L’anéantissement de la culture est dénommé un « mémoricide ». Après la destruction des statues de Bâmiyân, Nimroud, des livres de Mossoul et la dernière attaque à l’intérieur du musée du Bardo en Tunisie, quelle sera la prochaine cible des djihadistes ?
En Afghanistan en 1998 et durant trois ans, les islamistes talibans, après avoir vandalisé les statues de Bouddha, s’attaquèrent à la destruction systématique de plus de 55.000 livres rares et de grande valeur historique. Ils ne préservèrent que des textes coraniques.
Le 7 mars 2001, ils s’en prennent aux symboles identitaires de l’Afghanistan. Les Bouddhas de Bâmiyân représentent en effet pour tous les Afghans, et en premier lieu pour les Hazaras et les Pashtouns qui peuplent le coeur de l’Afghanistan, une fierté nationale. Par la destruction de ces statues colossales à l’explosif, les Talibans démontrent on ne peut plus clairement leur qualité de force d’occupation étrangère à la région ainsi que leur nature profondément obscurantiste. L’acte des terroristes est une atteinte à l’esprit et à la sincérité de toutes les grandes religions et en premier lieu du Bouddhisme, religion de tolérance par excellence. Il est l’expression d’une forme de nihilisme qui est lui-même le signe d’un pouvoir sans respect pour toute idée de connaissance et de civilisation. Outre les bouddhas de Bâmiyân, les trésors du Musée de Kaboul, de Ghazni et d’Herat ont aussi été détruits en mars 2001.
Au Mali, en mai et décembre 2012, deux ans avant que l’EI ne commence à faire parler de lui, la destruction des mausolées musulmans de Tombouctou, “la cité des 333 saints”, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, provoque la stupeur du monde entier. Les sanctuaires historiques et emblématiques de cette ville fondée aux XIe et XIIe siècles, sont tombés sous les coups de pioche des groupes islamistes sévissant dans le nord du pays.
Le 6 mars 2015, L’Etat islamique multiplie le pillage et la destruction de sites historiques de Mésopotamie, l’un des berceaux de l’humanité. Le site de Nimroud, joyau archéologique au nord du pays où s’est dressée la première capitale de l’empire Néo Assyrien, a été attaqué par les hommes de Daesh. Armés de bulldozer, ils ont détruit en partie ce témoignage de l’histoire et ont dérobé des pièces archéologiques inestimables. Quelques heures plus tard, d’autres djihadistes de l’EI détruisaient la cité antique de Hatra en Irak, ville inscrite au patrimoine mondial de l’UNESC0, vieille de 2 000 ans, située dans la province de Ninive, à 110 km au sud de Mossoul avec des explosifs et des bulldozers. L’EI a aussi pris pour cible l’université de Mossoul et brûlé des livres de science devant les étudiants. Un professeur d’histoire de l’université indique que l’EI a détruit d’autres bibliothèques publiques de la région, des archives sunnites, des bibliothèques chrétiennes (église et monastère dominicain) et le musée de Mossoul, emmenant des œuvres ayant 5000 ans, en vue d’éventuels trafics.
A Tunis, le 19 mars dernier, deux assaillants armés de kalachnikovs ont ouvert le feu sur des touristes qui descendaient de leurs autocars sur le parking du musée du Bardo. Les hommes armés ont ensuite pourchassé les touristes à l’intérieur du musée, coup double !
De tels saccages commis par ces barbares doivent relever de la CPI et des crimes de guerre, mais cela annonce malheureusement des fatwas dans d’autres pays à fort patrimoine antique. A quand celles contre les statues pharaoniques de l’Egypte, pays dans lequel les frères musulmans ont été chassés récemment. La destruction des monuments archéologiques dissimule des pillages et l’utilisation de la dynamite pourrait avoir un double effet, éradiquer en priorité l’histoire préislamique, effrayer la communauté internationale mais permettre le transport de ces monuments à des fins mercantiles pour financer l’effort de guerre.
Khalilou COULIBALY