Les pourparlers d’Alger V : accord ou projet d’accord pour la paix au Mali ?

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Sidy Tounkara

Le 25 février 2015, le dialogue inter-malien sous la houlette du médiateur algérien a abouti à un document qui semble faire consensus au niveau de toutes les Parties sauf certains acteurs qui ont manifesté le besoin de consulter leurs bases avant de s’engager. En tant que citoyen africain, cet événement m’interpelle au plus haut niveau car c’est l’avenir de toute une Nation (le Mali) qui est en jeu voire celui d’un continent entier (l’Afrique). Le problème en question dépasse les seules frontières du Mali et guette dangereusement celles des autres Nations africaines. Donc, nous avons, tous, intérêt à ce que le Mali trouve rapidement une paix définitive. Pour cela, peut-on valider le document proposé pour la paix ?

Constitué de 7 Titres, 20 Chapitres, 67 Articles et 3 Annexes rédigés sur 30 pages, le document est intitulé Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Cependant, en en-tête, il est indiqué « Projet d’Accord version 25 février 2015 à 19h 30 ». Question : s’agit-il d’un projet d’accord ou d’un accord (définitif) ? Ce n’est pas du tout la même chose. De manière générale, s’il est admis que l’intitulé prime sur l’en-tête, alors il s’agit d’un Accord. Or, on sait que certains acteurs ont demandé un temps de réflexion. Donc, ils ne se sont pas encore engagés. De plus, le Premier Ministre lui-même, ancien Haut Représentant du Chef de l’Etat pour le Dialogue Inclusif Inter-Malien, parle de « Projet d’accord » acceptable. Finalement, même en ne comprenant pas pourquoi donner un libellé ne reflète pas la réalité, partant de tous ces éléments, nous considérons qu’il s’agit bien d’un Projet d’Accord qui prépare à un Accord définitif. Cela fait dire à certains observateurs de la vie politique malienne qu’on s’acheminerait doucement vers Alger VI. Nous disons pourquoi pas si c’est le prix à payer pour gagner la paix définitive ?

Pour revenir à notre question de départ, ce Projet d’Accord comporte des propositions sérieuses pour aller vers la paix. Mais il présente aussi des aspects qui restent flous et non déterminés. Ce sont ces aspects-là, à notre sens, qui donnent des fenêtres de tir (au sens propre comme au sens figuré) aux groupes récalcitrants. Cela dit, dans l’ensemble, ce Projet d’Accord nous paraît défendable pour le bien de la Nation malienne pour plusieurs raisons.

Dès l’Article 1, « le respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale, de la souveraineté de l’Etat du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son caractère laïc » est présenté comme un principe immuable et non négociable. Il fait partie aussi des éléments qui constituent le fondement, la base sur laquelle est construite l’architecture des pourparlers d’Alger. Donc, on peut être optimiste pour la réussite de la construction du bâtiment de la paix (Accord définitif) tant que le fondement est bien fait c’est-à-dire que l’unité nationale, l’intégrité territoriale, la souveraineté nationale du Mali, sa forme républicaine et son caractère laïc sont reconnus et acceptés par tous, sans exception. En même temps, l’Etat malien a réitéré la reconnaissance la diversité culturelle des régions du Nord-Mali à l’Article 5 : « l’appellation AZAWAD recouvre une réalité socio-culturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du nord Mali, constituant des composantes de la communauté nationale. Une compréhension commune de cette appellation qui reflète également une réalité humaine, devra constituer la base du consensus nécessaire, dans le respect du caractère unitaire de l’Etat malien et de son intégrité territoriale. » Cette ouverture d’esprit, cette capacité d’écoute et cette volonté de dialogue sont de bonnes augures pour l’avènement d’une paix définitive. Mais cela ne suffit pas. C’est pourquoi le Projet d’Accord apporte aussi une réponse politique, économique et socio-culturelle à un conflit davantage motivé par l’enclavement des régions du nord qui échappent très souvent à la vigilance des autorités centrales de Bamako.

A la revendication d’indépendance, d’autonomie ou de fédéralisme des groupes rebelles, le Projet d’Accord propose, à l’Article 6, plus de considérations aux régions du nord et à leurs populations dans la gestion de leurs affaires, et plus de démocratie dans la vie politique. La création des Assemblées Régionales (AR) dont les membres et le Président seront élus au suffrage universel direct devrait permettre l’implication plus forte des populations dans la vie de leur région. Pour respecter la diversité culturelle, chaque région aura le choix de l’appellation de sa localité afin que les populations se sentent davantage concernées. La hausse des circonscriptions électorales pour augmenter le nombre de députés des régions du nord devrait aussi permettre plus de représentativité des populations du nord au niveau de la Chambre Basse (Assemblée nationale) et de la Chambre Haute (Sénat ou Conseil de la Nation) qui devrait voir le jour. Dans la même logique, le Haut Conseil des Collectivités locales doit ouvrir ses portes aux notabilités traditionnelles, aux jeunes et aux femmes pour une meilleure inclusion des populations locales dans le développement de leur région.

Les Articles 14 et 15 prévoient respectivement le transfert de 30% des recettes budgétaires aux Collectivités territoriales mais avec une attention particulière pour les régions du nord et d’un certain pourcentage des revenus issus de l’exploitation des ressources locales. Car, compte tenu des transferts de compétences, il faut bien un transfert de ressources financières, humaines, etc. à la hauteur des besoins. Dans le cas contraire, c’est l’échec au bout de l’effort de décentralisation. Toutefois, il reste à déterminer les modalités selon lesquelles ces transferts de ressources financières seront effectués. Ce sont ces genres de « flou artistique » que certains acteurs n’ont pas hésité à exploiter pour demander un temps de réflexion.

Mais l’avantage de ce Projet d’Accord est de privilégier aussi le développement socio-économique des régions du nord comme réponse au conflit. La mise en place d’une Zone de Développement des Régions du Nord (ZDRN) (Article 33) qui sera dotée d’un Conseil consultatif interrégional composé des représentants des Assemblées Régionales devra permettre de piloter les actions et les politiques de développement, tout comme la création d’Agences de Développement Régional (ADR) (Article 40) pour fortifier la capacité de maîtrise d’ouvrage des régions. Comme l’indique l’Article 41, des conventions et des programmes peuvent être scellés entre l’Etat et les régions pour conduire des projets d’investissement pluriannuels et structurants pour booster les économies régionales.

Mais que fait-on des groupes armés ? Le Projet d’Accord semble y apporter des réponses. Il prévoit au Chapitre 8 le cantonnement, l’intégration, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion. En l’absence d’accusation de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de crimes de génocide, entre autres, il est prévu l’intégration dans les forces armées ou la réinsertion dans la vie civile pour ceux qui auront déposé les armes. A ce niveau, peut-on faire confiance à ces ex-combattants qui ont pris les armes contre la République et l’Etat du Mali ? Cette interrogation est d’autant plus justifiée que les groupes armés ont assez montré leur versatilité depuis le début des pourparlers d’Alger. Elle est encore pertinente quand on sait que le Projet d’Accord prévoit aussi, à l’Article 22, le redéploiement des forces armées avec « un nombre significatif de personnes originaires des régions du nord, y compris dans le commandement » sans préciser si ces personnes seront issues uniquement des forces loyalistes ou si les ex-combattants militaires en feront également partie.

Sidy TOUNKARA

 

Doctorant en Sociologie
Université Toulouse 2- Jean Jaurès

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2 COMMENTAIRES

  1. ……………Analyse pertinent jeune homme. Tu as soulevé beaucoup d’interrogations qui sont à prendre aux sérieux mais, le MALI est parti à ALGER en position de faiblesse et tout ou une partie des questions peut se résumer à cette position de faiblesse. Rien n’est pour autant perdu pour le gouvernement malien je crois en la capacité d’IBK de reprendre les choses en main en toute intelligence. Bonne continuation!

  2. UN POEME : KIDAL PARLE AU MALI
    (Kidal si triste parle enfin au Mali mais pour qui ?)
    « Plongée dans la nuit noire, nuit noire, aussi noire comme l’obscurité de la tombe,
    Ma tombe qu’ils veulent m’y enfoncer par leurs cœurs de méchants et d’opportunistes,
    Grelottant si lourdement, pas par ce froid aigri mais, mais par leur volonté malsaine,
    Leur volonté si bien animée par cette haine sans fondement contre toi
    Pour les rendre si aveugle par le fait de leur orgueil exacerbé, irrationnel
    Je suis ta Kidal, ta région si lointaine aujourd’hui de ta chaleur maternelle,
    Ta fille de moi Kidal qui te pleure, qui te pleure ma chère mère, mon Mali !

    Je suis Kidal, ta région du fonds de ce désert, ce désert chaotique qui te réclame,
    Qui te réclame tes camions remplis de vivre et de tes enfants du Sud
    Sans lesquels, je ne saurai exister ou tenir jusqu’à cette date qu’ils ont voulu,
    Qu’ils ont voulu me jeter dans cette nuit noire pour que je te réclame aujourd’hui
    Haut et fort puisque me voyant vider de mes fils, tes fils,
    Ces dignes fils de toi, tout comme moi, qui ne savent où aller ou que faire
    Puisque ne sachant comment se défaire d’eux puisque armés contre eux.

    Je suis ta Kidal, l’orpheline abandonnée dans ce désert brulant par ce soleil révolté
    Qui vagit comme cet enfant affamé, assoiffé, aux lèvres sèches, les yeux hagards
    Devant les seins flasques, sans lait de sa mère mourante sur ce désert !
    Kidal, je le suis ! Kidal, je le serai de toi, chère mère « Maliba »,
    Toi qui as toujours su me dompter, toi qui m’a tant nourri de tes seins si doux !
    Je suis ta ville de Kidal qui veut tes enfants travailleurs pour moi
    Pour que je vive encore sous le rythme de mon takamba et du tinden non aigris.

    Je ne suis pas cette Kidal de la haine pour la couleur de la peau
    Sinon, je n’allais pas être ce mélange salué par la Culture Universelle
    Où j’ai des Coulibaly, des Keita, des Soumahoro….. issus de mon brassage !
    Je ne suis pas cette Kidal du contre Dieu, l’Unique, l’Absolu
    Pour s’anéantir avec ces bombes, tuant de surcroit ces innocents qui n’ont rien fait
    Au nom de l’extrémisme jamais dictée par le Prophète, le Dernier paraclet de Lui Dieu,
    Non, je ne suis pas ces Kidal chantées par eux pour leurs buts personnels malsains.

    Je suis cette Kidal de Toi, mon Mali Unique et envié du Monde entier par ce cousinage inégalé,
    Ce Mali du Peulhs sur le dos du bwa, du sonrhaï sur la tète du dogon,
    Du bellah ami du touareg, du senoufou esclave du Minianka, du, du ……..
    Hum ! Du coulibaly et ses Keïta, du Maiga et ses Touré, du Diarra et ses Traoré,
    Du Monékata et ses Diabaté, du Diallo et ses Fané et Ballo et vis-versa, du, du……
    Oui, Je suis cette Kidal de tes biennales où le brassage m’a permis
    La connexion aux autres, les autres à moi où l’on ne parlait que toi, Mali !

    Ils ont dit ! Oui, ils ont dit : « Azawad ! Azawad ! Azawad ! » Hum !
    Que sera moi, si je suis Azawad et que Sikasso n’était pas kénédougou,
    Si Ségou n’était balanzan, Si Kayes n’était pas kasso,
    Si, si, si ce Mali n’était pas unique et indivisible devant le Monde entier,
    Ce Monde entier qui me rie, moi Kidal et non toi, Mali
    Puisque sachant que je ne serai rien sans toi Mali, toi ce Mali des grands empires
    Pour que je dise aujourd’hui à qui veut l’attendre : je ne te quitterai jamais, toi Maliba, ma mère »
    ADAMA SIDIBE « Je veux ce Mali »

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