Les enjeux d’un second tour

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Les Maliens iront au second tour le 11 août qui opposera Ibrahima Boubacar Kéïta et Soumaïla Cissé. Une élection teintée d’incertitudes notamment sur son issue, la crédibilité du scrutin, le comportement des partisans des uns et des autres, le taux de participation, l’avenir de la démocratie malienne, etc.

Le Mali a réussi avec brio son test de démocratie post-crise. Malgré quelques couacs le premier tour s’est ” bien ” déroulé de l’avis de la plupart des observateurs. Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK est arrivé en tête avec 39,24% des voix, devant Soumaïla Cissé, qui a obtenu 19,44%, selon les résultats officiels publiés vendredi. Une large avance qui avait laissé présager une victoire dès le premier tour selon ses partisans fortement mobilisés pour fêter la victoire. Déception donc dans le camp de IBK et satisfaction à contrario chez ceux de Soumaïla Cissé. Ce dernier n’avait pas caché sa déception par rapport à l’organisation du premier tour pour lequel il a dénoncé de nombreuses fraudes.

Soumaïla Cissé s’est par ailleurs interrogé sur les 403.000 bulletins nuls enregistrés et a exigé que, pour le second tour, “des mesures concrètes soient prises pour juguler la fraude”

C’est dire que le principal enjeu de ce second tour est l’avenir de la démocratie malienne. Si tout se passe bien comme le souhaite la communauté internationale, le Mali en sortira ragaillardi. Si le processus est torpillé par des violences ou des contestations graves, cela peut porter atteinte à la paix civile et à la stabilité au Mali.

Or, il faut toujours se mettre à l’esprit l’avertissement de Soumaïla Cissé à l’issue du premier tour : “L’arbre de la grande mobilisation du peuple malien le 28 juillet ne doit pas cacher la forêt de l’impréparation, de la mauvaise organisation et de la fraude qui ont caractérisé le premier tour de l’élection présidentielle”. Un des enjeux de ce second tour est justement de remédier à ces problèmes d’organisation et d’impréparation de l’organisation du scrutin surtout dans les camps de réfugiés où le taux d’abstention a été très fort. C’est dire qu’il s’agit ici d’une rebelote. Rien n’est encore véritablement acquis. Le second tour ressemble à un jeu de poker. Personne ne peut prédire la victoire de tel ou tel candidat. La preuve, malgré une avance confortable de 20% de Ibrahim Boubacar Keïta, les reports des voix des troisièmes et quatrièmes candidats qui suivent à savoir Dramane Dembélé, arrivé en troisième position avec près de 9,6% et Modibo Sidibé, un ancien Premier ministre qui a obtenu près de 4,9% des suffrages en faveur de M. Cissé n’est pas pour donner une idée claire de l’issue du scrutin.Les trois candidats appartenant cependant au Front pour la démocratie et la République, coalition de partis et de mouvements de la société civile, ce qui est pour les rapprocher davantage.

D’ailleurs, depuis quelques heures un coup de théâtre s’est produit. Il est lié au fait que M. Dembélé a décidé de soutenir M. Keita contre l’avis de certains cadres de son parti agite très fortement le front anti putsch. Or, nous avons le sentiment que ces genres de coup de théâtre vont se répéter. Malgré les consignes des candidats notamment des 24 autres qui se partagent 40% du scrutin, les électeurs peuvent dans le secret de l’isoloir, décider de passer outre et voter pour le candidat de leur choix. Or, il semble que l’élan de sympathie, dont bénéficierait M. Kéïta, est de loin supérieur à celui de M. Cissé. Des Maliens parlent de M. Cissé comme étant un candidat avide d’argent. Les Maliens doivent dans le même élan de mobilisation réaffirmer au second tour leur intérêt pour un ordre constitutionnel pour la paix. C’est un enjeu majeur. Malheureusement, le Mali ne décide plus forcément de son avenir à lui seul depuis que la France a pris la responsabilité face à la léthargie de l’Afrique, de mener la guerre contre les djihadistes du Nord qui menaçaient d’envahir la capitale. Des observateurs parmi les plus avertis défendent la thèse, à tort ou à raison, de l’implication de la France qui soutiendrait le candidat IBK. Du coup, il faut craindre le spectre guinéen au Mali. La victoire de Alpha Condé n’a été acceptée par Seydou Dalein Diallo que par crainte d’un bain de sang. Ce dernier et ses partisans sont toujours convaincus du fait que la victoire leur avait été usurpée. Conséquence, depuis lors, la Guinée compte ses morts du fait des violences récurrentes.

Pis, les deux finalistes au Mali ont peu de temps pour organiser une campagne digne de ce nom. Reste maintenant à miser sur les jeux d’alliance et de contre-alliance. Mais surtout sur la capacité des Maliens à crédibiliser davantage leur élection présidentielle par un scrutin libre et surtout transparent. Se faisant, les deux candidats auront moins de prétexte pour mobiliser leurs partisans autour de l’idée de fraude. Du coup, ils pourront mieux jouer la carte de la démocratie qui veut qu’il faut un gagnant et un perdant.

Par :Bouly DIATTA

 

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