Les attelages gouvernementaux au Mali . Le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat au prisme d’une absorption chronique par d’autres départements ministériels

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Une des définitions de l’Urbanisme est celui-ci: ensemble des sciences, des techniques et des arts relatifs à l’organisation et à l’aménagement des espaces urbains, en vue d’assurer le bien-être de l’homme et d’améliorer les rapports sociaux en préservant l’environnement.

Après ma formation de Master 2 Recherche en Urbanisme et Territoires en 2007, à l’Institut d’Urbanisme de Paris (IUP de Paris 12), j’ai commencé à m’intéresser à cette discipline scientifique et pratique dans notre pays.

À ce sujet,  de cette date à nos jours, les différents gouvernements de la République, qui ont été mis en place, le département du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, a été absorbé de ses sèves nourricières par d’autres départements ministériels, à savoir: le super ministère de l’Équipement et des Transports, le ministère de l’Environnement, de l’Hygiène, et de l’Assainissement et le ministère de la Culture, etc. Ces derniers temps, c’est le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation qui se mêle les pieds dans la danse par son intéressement de plus en plus accru à la problématique de l’assainissement de Bamako. La récente visite du ministre d’État de ce département à la décharge finale de Noumoubougou dans la commune rurale de Tienfala, corrobore mes propos.

Par conséquent, en tant qu’urbaniste et spécialiste du développement urbain, il est difficile pour moi de faire une lecture professionnelle, explicite et satisfaisante des actions publiques du département de l’Urbanisme dans notre pays. Aujourd’hui, en suivant les actualités nationales dans notre pays, le seul rôle régalien dudit département, reste la construction des logements sociaux. Ce qui est très triste, regrettable et rétrograde.

Selon (Patrick Hassenteuffel, 2011): «les Politiques Publiques font aujourd’hui plus qu’hier pleinement partie de notre vie quotidienne; la plupart de nos comportements individuels sont influencés, si ce n’est déterminé, par des politiques publiques».

L’aménagement urbain dans notre pays et plus singulièrement à Bamako, est exercé par les différents départements ministériels ci-dessus cités. En effet, le super ministère de l’Équipement et des Transports, le département le plus vu et actif dans cette période transitoire, se mélange parfois les pédales en inscrivant dans ses actions, les programmes d’action de l’urbanisme opérationnel. L’aménagement, l’entretien et la préservation des espaces publics (jardins publics, parcs, squares, trottoirs, espaces verts, les terre-pleins centraux, les marchés communaux, les marchés de quartier, les servitudes ou emprises des boulevards, des avenues, des mails, etc.) dans une ville, relèvent de l’urbanisme.

Pendant les deux (02) mandats du président Alpha Oumar Konaré et d’Amadou Toumani Touré, la ville de Bamako, a bénéficié de la réalisation de ronds-points et de carrefours, équipés en monuments, en pelouses, et fleurs. Ces actions publiques ont fortement contribué à la végétalisation de la ville de Bamako et à son aménagement culturel. Ces nombreuses opérations urbaines ont entraîné une très grande métamorphose spatiale, permettant à la ville de rattraper son retard spatial face à Abidjan et Dakar. Mais aujourd’hui, à cause de la faiblesse du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat dans le cadre de la mise en œuvre de l’action publique dans le domaine de ses prérogatives et compétences, tous ces aménagements urbains connaissent un état de dégradation et de désuétude très avancé. Cette détresse s’explique par le fait qu’il y a un enchevêtrement, un chevauchement, et un emboitement des compétences et des attributions des départements ministériels ci-dessus cités.

Les pelouses des échangeurs multiples, la Place CAN,  les espaces verts situés derrière le rond-point de l’Obélisque dans l’ACI 2000, la place de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), les monuments dédiés aux Tirailleurs Sénégalais, le jardin du Cinquantenaire au flanc de la colline de Koulouba, le marigot «Djafarana Kô» la place du «Général Abdoulaye Soumaré», etc. sont dans un état de disparition certaine. La place «Général Abdoulaye Soumaré», constitue à ce que je sache, le seul espace vert ou jardin public de la commune I du district de Bamako. Par conséquent, sa préservation et son entretien, sont d’une impérieuse nécessité pour les habitants de ladite entité territoriale. Dans ce contexte, il faudra que les départements ministériels ci-dessus cités et dont les actions s’imbriquent l’une dans l’autre, clarifient leur domaine de compétence afin que l’aménagement urbain de Bamako cesse d’être en veilleuse et en souffrance.

Plusieurs outils de planification élaborés il y a longtemps (SDU, PUS) pour la ville de Bamako, n’ont pas connu d’actualisation ou de révision. Cette inaction favorise tous «ces pilotages à vue et action de prince», auxquels nous assistons et qui écartent ou occultent le département de l’Urbanisme et de l’Habitat de la gouvernance urbanistique de Bamako.

Notre activité professionnelle s’inscrit fortement dans des politiques publiques, que ce soit en tant qu’acteur de leur mise en œuvre, ou comme destinataire d’un dispositif relevant d’une politique publique. Tout acteur social est donc en permanence confronté aux politiques publiques, le plus généralement comme destinataire, mais aussi comme composante de leur mise en œuvre; parfois également comme participant à leur mise sur agenda. Dans cette posture, en tant qu’enseignant chercheur de ce domaine, je ne peux plus fermer les yeux par rapport au fait que je n’arrive pas à effectuer une lecture cohérente des actions de ces quatre départements dont les actions se chevauchent et s’empiètent dans l’aménagement urbain de Bamako.

Ces derniers temps, plusieurs artères de la ville de Bamako sont soit en construction, ou en revêtement- renouvellement. Malheureusement, la ministre de l’Équipement et des Transports, à cause de son agenda très chargé, ne communique pas assez ou ne communique presque pas sur ces aménagements urbains qui sont en train de se dérouler à Bamako. Ces opérations urbaines à n’en pas douter sont à l’actif de ce gouvernement de transition.

Ce faisant, sur un autre registre, je suis en fonction à la Faculté des Sciences Administratives et Politiques de Bamako (FSAP). Sur ce postulat, l’analyse des politiques urbaines, fait partie de mon domaine de prédilection. Cette omniprésence de plus en plus forte des politiques publiques dans la société, justifie à elle seule que l’on y porte un intérêt accru. En outre, l’analyse des politiques publiques actuelles de ce gouvernement de transition me permet de porter un regard approfondi sur un grand nombre d’enjeux politiques sectoriels actuels dont celui de l’aménagement urbain.

Pour Jean-Claude Thoenig «une politique publique se présente sous la forme d’un programme d’action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales».

L’expression «politiques publiques» repose donc sur deux notions fondamentales: celle de programme d’actions et celle d’autorité publique. Un programme d’action correspond à un ensemble d’actions (de nature diverse) présentant une certaine cohérence (en termes de finalités en particulier) et s’inscrivant dans la durée.

L’analyse des politiques publiques cherche à répondre à trois questions fondamentales:

– Pourquoi des politiques publiques sont-elles mises en place ?

– Comment les acteurs impliqués agissent-ils ?

– Quels sont les effets de l’action publique ?

Elles correspondent aussi aux trois séquences clés d’une politique publique: la définition et la mise sur agenda des problèmes sur lesquels agir, l’adoption de décisions, enfin la mise en œuvre concrète de celles-ci.

– Une politique publique répond tout d’abord, fondamentalement, à une orientation, plus ou moins explicite, plus ou moins nette. Toute politique publique vise à résoudre un (le plus souvent plusieurs) problème(s), et s’inscrit donc dans une (plutôt des) finalité(s).

À ce sujet, le département de l’Urbanisme et de l’Habitat manque de vision. À part la construction des logements sociaux, ses autres actions régaliennes qui lui sont dévolues, ne sont pas exécutées, ou sont assurées par le département de l’Équipement et des Transports, de l’Environnement, de l’Hygiène et de l’Assainissement ou par celui de la Culture.

– La deuxième question (celle du comment) renvoie au choix entre les multiples instruments d’action disponibles. Ils peuvent être définis comme des «dispositif[s] à la fois technique[s] et socia[ux] qui organise[nt] des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il[s] [sont] porteur[s]» (Lascoumes et Le Galès, 2004, p. 13). Sur ce registre, le développement urbain de Bamako souffre du fait que le ministère de l’Équipement et des Transports englobe plusieurs actions de l’urbanisme opérationnel, et qu’il n’arrive pas à les réaliser à hauteur de souhait pour faute d’appropriation abusive des compétences du département de l’Urbanisme et des Transports.

– La troisième question, celle des effets de l’action publique, suppose de s’intéresser aux individus auxquels s’adressent les autorités étatiques quand elles agissent. Les instruments de politiques publiques visent un public ciblé, plus ou moins large en fonction de la nature de la politique publique. Dans cette perspective, les effets de l’action publique dans le domaine de l’urbanisme sur les populations, vont mettre du temps à être perçus.

En effet, la population de la ville de Bamako s’augmente d’année en année. Cela induit forcément l’augmentation des besoins en termes d’aménagements urbains. Cela suppose par conséquent que le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat rentre en possession de toutes ses prérogatives, compétences, attributions qui lui sont assignées.

Pr Abdramane Sadio SOUMARÉ, Urbaniste et Maître de Conférences en Géographie Urbaine à la Faculté des Sciences Administratives et Politiques (FSAP) de l’USJPB

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