Les conséquences socio-juridiques du refus d’Etats africains le rapatriement des corps des africains morts du coronavirus

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Le certificat de non-contagion, est le sésame exigé par plusieurs Consulats africains pour le rapatriement des africains décédés du Covid-19. L’autorisation de rapatriement des corps est ainsi conditionnée à l’obtention préalable de ce certificat. Or, ce document ne peut être délivré par les médecins si les défunts sont victimes du Covid-19.

Face à cette exigence de certains Etats africains, les rapatriements funéraires depuis l’étranger sont compromis et les diasporas africaines ne savent plus où enterrer leurs morts. D’autant plus que dans la plupart des pays occidentaux les cimetières sont en tension. C’est le cas par exemple de nombreuses communes françaises[1] ou à New York[2].

Certes, le refus de rapatrier les corps des africains morts du Covid-19 dans leurs pays respectifs peut être justifié par le risque d’infection qui ne disparaît pas immédiatement avec le décès. Néanmoins, les voies de transmission sont réduites, notamment la voie respiratoire, qui constitue le mode principal de transmission du virus. Les scientifiques ne sont d’ailleurs pas unanimes sur la survie du virus sur une personne décédée.

A cet égard, les risques de propagation du Covid-19 peuvent-ils justifier le refus d’Etats africains le rapatriement des corps de leurs citoyens morts de ce même virus ?  Ce refus ne porte-il pas atteinte aux droits fondamentaux de l’homme ?

En réponse à ces interrogations, au-delà de la rupture sociale, on peut relever de nombreuses conséquences juridiques de ce refus.

Une rupture sociale liée au refus de rapatriement des corps

 Il faut rappeler que les Etats africains avaient connaissance du nombre important de la diaspora africaine à travers le monde et des nombreux rapatriements des corps vers le continent. Cette diaspora représente d’ailleurs une puissance financière importante et utile pour les populations locales vivant sur le continent. Selon la Banque Mondiale, leur contribution est largement au-dessus de l’aide publique au développement[3]. Cela met en exergue le rôle fondamental de la diaspora africaine dans le développement du continent.

Malgré cette contribution financière incontournable, certains Etats africains refusent tout rapatriement des corps des personnes issues de cette même diaspora en raison du Covid-19. Or, ces mêmes Etats étaient informés de la propagation du virus bien avant son arrivé sur le contient et n’ont adopté aucune mesure sanitaire nécessaire à l’adaptation du rapatriement des corps des africains morts du Covid-19. Ils ont simplement fait le choix de rejeter leurs propres citoyens.

Ce constat est incompréhensible et admissible à tous égards. Il incombe à ces Etats de concilier les mesures sanitaires et le rapatriement des corps sans porter atteinte aux droits des défunts. En ce sens, les Etats africains peuvent par exemple exiger une mise en bière des corps dans de cercueils spécifiques avec interdiction de les rouvrir pour éviter la propagation du virus. En raison des mesures barrières exigées par les autorités sanitaires, cette solution paraît efficace puisqu’elle exclut tout contact physique direct entre les défunts et les membres de leurs familles.

Ce refus de rapatriement des corps porte en outre un manquement manifeste à certaines libertés fondamentales.

L’atteinte au droit du défunt sur sa dépouille en raison du refus de rapatriement

Le refus de rapatrier sur le continent, les corps des africains victimes du Covid-19 porte atteinte aux droits fondamentaux des défunts. De sorte que la responsabilité des Etats concernés peut être engagée.

Pour rappel, le rapatriement est un choix de la majorité des africains vivant à l’étranger. Cette volonté des défunts est un droit fondamental. Elle est corollaire du droit au respect de la vie privée reconnu par les Constitutions, la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

L’exercice de ce droit ne cesse pas même après la mort. Un défunt bénéficie de ce droit au même titre qu’un vivant. Pour ce faire, il appartient aux proches du défunt de faire appliquer ce droit et de le faire respecter. Cette liberté fondamentale ne peut faire l’objet de restriction sauf dans l’intérêt de l’ordre et de la santé publics. Il appartient ainsi à chaque Etat africain de mettre en balance le nécessaire respect de la volonté du défunt et l’atteinte à la santé publique.

Pour autant, la pratique de rapatriement des corps vers le continent est soumise à un certains de nombres de règles. Les corps sont mis en bière dans de cercueils respectant les normes sanitaires. Ce rapatriement ne peut ainsi être source de perturbation de l’efficacité des actions publiques de lutte contre le Covid-19.

En outre, d’un point de vue du droit international, chaque Etat a le droit de protéger ses ressortissants lésés à l’étranger. Cette protection s’applique également aux personnes décédées en facilitant leur rapatriement.

Il est ainsi impérieux de faciliter, au moment même où l’Union africaine et les Etats africains adoptent des actions de lutte contre le Covid-19, le rapatriement des corps de leurs propres citoyens victimes de ce même virus. A défaut, la responsabilité administrative des Etats refusant ce rapatriement peut être engagée sur le fondement des observations qui précèdent.

Bakary DRAME, Docteur en droit

[1] http://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-ni-rapatriement-ni-place-dans-les-cimetieres-francais-la-detresse-des-familles-musulmanes-15-04-2020-8300412.php

[2] https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-new-york-les-morgues-debordent-et-des-corps-sont-enterres-dans-une-fosse-commune-6805524

[3] https://www.un.org/africarenewal/fr/derni%C3%A8re-heure/les-transferts-dargent-de-la-diaspora-une-source-de-d%C3%A9veloppement

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