Comme indiqué lors de la publication des précédents « Actes » (dont je recommande la lecture pour comprendre l’idée qui a prévalu à ce troisième « acte », et que vous pouvez retrouver en cliquant sur les liens suivants :
1er acte :https://www.maliweb.net/contributions/le-mali-dapres-1er-acte-2875159.html ;
2nd acte : http://bamakonews.net/2020/06/le-mali-dapres-2nd-acte-de-la-reforme-du-systeme-parlementaire/?fbclid=IwAR1Akb8M3ktVFEVcDzgOtIfQwltJqLriAH9mypGe7-kD2K0-p4py9NFtSA0), une série d’actes/parutions se succèderont dans le cadre des réflexions qui seront menées.
Ce troisième acte du « Mali d’après 2023 », – année correspondant au terme du mandat de l’actuel président de la République – portera sur la question de l’amélioration de la gouvernance au travers du système d’élection du président de la République.
Actuellement, au Mali, conformément aux articles 30et 38 de la Constitution du 25 février 1992, le président de la République est élu au suffrage universel direct ; il nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions sur présentation de la démission de celui-ci.
Ces prérogatives du président de la Républiques s’inscrivent dans le cadre du régime que d’aucuns appellent « semi-présidentiel », et d’autres « semi-parlementaire », et dont la précision [de ce régime] serait souhaitable pour parer à la possibilité pour le président de la République de se servir des prérogatives de l’un ou de l’autre régime en fonction de ses intérêts du moment.
Ce système de gouvernance est en train de montrer ses limites tant il favorise une instabilité au sommet de l’État, qu’il accorde des « pouvoirs exorbitants » au président de la République. L’exercice d’un aspect de ces pouvoirs-là a permis à l’actuel président de la République de s’octroyer cinq (5)Premiers ministres en un mandat, de 2013 à 2018.
Pour parer à une telle situation à l’avenir (mais pas seulement) et pour asseoir davantage notre démocratie, je propose de revoir le système de gouvernance au sommet de l’État. La réflexion pourrait être menée autour, essentiellement, de trois (3) systèmes de gouvernance :
- 1er: le système du « ticket » à l’ivoirienneissu de la Constitution du 8 novembre 2016, elle-même réformée par le Congrès le 17 mars 2020, prévoyant désormais la nomination du vice-président par le président de la République après l’accord du parlement, avec la possibilité de nommer, en sus, un Premier ministre.
- 2e: Le système du « ticket» à l’américaine (les États-Unis d’Amérique), où le président est élu avec le vice-président,sans la possibilité de nommer, en sus, un Premier ministre.
- 3e: Le système du Sénégal, où le poste de Premier ministre a été suppriméen mai 2019 à la suite de la promulgation de la loi constitutionnelle portant suppression du poste de premier ministre, faisant ainsi qu’il n’y a désormais qu’un président de la République et des ministres.
Les deux premiers systèmes ont le mérite de promouvoir une certaine stabilité au sommet de l’État, en ce sens que le mandat confié au président irait à son terme quoi qu’il arrive. En Côte d’Ivoire, l’intérim serait assuré par le vice-président si le président venait à être empêché, et par le Premier ministre en cas d’empêchement, à son tour, du vice-président, tandis qu’aux États-Unis il existe un « ordre de succession présidentielle » prévoyant le remplacement du président par le vice-président, lui-même par le président de la chambre des représentants (équivalent de notre Assemblée nationale), lui aussi par le président du Sénat, lui encore par le Secrétaire d’État (équivalent de notre ministre des Affaires étrangères), lui également par d’autres Secrétaires (ministres chez nous) ; et même le Procureur général figure surla liste.
Le système ivoirien a l’inconvénient d’être budgétivore et peu efficace en terme de processus de prise de décision : le circuit risque d’être rallongé si l’on devait imaginer que les ministres devraient se référer au Premier ministre qui, à son tour, rendra compte au tandem constituédu président de la République et du vice-président. Une certaine lourdeur administrative s’instaure donc.
Le système américain a l’avantage, avec l’absence d’un poste de Premier ministre, d’être économe et de réduire le circuit du processus de prise de décision, les Secrétaires (les ministres) en référant directement au président et au vice-président. Aussi, le président se trouve davantage responsabiliser devant ses concitoyens en termes de politique par lui menée et de l’atteinte des objectifs par lui fixésau travers de son programme présidentiel. L’évocation d’un tel système pourrait heurter les partisans des clivages « Afrique francophone/Afrique anglophone ». Tel n’est pas mon cas dans la mesure où nous devrions parvenir à nous défaire de ces considérations d’une autre époque, tout en sachant nous réinventer au Mali, j’allais dire en Afrique.
Le système sénégalais a quant à lui l’avantage, avec l’absence de Premier ministre, d’être encore plus économe pour le budget de l’État – le contribuable donc – pour qui connaît les montants alloués annuellement à la primature (11 844 454 000 FCFA sur le budget 2020 du Mali). Là encore le Président se trouve davantage responsabilisé devant ses concitoyens relativement à la politique qu’il mène et des résultats obtenus. Toutefois, l’inconvénient d’un tel système consiste dans l’« hyper-présidentialisation » du pouvoir, dans l’instauration d’une espèce de régime présidentiel qui octroie un trop grand pouvoir au président ; ce qui n’est pas sans inconvénient.
Il serait judicieux que nous fassions évoluer notre système de gouvernance en responsabilisant davantage le président de la Républiquedevant le peuple concernant les politiques adoptées. Tel n’est pas le cas dans le système actuel malien où le Premier ministre sert en quelque sorte de « fusible » en étant responsable devant le parlement par exemple, sans être doté de pouvoirs nécessaires à une gestion adéquate de ses fonctions.
De cestrois systèmes ci-dessus présentés, j’opte pour le système sénégalais qui présente l’avantage pour un pays comme le Mali, dépourvu de moyens financiers suffisants, d’être plus économe pour le budget de l’État. Aussi, ce sera l’occasion pour nos concitoyens de ne pas pâtir de la lourdeur administrative – le circuit étant raccourci par la suppression du poste de Premier ministre – et même des « guéguerres » qui pourraient y avoir entre les « Hauts administrateurs » de la présidence de la République et ceux de la primature, voire le Premier ministre en personne.
Il serait souhaitable que nous nous appropriions ces quelques idées pour ériger, ensemble, ce qui serait bien pour notre pays, notre démocratie et,in fine, nos concitoyens !
Salif OUATTARA
Docteur en droit Privé