutrés et embaumés.
La raison ? La misère est devenue une terrible arme aux mains des gouvernants, pour annihiler toute velléité d’opposition active. La société quant à elle perd, sans réagir, ses derniers repères sans en avoir construit d’autres.

Pas étonnant que les idéologues s’essaient, à prendre le relais avec le risque d’occulter les questions essentielles et surtout les perspectives d’avenir.

On se demande quelle a été latitude de l’élite sédentaire du nord face aux différentes rébellions et leurs revendications.

Quel rôle de légitimation, de collaboration, voire de complaisance la myriade d’organisations paramilitaires ou se disant de la société civile, des sédentaires a joué, lorsqu’elles reprenaient à son compte les revendications de la rébellion touareg face l’Etat du Mali?

C’est un fait qu’expliquer l’évolution de la crise au nord du Mali, saisir avec justesse et mesure de la réalité mouvante et complexe de cette région, est une entreprise qui demande un détachement intellectuel plus profond.

A la difficulté de recenser dans une grille cohérente les données politiques, économiques et culturelles en œuvre dans la marche des évènements, se mêle l’obstacle permanent des préjugés et des passions qui prennent l’observateur le plus perspicace à la gorge. Sur la question de l’armée malienne par exemple au-delà de la superficialité de certaines affirmations, les auteurs n’ont pas vu les rapports de coopération militaire changés depuis la chute du mur de Berlin et ses impacts sur les armées africaines, portée par l’ex bloc de l’Est.

Les auteurs ne voient pas les liens entre la rébellion touareg et la gestion féodale de leurs communautés (conflit de génération suffisamment exprimé dans la chanson qui animait toutes les manifestations socioculturelles et qui a préparé la dernière rébellion) et le nécessaire processus de démocratisation du Mali. Une gestion féodale nettement encouragée par le régime UDPM, occultée ou totalement ignorée dans l’analyse.

C’est l’amalgame qui trop souvent a gouverné l’information sur la question de l’armée, la portée des accords ne tenant aucunement compte de nos voisinages hostiles ou même des intérêts étrangers plus éloignés.

La nature de la rébellion a changé en 1992, non pas par l’implication de Edgar Pisani ou de Ahmed Baba Miské, mais du fait de la chute du mur de Berlin dont on verra plus tard ses prolongement, du Soudan au Zaïre, en Sierra Leone et au Liberia et surtout dans les Balkans.
Rompre avec les amalgames, réduire les préjugés abandonner la passion pour l’observation raisonnée doit être l’objectif de toute démarche intellectuelle.

Ne pas tomber dans le réductionnisme dégradant, replacer dans un perspective historique le vécu social et culturel permet une grille cohérente de lecture qui rend intelligible toute démarche scientifique. L’étude des rébellions touaregs n’échappent pas à cette rigueur, l’évolution politique du Mali non plus.

Ainsi que le dirait André Gide, « Tant pis pour le lecteur paresseux… », s’il ne voit que les renvois en bas de page ou les documents invoqués pour justifier une démarche idéologique au service d’une ambition de réhabilitation d’un régime massivement condamné par son époque.
Faut-il croire à l’adage qui dit que l’historien sert l’histoire, l’idéologie se sert de l’histoire. Ce livre est un livre idéologique contre le Mouvement démocratique. Il fallait l’affirmer dès le départ pour éviter les malentendus.

Souleymane Koné

Ancien Ambassadeur

 

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