Le Mali de demain : Chronique d’une nation à reconstruire

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C’est désormais clair que la guerre au nord du Mali est dans sa phase  culminante. Les villes du nord Gao, Tombouctou et  Kidal, conquises, par les armées françaises, maliennes et africaines, doivent maintenant affronter la phase la plus compliquées, celles de la sécurisation et de la pacification. Elles sont les plus importantes du processus. Rien n’est encore gagné.

Kalifa Fabrice DEMBELE

Le Président par intérim, Monsieur Dioncounda Traoré a préconisé le dialogue avec les membres des groupes modérés, tel que, le MNLA, mouvement Touareg, par lequel, la crise a commencé au Mali, le 17 Janvier 2012. Il dit ouvertement  disqualifier les autres protagonistes des discussions pour la réconciliation et la reconstruction nationale. Justifiant la mise à l’écart des autres groupes armés et djihadistes, Ancar Eddine, MUJAO, Boco-haram,…, Monsieur Traoré, défendra clairement ses mots en disant que le pays n’a jamais connu un conflit religieux depuis son indépendance, et n’est nullement en guerre contre l’islam.

Dans la feuille de route de la Transition, Signé du Premier Ministre, Django Sissoko, il est clairement notifié que les prochaines étapes seront décisives, tant au nord, qu’au sud  tout en respectant la résolution 2085 de L’ONU concernant le Mali. L’organisation d’une élection transparente, crédible, et ouverte devrait être l’une des priorités des étapes à venir. A ce point, la communauté internationale et l’ONU, et tous les partenaires techniques, amis du Mali devraient s’investir utilement pour une reconstruction totale du pays. Le Mali ne peut se développer sans des institutions fortes,  telles que la réforme de l’armée Nationale, la reconstruction d’une justice forte et indépendante, de l’installation d’instrument de régulation et de répression, la régulation de la communication, la lutte contre la corruption, l’incivisme fiscal, la réforme de l’éducation de la base au sommet, un programme de sante bien établie.

C’est après la prise en compte de tous ces aspects forts bien importants, que le Mali pourra prendre son envol vers de lendemains meilleurs. Mais pour les réussir, un diagnostic intégral s’impose. Celui de la connaissance de l’ossature politique du pays. Le Nombre de partis politiques au Mali s’accroit de jour en jour. Nous dénombrons plus de 80 (nombre en constante évolution) partis politiques au Mali, mais les plus représentatifs, ne dépassent pas la dizaine. Ils sont l’Adema- PASJ (Association des Démocrates du Mali- Parti Africain pour la Solidarité et la Justice), avec comme Président Dioncounda Traore, Actuel Président par Intérim (fonction qui lui interdit de se représenter aux prochaines échéances Présidentielles conformément aux accords de Ouaga), l’URD (Union pour la République et la démocratie, qui a comme leader, Soumaila Cissé, le RPM (Rassemblement du Pour le Mali), le MPR (Mouvement Patriotique pour le Renouveau), dirige par Choguel Maiga, le Cnid (Convention Nationale d’Initiative Démocratique) de Mountaga Tall, le PARENA (Parti pour la Renaissance Africaine), de Tieblé Dramé, le SADI( Solidarité Africaine, pour la Démocratie et l’Indépendance, comme Président Cheick Oumar Sissoko, avec leader, Oumar Mariko, L’UDD (Union pour la Démocratie et le Développement) de Tieman Coulibaly,… Hormis, ces quelques partis cités, la plus part n’ont aucune représentation au niveau l’Assemblée Nationale, fonctionnent sans siège social fixe et ne tiennent des réunions, ni de formation de cadres ou des conventions qu’a l’approche des échéances électorales, ou généralement, ils ne jouent qu’un rôle, celui de soutenir une candidature sans pour autant se présenter. Or le rôle premier d’un parti politique dans une démocratie, c’est d’animer la vie politique nationale, à travers la participation aux débats, aux séminaires, aux conférences, aux colloques, à des formations, tout en concourant au pouvoir d’Etat par la voie des urnes. A ces partis politiques, s’ajoute la force politico- militaire, effrayante, basée à Kati, dont le chef n’est autre que le Capitaine Amadou Aya Sanogo. Celui qui se donne tout pouvoir de faire et de défaire les plus hautes autorités politiques du Pays, à temps voulu.

Le dernier rapport de Transparence International, datant de Décembre 2012, classait la république du Mali à la 105e  place des pays corrompus de la planète sur un total de 178. Classé, parmi les premiers des derniers, le Mali ne peut espérer à un décollage économique sans une reforme complète du système éducation qui depuis quelques décennies, ne respecte pas les normes internationales avec un niveau qui s’effondre aussi pitoyablement. La négligence dans le secteur a favorisé une chute de niveau des éducateurs. L’attribution  par les autorités étatiques pour la création des écoles et universités privées, sans suivi, ni expertise au préalable, a rendu l’Etat complice et responsable de la dégringolade du niveau des élèves et étudiants.

La mauvaise performance des enseignants des écoles publiques et privées, ont mis à nu, la faiblesse du système caduque enseigné. Au lieu de promouvoir l’excellence dans la formation, les écoles publiques et privées, sont devenues championnes dans la production de cadres sans qualification. Ce qui cause un sérieux problème d’employabilité des jeunes, dont les profils ne répondent guère au marché de l’emploi. Un problème de reconnaissance et d’homologation des diplômes au niveau du CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur), se pose également. Ce qui démontre que l’école malienne, dans sa plus grande composante est inadaptée à l’équation formation-emploi. Un fait récent de licenciement est illustratif. Après le coup d’Etat du 22 Mars, qui renversa le défunt pouvoir, de graves anomalies ont été décelées à tous les niveaux de l’administration malienne.

Prenant ses responsabilités, Monsieur Mamadou Namory Traoré, alors Ministre de la Fonction publique, de la bonne gouvernance et des Reformes administratives, chargé des relations avec les institutions, a décidé le 2 octobre 2012 de mettre à la porte certains agents fonctionnaires de l’Etat irrégulièrement recrutés à travers un arrêté ministériel sous le N°2012 001308. Ils seront 263 fonctionnaires dont 54 contractuels à être remerciés. Ce licenciement, que  ces protagonistes contestent vivement, concernait un grand nombre d’anciens étudiants membres de l’association pourrie dite AEEM (Association des Elèves et Etudiants du Mali) Cette association, au lieu d’être un porte-drapeau pour la revendication des causes justes, est devenue au fils des ans, un dépotoir de cancres étudiants, qui ne vivent que de la sueur de ces étudiants qu’ils prétendent défendre. Ils sont prêts à sacrifier dix bonnes années, voire plus, dans les couloirs des différentes facultés de l’Université de Bamako, pour un cycle normale de 4 ans, décrochant quand même leur diplôme. Eternels redoublants, ces nuls passent ces nombres d’années, juste pour bénéficier des avantages, que les responsables de l’Education et le Gouvernement  mettent à leur disposition. Ils ne sont jamais renvoyés. A ces faits inquiétants, il faut ajouter les actes d’incivisme et de corruption, tel un Directeur d’une école privée qui attribue les diplômes aux plus offrants,  l’enseignant qui vend les notes ou des notes d’examen  et les concours d’entrée à la Fonction publique devenus la foire aux magouilles, n’en parlons pas des bourses d’études à l’extérieur achetée par les moins méritants.

Au niveau de la sante, on peut signaler, le manque d’infrastructures, pas d’assistance maladie, pas de médicaments, avec le programme sida qui fut un échec avec des milliards détournées. Le Haut Conseil National de Lutte contre le Sida, relié directement à la présidence de la République, a été une honte nationale, puisque les suivis ARV (Anti Rétroviraux), traitement réduisant la mortalité chez les personnes atteintes du VIH et le suivi biologique, ne sont pas accessibles.

Des aides colossales  venues de l’extérieur, le Ministère de la Santé y bénéficie chaque année. L’impact est visible, avec effet minimisant puisque des malades ou blessés graves généralement suite à des accidents de la route, meurent chaque jour dans les salles d’attentes des hôpitaux sans bénéficier de premiers soins.  Quant à la sécurité du pays, à commencer par l’armée, elle doit être reformée. Une formation continue  doit permettre aux militaires de maitriser les bases civiques et républicaines, dont bénéficieront les populations. Comme le disait Thomas Sankara, ancien Président du Burkina Faso : « un militaire sans formation civique est un criminel en puissance ».  S’agissant des forces de l’ordre, tels la Gendarmerie et la Police Nationale, elles n’ont pas bonne presse aux yeux des populations.

Les maliens vivent dans la peur et sont constamment victimes de petites raquettes à tout bout de champs. Ces deux corps, en contact direct avec le peuple, sont mal en point, mal équipés, mal rémunérés avec un personnel réduit. Leurs restructurations s’avèrent indispensables. La sécurité routière, ferroviaire, maritime reste un champ de désespoir. Les voies sont délabrées et inutilisées voire impraticables. Les routes goudronnées à coup de milliards ne tiennent qu’à peine un an. Cela est dû aux appels d’offres de complaisance et avec un manque technique de suivis des travaux. Même, si le professionnalisme est au rendez-vous, il est souvent enveloppé dans la corruption. Le désenclavement du Mali est une nécessité absolue. Concernant les services douaniers, Ils sont gangrenés par la fraude massive et généralement en complicités avec les plus grands exportateurs et importateurs du pays. Ce qui joue considérablement sur les recettes. L’incivisme fiscal torpille le pays avec une et évasion fiscale. Quant à la société civile, elle est inexistante, du moins partisane, pas dynamique et mal structurée. La plus part des syndicats se limitent à des revendications salariales, sans pour autant songer à la formation de ses membres à des valeurs, à l’éthique, à la morale et à la déontologie professionnelle.

Enfin, l’autosuffisance alimentaire reste un secteur mal exploité au Mali. Avec ses 100000 ha de terres irriguées, l’Office du Niger compte aujourd’hui parmi les plus grands aménagements hydro-agricoles du continent africain. Il devrait  contribuer fortement à la sécurité alimentaire du Mali. Mais la production annuelle du Mali est d’environ 500 000 tonnes de riz. C’est un secteur, dans lequel  la corruption et le népotisme ont élu domicile depuis des années. L’initiative riz, sous l’ancien Président Amadou Toumani Toure, fut une expérience médiocre.

De l’attribution des terres, à la vente des denrées, en passant par les récoltes, tout se marchandent. Malgré, cette énorme superficie cultivable, le Mali fait partie des pays importateurs de riz de la sous-région. L’agro-Business, la culture de contre saison, la culture irriguée, et la culture maraichère, sont des domaines à explorer au Mali. Le pain est sur la planche. Rendre justice aux victimes des exactions des bandits armées ou djihadistes, Réconciliation nationale ; amnistie ; élection libre, transparente et ouverte ; et la refondation de l’administration publique, autant de chantiers qui attendent les nouvelles autorités du Mali. Seront-elles à la hauteur des missions à eux, confiées ? C’est la grande question.

Kalifa Fabrice Dembélé

 

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