Les choses sont allées relativement vite pour le nouveau Premier Ministre, le « grand commis de l’Etat ». Le nouveau gouvernement a été rendu public avec quelques nouvelles figures mais une majorité de membres de l’ancienne équipe.
Si le Premier Ministre bénéficie de préjugés favorables pour sa grande connaissance des rouages de l’administration publique, des inquiétudes peuvent apparaitre avec l’état lamentable de notre diplomatie (s’il y a en une) dans la gestion de cette crise. Et sa longue expérience de l’administration ne plaide pas beaucoup pour les innovations auxquelles on devrait s’attendre.
Le choix des hommes est un paramètre très important et cela semble poser problème surtout pour les postes diplomatiques considérés comme stratégiques. Cela devrait être revu absolument. On ne choisi pas des amis, des parents ou même des fonctionnaires pour les remercier et « les aider à préparer » leur retraite en les nommant ambassadeurs dans des pays stratégiques. Faire cela, c’est choisir la voie du suicide diplomatique. Ce qui semble avoir été depuis quelques années la politique diplomatique du Mali créant une grosse frustration au niveau des professionnels du domaine.
Reconstruire la voix du Mali
Les lignes sont à redéfinir
Au risque d’embarrasser, combien de diplomates maliens a-t-on vu sur des chaines de télévision du monde ou entendu sur des radios internationales défendre le Mali (tout simplement) durant cette crise ? C’est vrai que le gouvernement ne semblait pas avoir une « ligne claire » à défendre mais il est aussi vrai que le Mali demeure au-delà des individus et des régimes et dans le cas présent le Mali subi une situation qui interpelle tout citoyen qu’il soit ou non représentant officiel. Ne pas le défendre quand on est sensé en porter la voix, c’est de la non assistance à pays en danger.
On a accusé au Mali des chaines comme France 24 ou RFI d’être au service de la communication du MNLA car ces chaines ont fait « une part belle » à ce mouvement dans leurs séquences d’information en continue. Il semblerait de toute évidence que les diplomates maliens ont été sollicités chaque fois que cela le nécessitait pour faire valoir la position du Mali mais aucun interlocuteur n’était disponible face à ce mouvement. Tous les Maliens ont apprécié et salué la montée sur scène de certains députés maliens pour défendre avec dignité et vérité le Mali.
Les meilleurs « avocats » du Mali ont été de supposés spécialistes du Sahel ou du Mali qui, sans volonté affichée de défendre le Mali (pour les plus crédibles aux yeux de Maliens), ont avancé des arguments pour rétablir un certain équilibre en apportant des éclaircissements sur les efforts du Mali en opposition aux mensonges des rebelles. Comment expliquer l’absence du Mali diplomatique dans les medias qui façonnent les opinions ? Même si la diplomatie par définition n’est pas faite pour faire du bruit, tout le monde constate un vide diplomatique qui fait que ce sont les autres qui décident à la place du Mali.
Osons espérer qu’avec le nouveau Premier Ministre, une ligne claire sera définie et des directives avec obligations de résultats données aux diplomates et surtout avec nomination de personnes qu’il faut aux représentations stratégiques.
Bâillonner son arme de communication, pourquoi jouer à l’autruche ?
Réduire l’ORTM (Office de Radio et Télévision du Mali) au silence n’a pas aidé aussi à apporter une information crédible à l’opinion. Cela au contraire ne fait que « reculer l’échéance » et obliger le Gouvernement à chercher à se justifier après coup. Il faut prendre l’initiative de la communication surtout au niveau de l’audiovisuel officiel. Il y a quelques mois nous dénoncions[i] l’instrumentalisation des services de renseignements d’Etat. Celle des moyens de communication audiovisuelle est tout aussi regrettable et déplorable.
Si cela est une exigence pour tout gouvernement qui se veut crédible, il va aussi falloir à nos confères de Bozola[ii] se « libérer » en engageant leur propre combat interne car aucun régime ne leur donnera la liberté sur un plateau d’argent. Même les putschistes du 22 mars 2012 qui avaient parmi leur « argumentaire » la mise au pas de l’ORTM par le régime ATT ont découvert tout le « bien » que cela pouvait rapporter de mettre cette chaine aux ordres. L’un de leurs hauts faits dans ce domaine, c’est l’interdiction de diffuser sur la chaine tout ce qui concernait le PM démissionné Cheick Modibo Diarra pendant au moins la semaine ayant précédé sa démission « facilitée ».
Le nouveau Ministre de la Communication, qui connait bien la boite, n’est certainement pas suffisant à lui tout seul pour être une garantie pour nos confrères. M. Manga Dembélé a une lecture très lucide avec des idées claires sur les affaires du pays. C’est un professionnel avec lequel il est agréable d’échanger sur le Mali avec lucidité. Il m’a été donné de l’expérimenter juste quelques jours avant sa nomination, le 9 décembre 2012, dans son domicile parisien où il était encore chargé de communication à l’Ambassade du Mali.
Pourtant on peut mieux faire !
L’ORTM qui est la boite qui regorge du plus grand nombre de personnes formées à la pratique du journalisme et de la communication est aussi la boite la plus muette sur ce qui se passe dans le pays. Incroyable ! Si à leur niveau personne ne veut risquer sa place pour la liberté d’une pratique saine du métier d’information et d’éducation des contribuables, il sera difficile pour quelqu’un de se mettre en situation de risque quelconque pour eux.
Ni Gaoussou DRABO, ni Sidiki KONATE, ni Ahmadoun TOURE n’ont su impulser le virage nécessaire aux médias maliens (qu’ils soient d’Etat ou pas). Il est incompréhensible qu’aux pays des 150 radios de proximité que l’espace télévisuel soit le plus rétrograde de la sous région. Il y a dix ans la mise à l’essai d’une chaine d’animation « Sumu Télé » avait soulevé tant de tôlée que l’espoir avait été qu’au moins l’occasion serait saisie pour sortir des textes et décisions claires. A moins d’un manque d’information, rien de précis n’a encore été fait et la tentative malheureuse de lancement d’une deuxième chaine nationale de télévision montre les grandes carences décisionnelles à ce niveau.
M. Dembélé aura-t-il la latitude nécessaire auprès d’un PM qui est du sérail de l’administration malienne, avec un Président par intérim plus ou moins indifférent et des ex-putschistes qui veillent au grain ? Qu’en est-il de M. Tieman H. Coulibaly aux affaires étrangères ?
En tous les cas, le Mali a besoin de communiquer une autre image de lui et l’ORTM et la diplomatie sont à l’avant-garde de ce combat.
Sidi Coulibaly
Journaliste à Ouagadougou
[i] Voir Les Echos du 4 juillet 2012 « quelle communication en cette période ? »