La guerre des analyses fait rage .Du moins dans la presse sérieuse. Quant à la télévision publique, elle dort du sommeil du juste .Comment le Mali peut être impacté par ce qui se passe en Tunisie ou, maintenant en Egypte ? Sommes- nous immunisés contre ce type d`événement ? Le régime, nos institutions, notre composition sociale, notre économie, notre profil sociodémographique, notre système sécuritaire nous protègent ils, ou pas, contre un décrochage du pouvoir aussi brutal ?
Toutes les questions sont sur la table. Et les réponses apportées ne sont pas dénuées d`arrière pensées. Elles nous informent d`abord sur la position politique des uns et des autres à l`égard du Mali et de son parcours. Un premier groupe d`analystes se dégage et ce n`est pas le moins dangereux, intellectuellement s`entend, qui entend mettre en avant une exception malienne heureuse- Une théorie qui l`immuniserait totalement contre un changement brutal de système. Pêle-mêle sont avancés des arguments comme la solidarité, le lien social, la tempérance, les équilibres sociaux, l`ouverture politique, la liberté d`expression, etc. Tout y passe ou presque .Tous ces éléments ont bien entendu leur poids dans une analyse honnête, mais ils ont le fâcheux défaut de mobiliser sur le plan scientifique une méthode peu pertinente : la méthode Coué. L`incantation valant démonstration, on souhaite faire correspondre la réalité, forcement complexe et insaisissable, à nos désirs de stabilité et de quiétude. Cela part assurément d`un bon sentiment, mais les choses en général sont plus fuyantes.
Le deuxième groupe d`analystes qui se distingue est celui de ceux qui ont tout compris depuis toujours. Ce sont les néo-obscurantistes, souvent laïcs, ceux qui voient tout en noir, et qui voient dans cette accélération de l`histoire une aubaine qui va enfin justifier leurs prédictions les plus ténébreuses et le grand soir qu`ils nous ont toujours promis. Ils souhaitent très fort, que l`histoire leur donne raison. Cela est fort sympathique comme démarche, mais là, aussi, l`incantation remplace la démonstration et la méthode utilisée est aussi puérile. Que reste-il alors ?
Ils restent ceux qui pensent que les choses sont suffisamment graves et dictent à ce pays d`accélérer la cadence des reformes. Ils considèrent que l`avancée démocratique prise par notre pays depuis quinze ans doit nous permettre aujourd`hui de creuser l`écart, de faire la différence dans le domaine de la construction de la démocratie, de l`impartialité de l`état, de l`égalité des chances, de la protection des plus faibles, de la mise à niveau politique et institutionnelle, pour être clair du soutien d`un projet de société alternatif crédible. Mais on ne peut pas dans une forme d`hypocrisie généralisée continuer à manger le to et cracher dans le plat. Chanter la transparence et cultiver les espaces d`opacité .Vouloir un état moderne et laisser se développer des poches de corruption .Célébrer la démocratie et continuer à manipuler l`espace politique.
Souhaiter formellement une presse professionnelle et cultiver sciemment la médiocrité populiste. Le Mali ne connaitra pas la même révolte que la Tunisie ou l`Egypte pour deux raisons : La première est que la révolution Tunisienne est partie d`elle-même, elle n`a pas été copiée, pas mue par les appareils politiques, elle est l`œuvre d`une jeunesse longtemps opprimée mais pas domestiquée, une jeunesse suffisamment éduquée et consciente des enjeux politiques de l`époque, ce que nous n`avons pas encore au Mali. La seconde raison, c`est qu`en Egypte, une autre option existe .Elle s`appelle Mohamed ElBaradei, prix Nobel de la paix comme Obama. Il peut constituer une alternative honorable. Au Mali, qui avons-nous ? Sans répondre a cette dernière question si l`on renverse tout, on aura pire ! Le Mali n`est pas la Tunisie encore moins l`Egypte.
Une contribution de Mr Toure Abdourahamane
rndrabenmat@yahoo.fr
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