Le Mali face à son destin

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Douze mois au plus. C’est le temps que la CEDEAO accorde au Président intérimaire, Dioncounda Traoré pour conduire la transition devant mener à l’organisation d’élections après que le processus avait été interrompu le 22 mars dernier, alors que le Mali s’orientait vers la présidentielle qui devait avoir lieu quelque 4 semaines plus tard, le 29 avril 2012.
La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a obtenu du Capitaine Amadou Sanago qu’il s’accorde avec les voisins du Mali, pour la prorogation de la transition devant mener à de nouvelles élections. L’équipe que dirige le tandem Pr Dioncounda Traoré et Dr Cheick Modibo Diarra aux fonctions respectives de Président de la République et Premier ministre, a désormais les coudées franches pour passer à la phase suivante dans la résolution de la crise qui frappe le pays depuis que les rebelles du Nord en ont proclamé la partition.
Il aura fallu plusieurs semaines de rencontres au sommet, alternativement à Abidjan et Dakar, en plus d’incessants déplacements à Bamako et Ouagadougou, pour parvenir à un accord entre les autorités de la transition et les émissaires ivoiriens et burkinabé, les ministres Adama Bictogo et Djibril Bassolé.
Les tractations qui viennent de connaître un épilogue concernant la durée de la transition ne sont qu’une étape dans le processus devant conduire à la phase la plus difficile en vue de la résolution de la crise. Organiser une présidentielle dans un délai ne dépassant pas 12 mois suppose que soient créées les conditions d’une participation de tous les Maliens au choix des personnalités appelées à présider aux destinées de leur pays. Et là est l’équation. Parler du Mali comme d’un Peuple partageant un même But et une même Foi (la devise nationale) n’entre plus dans le schéma de ceux qui ambitionnent de redessiner la carte de cette partie de l’Afrique de l’Ouest.
En proclamant l’Indépendance du territoire autour de villes comme Gao, Tombouctou et Kidal, les rebelles du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) ont fait l’option d’un conflit ouvert. Et sur la question, le Président Dioncounda Traoré a été sans équivoque : « ces groupes qui ont envahi le Nord de notre pays » seront combattus par tous les moyens. Par delà les autorités de la transition, ce sont tous les Maliens qui devraient plus que jamais, faire de l’intégrité du territoire, un objectif de premier ordre, transcendant dès lors, les clivages partisans et les calculs de courte vue.
Aucun président, aucun gouvernement ne pourra se prévaloir d’une quelconque légitimité, si l’autorité de son magistère ne peut s’exercer sur le Mali tel que le Président Amadou Toumani Touré l’avait hérité de ces devanciers depuis l’indépendance en 1960 : Modibo Keita, Moussa Traoré et Alpha Oumar Konaré. C’est un territoire un et indivisible, allant de Diboli à Tessalit.
Les Maliens ne sont pas seuls à devoir refuser la partition du pays. D’ailleurs les populations des zones occupées ne se sont pas laissé aller à la résignation. Des informations en provenance de Gao notamment, font quotidiennement état d’actes courageux de résistance, de la part des habitants. Ce qui rend urgent une intervention de type militaire dont l’effectivité aura besoin du soutien logistique de la Communauté internationale, avec celui déjà acquis de la CEDEAO qui annonce le pré positionnement de 3000 hommes. Encore faudrait-il que les autorités de la Transition en fassent immédiatement la demande et que Sanogo s’efface rapidement, maintenant qu’il a obtenu l’amnistie pour lui et pour ses hommes. Le militaire qu’il est sera plus utile au Nord dont la défense était le prétexte à sa prise du pouvoir.
S’il devait être durablement déstabilisé à l’intérieur, le Mali aux sept frontières contaminerait forcément ses voisins. Le Nigeria l’a bien compris, qui s’est très tôt positionné pour l’envoi de troupes au titre de contribution au contingent de la CEDEAO pour « libérer » le Nord Mali, même s’il n’a pas de frontières avec le pays en détresse. La seule présence d’éléments estampillés « islamistes » est, pour Abuja, une raison suffisante pour justifier une intervention coordonnée par l’Organisation régionale. Une jonction Boko Haram avec d’autres groupes comme le redoutable Ansar Dine déjà présent et ayant les mêmes ambitions religieuses, déstabiliserait durablement le pays le plus peuplé de l’Afrique de l’Ouest.
Quant au Niger, il a une forte composante touareg de sa population. Niamey a fait l’expérience de conflits avec des groupes combattant sous cette bannière identitaire. La Mauritanie a plusieurs fois connu les affres d’attaques et de prises d’otages perpétrés par des trafiquants très mobiles dans la bande saharo-sahélienne. Nouakchott ne devrait pas hésiter à joindre ses forces à celle de Bamako et de la CEDEAO (dont la Mauritanie n’est plus membre) pour le retour à la situation antérieure au coup d’Etat du 22 mars.
Même le Sénégal devrait craindre pour sa sécurité. Pas seulement pour des raisons d’ordre géographique. Dakar peine depuis trois décennies à trouver une paix définitive en Casamance, exactement le temps mis par le MNLA à aboutir (provisoirement) à son but. Tout succès d’un mouvement irrédentiste en Afrique de l’Ouest serait un dangereux précédent pour les pays de la région, cette partie de l’Afrique étant parsemée de groupes pouvant se rendre partout disponibles, dès que les conditions financières sont créées, en plus de la similitude des objectifs séparatistes.
La Côte d’Ivoire sort à peine d’une crise qui a eu des répercussions jusqu’au Libéria voisin. La Guinée (Conakry) n’est pas encore totalement stabilisée au plan institutionnel, ce qui peut avoir des conséquences pour peu que les acteurs politiques se laissent influencer par des intérêts non nationaux.
Pour toutes ces raisons, le Mali ne devrait pas être seul dans son combat pour recouvrer son intégrité territoriale. Ses stratèges militaires ne devraient pas oublier sur le registre de la résistance les divisions internes dans les rangs de l’ennemi. Les populations attachées à l’islam confrérique et fans de Tinariwen ne peuvent s’entendre avec les intégristes aux méthodes radicales.
Si les voisins sont aussi interpellés, on ne voit pas comment les acteurs politiques nationaux eux-mêmes pourraient se laisser divertir et perdre du temps à défendre des positions de partis, pendant que  le peuple les attend sur le front nord pour donner encore plus de pertinence à la devise du pays : UN PEUPLE, UN BUT, UNE FOI.
 Ahmadou T. Gologo
    Consultant

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