« Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il est faible nous périssons » ; c’est là une maxime de Paul Valéry qui illustre la situation du Mali. À la suite d’un coup d’Etat, le 11 Août 2013, Ibrahim Boubacar Keita appelé IBK fut élu pour rebâtir le Mali.
Le 29 juillet prochain, l’élection présidentielle se tiendra et les maliens devront décider de prendre un nouveau tournant ou de rester fidèles à celui qu’ils considéraient comme étant l’homme de la situation.
En effet, Samake Nouhoun, chargé de la communication à l’Union pour la république et la démocratie (URD), un parti politique libéral ayant pour candidat Soumaila Cissé, un homme politique, affirme qu’IBK a été élu grâce à sa réputation. Etant Premier ministre sous le régime d’Alpha Oumar Konaré, ce dernier a mis en échec des manifestations étudiantes et islamistes tendant notamment à faire interdire l’accès aux boites de nuits et bars durant le mois de Ramadan. Dans un contexte, où la crise du nord et la menace djihadiste font rage, les espoirs se sont tournés vers cet homme de fer.
A cela, Amidou Tidjani, professeur de droit à l’université Paris 13, ajoute qu’IBK a bénéficié du soutien des leaders religieux et que l’influence de ces derniers a transformé la campagne électorale en un concours de « Incha’Allah » et de récitations coraniques au détriment des projets de sociétés.
Le face à face opposera donc IBK avec son bilan que ses adversaires qualifient de « mauvais » et l’opposition, terme utilisé pour désigner l’ensemble des adversaires d’IBK à la présidence et dont la diversité, la cohésion et le fonctionnement font débat.
5 ans sont passés, la situation du nord reste critique. Kaourou Magassa, journaliste, tire la sonnette d’alarme. Face à l’inertie des autorités maliennes, un front contre le djihadisme se met en place dans le Nord du pays. Le bilan, du président sortant ne semble pas être à la hauteur de ses promesses concernant la crise au nord du pays. La déception qui en découle se fait ressentir auprès de la population mais aussi auprès de ses alliés politique d’autrefois aujourd’hui devenus ses adversaires à l’instar de Moussa Marra, son ancien premier ministre ou encore de Mamadou Igor Diarra, son ancien ministre de l’économie et des finances. Ainsi, le Rassemblement pour le Mali (RPM) parti politique de gauche fondé par IBK et ayant ce dernier pour candidat aux élections à venir, a perdu de sa substance et est donc affaibli selon l’opposition.
Affaibli mais pas à terre si l’on se fie aux coups de maitre orchestrés par IBK et diffusés sur l’office de radiodiffusion télévision du mali (ORTM). L’ORTM est un média d’Etat couvrant 90% de l’ensemble du territoire national ; cette chaine est aussi nommée « IBK TV » par la population. Une touche d’humour pour illustrer une domination visuelle qui permet à celui qui la détient de diffuser sa grandeur et ses idées à sa guise. Salif Diarra, journaliste, souligne dans un article publié sur maliactu.net que : « Avec IBK, la télé s’ouvre par lui et se ferme par lui. Tout tourne autour des activités d’IBK, de sa femme, de son parti, de la majorité présidentielle. » Dans un pays où le taux d’analphabétisme est élevé, la communication audiovisuelle est l’une des clés de la politique. Ainsi cette domination est une arme de choix.
La démocratie appelle à la diversité des opinons ainsi, face à IBK, on trouve 183 partis politiques et 29 candidats potentiels. Une telle diversité met en exergue deux scénarii potentiels : une population malienne davantage recentrée sur ce qu’elle connait et donc amenée à offrir à IBK, un second mandat ou une lutte des grands leaders de l’opposition.
L’opposition a conscience de sa faiblesse majeure à savoir sa division et de sa pluralité ; elle a tenté d’y palier en initiant une candidature unique incarnant l’alternance au Président sortant. Cette tentative s’est soldée par un échec car l’opposition n’a pu se mettre d’accord sur l’idée même d’alternance, selon Amidou Tidjani. Par la suite, de nombreuses coalitions ont fait leurs apparitions à l’instar de la coalition pour l’alternance et le changement ou encore celle des bâtisseurs. La coalition pour l’alternance et le changement admet pour leader Soumaila Cissé et regroupe une soixantaine de parties politique et associations de l’opposition ainsi que plusieurs candidats déclarés à l’élection présidentielle tandis que la convention des bâtisseurs comporte une dizaine de candidat ; dans les deux cas, l’objectif est d’empêcher IBK d’obtenir un second mandat en réduisant le nombre de candidats. Face à ce phénomène, les opinions peuvent diverger : lorsque les uns y voient un signe de maturité politique, les autres y voient des arrangements dont le dénouement peut se solder par un divorce affaiblissant l’opposition.
« Une élection présidentielle : c’est des Hommes face au peuple » nous dit Mr Samake Nouhoun. A ce jour, le peuple attend encore les programmes dissimulés par stratégie nous dit-on ou plus simplement car encore inachevés voire même inexistants et doit donc se contenter de simples promesses. Les discours déplorent essentiellement l’absence d’action du gouvernement d’IBK or selon Kaourou Magassa ; « l’anti IBK-isme ne fait pas le programme et sans programme clair, sans proposition concrète, aucune chance de gagner une élection. Mais plutôt que de faire des promesses irréalistes sur la création d’emplois dans les services et les administrations dans un tel contexte [crise au Nord du pays], ils gagneraient plus à se concentrer sur des projets de développement basés sur les forces du pays ; l’agriculture, le commerce, ou l’économie informelle qu’il faudrait transformer ou structurer ».
Le Mali est un pays jeune, 70% de la population à moins de 25 ans. Selon Amidou Tidjani, ces jeunes ne sont ni séduits par IBK ni par les candidats de l’opposition, les raisons sont principalement celles évoquées précédemment. Il parait cependant légitime de penser que la conception de la politique au Mali ne vise pas à l’intégration parfaite des jeunes lorsque Thièbilé Dramé affirme, lors d’une conférence en date du 20 février dernier, que les jeunes doivent attendre « leur tour ». Il est indéniable que la jeunesse de ce pays n’est pas politisée. Ainsi, monsieur Tidjani et monsieur Magassa s’accordent à dire que le « vote des jeunes » n’influencera pas cette élection.
Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath est probablement cette lueur d’espoir qui « réussit à faire en sorte qu’une partie de la jeunesse s’intéresse un peu plus à la chose publique ». Cependant, il faudra se montrer encore patient avant de voir les jeunes maliens pleinement engagés en politique.
Monsieur Tidjani ne pense pas que cette élection soit celle du tournant tant attendu au sens du développement économique. Néanmoins, son influence sera capital pour la sécurisation du pays ». Il ajoute qu’un échec du processus électoral risque de faire disparaitre le Mali tel que l’on le connait depuis son indépendance. Son analyse repose sur le fait que le Mali que l’on connait, c’est ce pays vaste d’un million cent quarante mille kilomètre carré, riche de sa diversité ethnique et culturelle qui en cas de nouvelle crise encourt l’implosion au profit des Touaregs du Nord, des Peuls du centre et des Soninkés de l’Ouest.
Ainsi, les maliens se doivent de faire le bon choix, les urnes délivreront leur verdict final le 12 août.
Adam Keïta, étudiante en droit et en économie au Cycle pluridisciplinaire d’Etudes supérieures PSL/Henri IV (Paris)