Ce quatrième acte du « Mali d’après 2023 », – année correspondant au terme du mandat de l’actuel président de la République – portera sur la question des structures chargées de la gestion des élections politiques au Mali.
Cette thématique s’inscrit, toujours dans le cadre des nécessaires réformes institutionnelles, à la suite des deux précédentes qui ont traité l’une, de la réforme du système parlementaire, et l’autre, de l’amélioration de la gouvernance au travers du système d’élection du président de la République.
Les élections, au Mali, qu’elles soient communales, locales, régionales, législatives, présidentielles, sont gérées par divers organes qui travaillent de concert. Qu’il s’agisse de la Commission électorale nationale indépendante – CENI –, de la Délégation générale aux élections – DGE – ou du Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation, ou encore, dans une certaine mesure, du Comité national de l’égal accès aux médias d’État – CNEAME –, tous concourent, ou sont censés concourir à la bonne tenue des élections en République du Mali.
La CENIest chargée de la supervision et du suivi de l’élection présidentielle, des élections générales législatives, régionales, communales, du District et des opérations référendaires (cf. article 3 du Code électoral de 2006).
La DGE est quant à elle chargée de l’élaboration et de la gestion du fichier électoral, ainsi que de la gestion du financement public des partis politiques (cf. article 25 du Code électoral de 2006).
Pour ce qui est du Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation, celui-ci assure :
– la préparation technique et matérielle de l’ensemble des opérations référendaires et électorales ;
– l’organisation matérielle du référendum et des élections ;
– l’élaboration des procédures et actes relatifs aux opérations électorales référendaires ;
– la centralisation et la proclamation des résultats provisoires des référendums et des élections présidentielleset législatives ;
– l’acheminement des procès-verbaux des consultations référendaires, législatives et présidentielles à la Cour constitutionnelle ;
– la centralisation et la conservation des procès-verbaux des consultations électorales communales, régionales et de District (cf. article 26 du code électoral de 2006).
Le CNEAME, créé conformément à l’article 7 de la Constitution du 25 février 1992, par la loi organique n°93-001/AN-RM du 6 janvier 1993, assure, notamment en période électorale, l’égal accès de tous aux médias d’État. Et, à ce titre, il veille notamment « à une gestion équitable du temps d’antenne et de l’espace rédactionnel consacrés aux candidats et aux formations politiques pendant les campagnes électorales » (cf. article 3 de ladite loi).
Force est de reconnaître qu’une telle « gestion quadripartite » des élections au Mali n’a pas permis d’endiguer les crises préélectorales et post électorales. Face à cette triste réalité, il est prégnant, de revoir l’organisation des élections à tous les niveaux, au travers notamment de la révision du Code électoral de 2006.
La création d’un organe unique à cet effet serait judicieuse. Cet organe pourrait continuer de s’appeler la « CENI » et absorberait la DGE et le CNEAME, et se verrait confier des attributions du Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisationrelatives aux élections. Ainsi, la DGE et le CNEAMEn’existeraient plus, et le Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisationn’interviendrait plus, de quelle que manière que ce soit, dans la gestion des élections.
L’organe unique assumera les missions consistant dans l’administration de l’élection présidentielle, des élections générales législatives, régionales, locales, communales, du District et des opérations référendaireset d’autres aspects importants du système électoral malien – gestion du fichier électoral, accès aux médias, etc. –.
Le dessaisissement du Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation de ses prérogatives relatives aux élections permettrait d’assainir cette matière et surtout d’instaurer une certaine confiance entre les acteurs politiques. La confiance est de nos jours rompue et ce, à juste raison, dans la mesure où le ministère en question et ses démembrements pourront être perçus comme étant, à la fois, des « juges et parties » dans le jeu électoral. Il en est ainsi puisque le ministre de l’administration territoriale est nommé par un président de la République lui-même membre d’un parti politique qui est généralement « compétiteur » lors des élections. Le risque d’un tripatouillage des résultats des élections devient ainsi élevé dans la mesure où ce département ministériel assure, en vertu de l’article 26 du code électoral, « la centralisation et la proclamation des résultats provisoires » des élections.
Il est opportun que ce ministère se borne à ses autres missions qui sont notamment :
– la coordination des relations du Gouvernement avec les partis, groupements et associations politiques ;
– l’information régulière du Gouvernement sur la situation politique et sociale du pays;
– la création, la suppression, la scission ou la fusion de collectivités territoriales ;
– le contrôle de la régularité juridique des délibérations des collectivités territoriales.
L’organe de gestion des élections devra être « unique » mais aussi « indépendant » comme l’a d’ailleurs prôné le Dialogue national inclusif (DNI), tenu du 14 au 22 décembre 2019 (paragraphe « objectifs à moyen terme »de la thématique n° 2 dénommée « Politique et institutionnel »).Toutefois, outre ces deux critères, l’organe devra surtout être « non partisan ».
De plus, aucune des prérogatives des quatre (4) structures, ci-dessus évoquées, n’est antinomique et impossible à se déployer au sein d’un organe unique à même de réaliser une gestion acceptable des élections.
Cette réforme, en profondeur, de la gestion des élections en République du Mali permettra non seulement de prévenir les conflits préélectoraux et post électoraux, mais aussi de parvenir à une stabilité/une pérennité des institutions qui ressortent de ces élections. L’on pourrait ainsi, par ricochet, atteindre l’objectif qui anime, à n’en pas douter, tous les citoyens maliens, de la stabilisation de notre pays qui n’a qu’assez souffert de l’instabilité chronique qui la malmène depuis l’avènement de la démocratie en 1992 !
Salif OUATTARA
Docteur en droit privé