Le Mali, ce géant qui refuse la gloire

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On se plaît à dire que le Mali est un grand pays, ce dont certains semblent tirer beaucoup de fierté en oubliant que tout le mérite en revient à des hommes et à des femmes qui, en d’autres temps et sous d’autres cieux ont consenti des sacrifices importants. En dehors des critères purement géographiques, quelle peut être la mesure exacte de la grandeur à l’échelle d’un pays ?

L’HISTOIRE ET LA GEOGRAPHIE PREDISPOSAIENT

LE MALI A JOUER LES PREMIERS ROLES EN AFRIQUE

 

Un territoire immense allant des dunes chaudes du Sahara à la savane arborée en passant par le Sahel, une population très variée mais bien intégrée, une culture riche sortie du fond des âges, voilà le Mali tel qu’en lui-même, unique à tout point de vue. La façon dont les hommes ont, des siècles durant bâti le vivre ensemble dans cet espace a façonné sa dimension historique. Toutefois, depuis une quarantaine d’années, le délitement du sens moral, le pillage en toute impunité des ressources publiques, la faiblesse du leadership politique sont en passe d’en faire un géant nostalgique, un colosse au pied d’argile. En cause, l’incapacité d’assumer pleinement le poids de l’histoire, de l’écrire en l’améliorant sans cesse au bénéfice de la société et des hommes, au prix de la souffrance et de la privation. La situation est si critique que seule une gouvernance de rupture proposant un nouveau pacte social peut aider à inverser la tendance. A force de travail et d’ingéniosité, la Chine s’appuyant sur les solides ressorts de son passé féodal puis communiste, ne s’est-elle pas hissée sur le toit du monde ? Elle est parvenue à faire de sa population qui était présentée comme un handicap, son atout le plus sérieux.

Les nations que l’on considère comme les grands de ce monde sont en réalité celles qui,  sans état d’âme, se sont donné les moyens d’amener toutes les autres à chercher un abri et une protection dans leur sillon. Le droit de veto au Conseil de Sécurité en est la parfaite illustration. C’est le super-privilège que se sont octroyé cinq pays qui, après s’être entendus sur leurs zones d’influence et la distribution des rôles,  ont fait de leurs contradictions un facteur d’équilibre et non de rupture. A l’échelle de l’Afrique, l’histoire et la géographie prédisposaient le Mali aussi à jouer les premiers rôles. Pour la mémoire collective, cela remonte à « Kudukanfuga » mais plus près de nous, Modibo Kéita avait généreusement replacé le pays dans le sens de l’histoire. Nationaliste scrupuleux ayant une haute idée de sa mission, son ambition et sa stature personnelle avaient permis que sa voix portât très loin. Fédération du Mali, Organisation de l’Unité Africaine, union Guinée-Ghana-Mali sont des tableaux sur lesquels il s’est particulièrement illustré au plan africain. Jamais, ni lui ni aucun de ses proches collaborateurs n’ont déshonoré le Mali par leur engagement ou une quelconque velléité affairiste. Le soudanais devenu plus tard citoyen malien était un homme respecté en Afrique et bien au-delà pour sa droiture, son sens de la dignité et son intégrité. Ce temps si proche semble pourtant si lointain !

SANS GRAND MAL, LE MALI AURAIT PU DEVENIR

UNE GRANDE FORCE MILITAIRE ET UNE PUISSANCE AGRICOLE

 

Comparaison n’est certes pas raison, mais comment s’empêcher de relever le désarroi actuel de la jeunesse malienne,  aux antipodes de l’engouement et de la grande espérance des premières années de l’indépendance ? Une jeunesse tour à tour frustrée et malmenée par le régime militaire, instrumentalisée puis marginalisée par les « démocrates », aujourd’hui ballottée entre un doute existentiel saisissant et l’espoir de pouvoir enfin se réaliser grâce à une identité professionnelle et une dignité sociale retrouvée, malgré un contexte défavorable  marqué par l’étroitesse du marché du travail, le favoritisme, une formation sujette à caution. Dans un tel climat, comment créer de nouveaux emplois tout en assainissant le système scolaire pour l’adapter aux exigences du marché local et sous régional de plus en plus concurrentiel ?

Le Mali aurait pu sans grand mal devenir une grande force militaire s’appuyant sur des peuples à la tradition guerrière solidement établie, mais aussi une puissance agricole grâce à l’Office du Niger et au labeur de ses fils, agriculteurs à plus de 70% depuis des générations. Il n’est malheureusement devenu ni l’une ni l’autre alors que chacune aurait pu l’aider à asseoir un développement économique viable et un positionnement international avantageux. Et que dire de l’or dont le Ciel l’a si généreusement doté sauf qu’il ne profite pas suffisamment à ses populations, de l’industrie culturelle et touristique toujours en friches, du dynamisme mal canalisé de son commerce ? A y regarder de près, avec autant de potentialités et d’opportunités, on a le sentiment d’un énorme gâchis causé par le manque d’audace et de vision. C’est, depuis des décennies le drame du peuple malien qui, bien que disposant d’atouts indéniables pour émerger et jouer dans la cour des grands, est réduit à un dilettantisme paralysant entretenu par un système politico-administratif accapareur et corrompu. Si les dirigeants sont nombreux, on se rend compte que seuls les visionnaires et les bâtisseurs contribuent à la grandeur de leur pays. Le jugement de l’histoire est toujours impitoyable pour tous ceux qui, avant de passer à la trappe, créent des parenthèses douloureuses et traumatisantes pour leurs peuples. Il leur réserve tout simplement un destin de feuilles mortes.

Aujourd’hui, l’objectif affiché étant de faire le bonheur des Maliens, pourquoi ne pas sortir des formules incantatoires et de l’auto – célébration pour revenir opportunément à l’essence même de la vision du président Modibo Kéita?  Faire de la formation scolaire et citoyenne des jeunes la priorité nationale. Valoriser davantage l’apport des femmes au processus décisionnel et économique. Instaurer une gouvernance vertueuse adossée à l’excellence et au mérite. Loin de toute considération partisane !

Mahamadou Camara

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4 COMMENTAIRES

  1. bel article MR Camara,
    un pays aussi grand au sens propre comme figuré peut-il être la risée du continent ?Je crois que non ,mais lorsqu’on perd ses repères ,on perd son âme.comment comprendre qu’une grande nation africaine comme le Mali dont l’histoire est racontée partout peut-il du jour au lendemain devenir un état si faible,si corruptible si légère ?On est pas grand pour rien.le malien si fier dans un passé pas si lointain peut-il devenir un être servile taillable et corvéable à merci comme on le dit.?Autrefois ,pris en flagrant de vol ,vous quittez nuitamment le village pour ne pas mourir de honte et jeter l’opprobre sur toute une famille.qu’en est-il today,voler devient une vertu et cela depuis la famille.une fois nommé à un poste de responsabilité ce sont en premier lieu les parents qui vous disent de “prendre” sinon au risque de devenir “danganden” VAUT RIEN OU MAUDIT.Prendre et voler deux verbes devenus synonymes par la force des choses.Un individu s’accapare de tout l’argent qui devrait servir à construire écoles,centres de santé,aménager des routes pour le bien de la communauté.plus on vole plus on est protégé.l’ex dirigeant n’a t-il pas dit qu’il ne veut subir à personne la honte de la prison?Voilà la réalité du malien et Dieu dans Sa sagesse infini a fait descendre le malheur sur nos têtes et chaque jour qui passe on a l’impression de ne plus pouvoir se relever tant les nouvelles ne sont pas bonnes.Que les gens se posent certaines questions.Purquoi tant de jeunes tentent par tous les moyens de rejoindre les grands pays européens?Parce que il y a un semblant de justice et Dieu a dit tant que vous serez juste les uns envers les autres,Je vous apporterais le bonheur.Nous devrons être des gens justes tout deviendra normal.merci

  2. Combien de femmes aujourd’hui sont celles capables de s’engager mais aussi de le faire dignement la majorité de nos soeur intello cherchent plutot le superflu tout sauf ce qui peut renforcer leur dignité et les intégrer. Et de Modibo à qui nous reconnaissons des mérites il faut aussi sur le plan scientifique et honnetement dire qu’il a connu lui aussi des erreurs très graves mais qui sont pardonnables car il a peché par ignorance contrairement à ses successeurs qui ont peché sceiemment

    • – Lorsque l’on choisit le socialisme comme philosophie de vie dans un monde bipolaire,
      – Lorsqu’on crée sa propre monnaie,
      – Lorsque l’on de réclame du panafricanisme,
      – Lorsque l’on cultive le nationalisme…

      Alors on a choisi délibéremment son camp!

      Ce ne sont pas des oeuvres d’ignorance, ou d’un ignorant, mais plus tôt d’un choix de vie, des décision politiques que l’on assume. Modibo Keita a assumé simplement et courageusement à tord ou à raison! L’histoire retiendra que ses prédécesseurs n’ont même pas pu l’atteindre rien qu’aux chevilles quant à sa vision et idéaux…

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