Le pacte des charognards – Un sketch sur la crise au Mali écrit par ‘’ l’enfant de Bougouni’’

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Un sketch sur la crise  au Mali écrit par ‘’ l’enfant de Bougouni’’, un écrivain malien du nom de Drissa DOUMBIA

Premier tableau

Tagnini,

La guerre commune est gagnée. Tous les chefs de guerre sont là présents,

moi Tagnini, Bôyorodian, Maratiki et tous les autres (Jubilation, euphorie).

Tagnini,

Dieu merci, nous avons infligé une défaite cuisante à ces sales républicains qui nous ont tant ennuyés, si longtemps martyrisés. La coordination de nos forces a été parfaite.  Bravo pour l’ensemble de nos combattants. Ils ont mis l’ennemi en fuite après avoir massacré, blessé et capturé un grand nombre. Le butin de guerre est substantiel : des belles femmes, des fillettes pures et fraiches, des objets précieux, des vivres…Tout le monde peut s’en donner  à cœur joie. Il n’ ya personne pour vous en empêcher. Maintenant  il nous faut harmoniser nos objectifs et nous comprendre pour  organiser l’occupation de notre territoire. Je pense qu’avec un peu d’effort de part et d’autre, un accord peut être obtenu. Si les colonisateurs ont pu s’entendre dans leurs  partages, pourquoi pas nous ? Nous ne pouvons que nous entendre,  surtout que l’histoire et la géographie nous lient. Nous pouvons nous  estimer heureux parce que certains des états puissants ayant participé aux partages coloniaux nous soutiennent et nous aident. Que chacun se prononce sur la plate-forme commune à établir.

Maratiki :

Dieu merci, nous avons pu mener à bien cette première victoire qui était un souci commun. Maintenant que nous sommes à la croisée des chemins, chacun doit emprunter sa voie.

Tagnini :

Non Maratiki, nous devons surmonter nos divergences. Ne perdons pas de vue que ces sales républicains referont surface et reviendront à l’assaut.

 

 

 

Maratiki :

Sans vous mentir Tagnini, nous ne pouvons pas faire cause commune.

Les soutiens auxquels tu as fait allusion sont des gens dont la conception de la vie est inconciliable avec la nôtre. Nous n’avons même pas la même conception de la mort. Pour eux, la mort est l’arrêt total et définitif de la vie. Tandis que la vie n’est qu’un petit laps de temps que Dieu nous accorde pour préparer la vie définitive qui commence après la mort –  quand une vie se consacre à l’assouvissement  effréné des fantasmes et des désirs, c’est une catastrophe. Inutile d’insister, tu nous suis ou tu dégages, Tagnini.

Tagnini :

Dans ce cas, qu’est – ce que je vais dire ?

Qu’est – ce que je vais faire ?  Où vais-je partir ?

Maratiki :

Tout ça c’est ton problème. Si tu ne peux pas nous suivre, dégage, et bien vite.

2ème tableau :

Tiècoura, le représentant de la nouvelle autorité du Sud convoque une réunion de crise.

Tiècoura :

Soubhanalahi ! Nous sommes dans la merde. Le Gouvernement et le nord de notre pays se sont écroulés l’un après l’autre. Nos administrés tombent dans un orphelinat complet sous la terreur de nouveaux maîtres. Que faire ?

Tièmassa :

Il nous faut nous ressaisir et nous réorganiser rapidement pour refaire surface et remonter la pente.

Tiècoumba :

De graves révélations rendues possibles par  la chute du régime indiquent à quel point le pays est miné et son armée fragilisée. Il faut maintenant faire table rase du passé et créer un contexte nouveau en vue de reprendre le nord.

 

 

Nikaidiourou :

La tâche ne sera pas facile. Nous attendons la réaction de DAIMINBATON dont la solidarité et l’aide nous sont indispensables pour faire face à la grave situation. En attendant, allez – y réfléchir sur les schémas possibles de sortie de crise. Nous nous reprendrons.

3ème tableau :

Réunion au sommet de DAIMINBATON

Kountiki :

Les nouvelles qui nous parviennent de DANBOUGOU sont alarmantes et inquiétantes à plus d’un titre. Il est question d’occupation et de renversement.

Les membres de la Réunion :

Quoi ! Renversement ! Soubhanalahi !

Zantiki :

Alahouakbar ! Renversement ! Il ne faut pas laisser quelqu’un savourer cette mauvaise plaisanterie.

Danfaga :

Il ne faut pas laisser quelqu’un semer ce mauvais grain. Maudite sort l’idée de renversement ! Le renversement est l’antipode  de la bonne marche. Je devine un peu le renversement. Quand quelqu’un est renversé, au lieu qu’il ait les pieds sur terre pour continuer à conduire la bonne marche, il aura les jambes en l’air et la tête au sol. Donc tout sera chamboulé, tout sera dévoilé. Ba..ba…ba ! Que dieu nous mette à l’abri du renversement.

Moussokoura : D’ailleurs, pourquoi renverser alors que tout le monde voit, tout le monde dit que tout marche bien. Renversement ! Il faut que ce mot soit définitivement  banni du vocabulaire de tous les sociétaires de DAIMINBATON.

Kountiki :

Allez donc dire aux insensés de DANBOUGOU qu’ils ont remué les lèvres sans parler. Un ordre en place est toujours salutaire et bienfaisant ici comme ailleurs. Pas question de le renverser. Que les insensés de DANBOUGOU rétablissent incessamment l’ordre, le Bon ordre qui nous est cher. S’ils ne s’exécutent pas, nous leur couperons tous les robinets et nous leur fermerons tous les accès à l’oxygène.

 

 Moussokoura :

Oui ! Il est impératif et urgent qu’ils rétablissent l’ordre, même s’ils invoquent la découverte d’anomalies dans le système déchu.

Kountiki :

Quelles anomalies ? Le renversement n’est il pas la plus grave des anomalies ?

Nous prenons donc une résolution de fermeté à l’égard des renverseurs  de DANBOUGOU. Il faut dissuader tous ceux qui seront tentés de renverser pour quelques raisons que ce soit. Sur ce, passons aux divers.

Zantiki : (demandant la parole)

R.A.S (rien à signaler). Tout juste pour délivrer un petit conte destiné à égayer et divertir l’auguste réunion avant qu’on se sépare.

Comme nous le savons tous, beaucoup de contes africains gravitent autour du lièvre et l’hyène. Moi j’admire beaucoup le lièvre. Il est très rusé et plein d’imaginations.

Dans le conte que voici, il était demandé à tous les animaux de prendre de la bouillie chaude,  descendue du feu, sans l’éventer ou le refroidir de quelque manière que ce soit. Le lièvre affirma pouvoir le faire. Il se mit aussitôt à chanter et danser avec dans la main une grande louche pleine de bouillie fumante. Dans sa chanson, il indexait un à un les animaux de la brousse avec le rappel de l’interdiction de refroidir la bouillie.

« Souroukoubalé yayabou  yayabou  yayabou » Mogotalassoumala yayabou yayabou yayabou ; Kôrô samalé……… »

Avant qu’il ne fasse le tour des animaux, la bouillie était refroidie et il la but. Les autres furent invités à prendre au chaud la bouillie qui fumait dans la marmite, sans chanter et danser comme le lièvre.

Les membres de la Réunion rirent à gorge déployée et la séance fut levée. Avant  que les gens sortent Kountiki intervient en catastrophe pour les rappeler.

Kountiki :

Attention ! Reprenez vos places. On a oublié le premier point de l’ordre du jour : occupation.

 

 

 

Zantiki : C’est vrai, nous sommes tous menacés. Actuellement, tous les vases sont communicants. Nous sommes tous menacés. Pas seulement notre espace Dionbougou, mais le monde entier. Dieu merci, les géants du monde ont la solution à tout. Ils fabriquent dans leurs labos tous les maux et tous les remèdes. Il suffit seulement qu’ils veuillent t’aider.

Danfaga :

On ne comprend pas. Danbougou qui est le malade retarde les soins qu’on lui propose.

Moussocoura :

C’est ridicule. Un malade qui veut prescrire lui-même son ordonnance.

Zantiki :

Laissez – les. Ils verront. Ce qui est sûr, personne ne mettra un sou dans leur sac de mendiant tant qu’ils ne courberont pas l’échine.

Kountiki :

Le problème est simple. Ils sont malades, il est vrai. Mais il faut qu’ils nous suivent. Nous devons regarder dans la même direction.

Tandis que nous, nous demandons un vaccin très efficace pour contrecarrer l’épidémie, eux ils exigent un traitement curatif.

Je pense que préventif et curatif, ça revient à la même chose.

Danfaga :

Nous sommes sur la bonne voie. Avec un bon vaccin, nous n’aurons qu’à faire face à une maladie bénigne qui nous immunisera contre la maladie virulente qui est déjà la leur. Ce que notre amicale de bergers vénérés ne peut apprécier chez ces Danbougoudais, c’est leur fierté maladive et leur audace. Non content de renverser notre copain, ils refusent le bâton de commandement à ses héritiers.

Zantiki :

Oh ! Renverser. Quand j’entends ce mot ‘’renverser’’ mes cheveux se dressent.

Vraiment notre cher copain nous manque. Il avait la même morphologie et les mêmes instincts que nous. Nous étions sur la même longueur d’ondes.

 

 

Kountiki :

Ce que je recommande aux membres de l’amicale, c’est la solidarité sans faille dans notre fermeté. En réalité, dans la crise objet de notre réunion, notre priorité est le Sud.

Danfaga :

Et concernant le Nord ?

Kountiki :

Ce qui est urgent et important c’est une ceinture de sécurité pour contrer une éventuelle propagation de la maladie du Nord.

4ème tableau :

Réunion des chefs coutumiers et des inconditionnels de DANBOUGOU.

Dougoutiki :

Je vous ai conviés pour vous exprimer ma détresse et ma grande déception.

Voici notre cher DANBOUGOU  en agonie avec, au nord, une population assiégée, meurtrie et persécutée ; avec au sud une société en pleine décomposition qui  s’entre – déchire. Le tout chapeauté par l’épée de Damoclès suspendue sur nos têtes. El alla ! Que faire !

Bruyamment, un homme fait irruption dans la salle et perturbe la réunion.

–          Mon nom est Ankata, le rénovateur providentiel, le balayeur impitoyable de la maison. Si ce vent n’était pas venu, qu’allait devenir mon rêve d’émergence politique ? Pas question que ce vent s’arrête en si bon chemin ?

Dougoutiki :

Arrête Ankata. Je suis d’accord avec toi sur beaucoup de lignes, mais il faut mettre un peu d’eau dans ton vin. Quand le  souhaitable n’est pas possible, il faut souhaiter le possible. Evite d’exacerber les haines et les impulsions  violentes susceptibles de faire ressembler Danbougou à un pays de monstres. Acceptez les conditions indispensables à notre survie et la sortie de crise.

 

 

 

Ankata réplique :

Ecoute Dougoutiki, comme je l’ai dit, il n’est pas question que ce vent s’arrête en si bon chemin. Ça passe ou ça casse (il commence à chanter et à danser) : « ni bè  Danbougou fè temin Kabo annyè, ni tè   Danbougou n’Tji temin Kabo annyè».

Un autre acteur aussi bruyant capte l’attention

–          Je m’appelle Antè, Le bras armé de l’intérêt touché. Halte aux fossoyeurs du bon vieux temps. Halte aux trouble – fêtes. Si mes intérêts ne sont pas garantis, que tout aille au diable. Encore que j’ai le soutien total de Daiminbaton.

Dougoutiki :

Antè, tu gagnerais à mettre l’intérêt de  Danbougou au dessus des tiens propres. Danbougou est un pays de dialogue et de consensus. En sauvant le pays tu auras peut être la chance de voir tes péchés absous.   Ne fais pas en sorte que notre pays soit inondé par les larmes de crocodile coulant de l’extérieur. Je t’apprends que le crocodile verse des larmes avant de dévorer sa proie.

Antè réplique :

Vive le bon vieux temps. Ça passe et ça casse. Il chante la même chanson qu’ankata.

Dougoutiki s’énerve

–          Abatara mogow, ayaka mana mana koumbô ankan.

S’il plait à dieu, Danbougou tanguera mais ne chavirera pas.  Ne perdons pas espoir. Ressaisissons- nous. Ne sous-estimons pas nos propres forces même si nous avons besoin des autres. Chacun comprend maintenant pourquoi la perdrix a préféré son dortoir aléatoire au poulailler bien aménagé.

D’autres acteurs entrent en scène

Ayamiri :

Il fait mal de constater l’inconscience et l’insouciance de certains de nos compatriotes au moment où notre pays est quadrillé par le filet de la conspiration.

Ayétachi :

Moi je suis scandalisé quand je vois notre pays, terre de dignité et d’honneur trainé dans la boue. Notre nom est sur la langue de toutes sortes  d’individus mal intentionnés.

 

 

Ayamiri :

Tu sais, la critique est facile et savoureuse, c’est pourquoi beaucoup en abusent.  Mais, fôtè mogo ban.

Ayétachi reprend la parole.

Tu sais, quand la pluie te voit sous une hutte au toit défectueux, elle ne cesse pas de goutter. Face à la vague d’hostilité qui déferle sur nous, si nos compatriotes pouvaient constituer un front uni ! Nous subissons toutes sortes de chantages, toutes sortent d’humiliations (pleure et lamentation).

Ayamiri :

Console – toi, Ayétachi, le mali est un roseau, il plie et ne rompt pas – Inchala, bientôt, tout cela ne sera  qu’un triste souvenir.

En voyant comment le Mali est malmené, je me demande ce qui reste encore d’humanité aux hommes. Regarde par  exemple, on remue terre et ciel au sujet de la  vie d’une infime poignée d’otages. Et nous qui pleurons la mort de centaines de soldats dont certains égorgés, éventrés ou exécutés atrocement ?

Ayétachi :

Peut être que les vies n’ont pas la même préciosité. D’autre part, il est prouvé partout que les matières premières sont la préoccupation première et la vie (celle des faibles innocents) la dernière. On le constate partout : en Syrie, en Palestine et ailleurs. Mais dieu est grand.

Ayamiri : Terminons en disant que « nous sommes de cœur et d’action avec nos compatriotes du nord ».

Tous droits réservés.

Drissa Doumbia

Ecrivain domicilié à Yirimadio

Tél : 76 28 02 42

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