Le dialogue national : Quelles modalités pratiques ?

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Il est maintenant convenu entre nous maliens mais aussi régulièrement rappelé par nos amis de la communauté internationale, que le dialogue entre les différentes composantes de la communauté nationale pour fonder un processus politique parallèlement à la conduite des opérations militaires et de sécurisation, est indispensable et doit être mis en œuvre rapidement.

Moussa Mara, président, maire de la Commune IV
Moussa Mara, président, maire de la Commune IV

On parle de dialogue et non de négociation car, l’évolution militaire aidant, il n’y a manifestement plus matière à négocier faute de forces crédibles en face. On parle de dialogue donc, un processus participatif et inclusif, associant toutes les communautés formant le Mali, pour rebâtir ensemble les termes d’une nouvelle entente de coexistence des maliens sur leur territoire. Une coexistence qui sera fondée sur nos valeurs et notre désir commun à vivre dans la paix et l’harmonie comme cela fut le cas des siècles voire des millénaires durant.
Le dialogue en lieu et place de la négociation n’est seulement un changement de sémantique mais une véritable révolution par rapport à nos habitudes malsaines, habitués que nous étions à discuter pour obtenir des avantages et des faveurs qui ont fini par faire du soulèvement armé un véritable métier pour certains et de la négociation une occupation à temps plein pour d’autres. Tous affairés à vivre sur le dos de leurs compatriotes. Les maliens doivent définitivement comprendre que cette fois, il n’y a pas de gâteau à partager, pas d’avantages matériels à concéder, cela est valable pour ceux qui sont en arme mais également pour les nombreux acteurs et organisations du nord comme du sud qui crient pour être associés au processus pensant qu’il y a des avantage à obtenir. Cela ne doit plus être le cas, nous avons assez « mangé » le Mali. Il s’agit maintenant de le reconstruire et de se sacrifier pour ce faire.
Nous devons mener des actions importantes de discussions entre les communautés, la société civile et les autorités en partenariat avec nos amis étrangers pour établir les conditions d’un meilleur vivre ensemble. Dans cette optique, quelques évidences et préalables utiles sont à rappeler pour justifier les particularités et les originalités du processus de dialogue. La force de négociation à mettre en place doit pouvoir conduire cet exercice difficile avec doigté afin d’amener les maliens et les nombreux amis du Mali à y adhérer et à y apporter leurs contributions utiles.
Quelques évidences et préalables utiles à rappeler
Nous devons intégrer quelques évidences dans notre approche du dialogue et de la réconciliation, fondement de tout projet national et étatique pour le Mali.
La première évidence, qui est d’ailleurs tellement criarde qu’elle en devient banale, est que Kidal a toujours été l’épicentre des problèmes sécuritaires de notre pays et des velléités d’irrédentisme qui ont secoué et qui secouent le Mali. Cette partie de notre pays est particulière, nous l’avons accepté en créant la région de Kidal bien que toute la population de celle-ci est inférieure à celle d’un quartier comme Lafiabougou en commune IV de Bamako. Aujourd’hui nous devons le reconnaître et travailler avec cette donne. La seconde évidence, tout aussi réelle que difficile à intégrer, est la spécificité du nord de notre pays dans son ensemble. Les régions de Gao, Tombouctou et Kidal, eu égard à leurs particularités géo – climatiques, aux modes de vie qui y ont cours, aux pratiques culturelles de leurs habitants, à l’immensité du territoire en question mais également aux problématiques de développement qui leur sont propres, ne peuvent être abordées avec les mêmes lunettes que le sud du pays. Aujourd’hui, nous devons le reconnaître et intégrer cela dans nos démarches. La dernière évidence est la nécessité d’associer l’ensemble des citoyens maliens, sous une forme ou une autre, au processus du dialogue et de la réconciliation si nous voulons que cet exercice soit un véritable moyen de renforcement du corps social malien et un terreau d’une nouvelle citoyenneté vers une nation à édifier. C’est cette association au processus qui assurera l’endossement par chaque malien des conclusions du dialogue. Ce qui lui permettra de s’y associer, d’y trouver matière à satisfaction de ses propres revendications et de tuer définitivement dans l’oeuf des intentions de soulèvement en certains autres endroits sensibles du pays comme par exemple le voisinage immédiat des mines d’or.
Ces évidences nous imposent un dispositif particulier à concevoir pour revivifier le sentiment national au sortir de cette crise. Leur intégration assurera aussi l’applicabilité et la durabilité des solutions préconisées, durabilité et applicabilité qui ont été les principaux talons d’Achille des précédents accords de paix.
Nous avons l’obligation, après l’intégration des évidences, d’institutionnaliser les préalables indispensables au dialogue, préalables qui sont au moins aussi importants à prendre en compte. Cela permettra à tous les acteurs du dialogue d’établir un climat serein de discussion, d’évacuer les débats inutiles pour se consacrer à l’essentiel et surtout de désamorcer quelques tensions causées par le traumatisme de l’occupation et des exactions qui lui sont liées. Ces conditions offriront enfin, l’occasion à chaque acteur souhaitant prendre part au processus d’accepter clairement les conditions de celle-ci.
Le premier préalable est le dépôt des armes par tous les groupes armés qui souhaitent participer au processus. Ce dépôt doit être officiel, suivi par le cantonnement des combattants sous l’égide de la communauté internationale en vue de possibles réinsertions socio professionnelles ou d’intégration dans la fonction publique (locale ou nationale) à l’exception de ceux qui sont radiés des forces armées et de sécurité ou qui font l’objet de poursuites nationales ou internationales. Le second préalable, corollaire du premier, est la présence effective des forces armées et de sécurité sur l’ensemble du territoire notamment à Kidal. Il est souhaitable que l’entièreté du territoire national soit sous le contrôle des forces armées et de sécurité appuyées par la communauté internationale avant d’engager le processus de dialogue, afin d’ôter définitivement de la tête de certains individus mal intentionnés la notion de négociation entre le Mali et un groupe ou une catégorie de personne. Ce dialogue qui n’a rien à voir avec une négociation sera un processus inclusif, organisé et mis en oeuvre par les autorités nationales avec la participation de tous et en présence de nos amis étrangers. Le dernier préalable et non le moindre est la reconnaissance officielle par tous les participants à tous les niveaux de l’intégrité du territoire, de la laïcité de la République, de la nécessité d’une justice fondement de la réconciliation, de la soumission de chacun aux principes républicains qui ne sont pas négociables (équité ; pas de particularisme quand il s’agit des attributs de la République comme l’armée et la sécurité, intégration nécessaire des peuples incluant les mouvements des agents publics sur tout le territoire…). Cet engagement préalable sera formalisé dans une déclaration solennelle lue et acceptée par tous avant le démarrage des travaux.
Ces évidences et préalables créeront les conditions adéquates à l’engagement de dialogues francs et sincères, entre tous les fils du pays, à l’issue desquels les conditions réelles du vivre ensemble harmonieux seront réunies. La force de négociation que l’Etat malien doit mettre en place travaillera dans cette perspective.
Une force de négociation concise et efficace
Le Président de la République l’a indiqué dans plusieurs discours, la création d’un comité de dialogue et de réconciliation chargé de la conduite du processus est imminente. Ce comité sera la cheville ouvrière du dispositif. Il doit avoir une composition mais surtout être doté d’un plan de travail précis pour mener à bien cet exercice crucial pour notre pays. L’équipe doit également être suffisamment compétente pour conduire le processus avec des chances sérieuses de réussite. Elle doit être composite c’est-à-dire contenir des politiques, des administrateurs territoriaux, des historiens et des géographes, des hommes de culture et des traditionalistes, des spécialistes de la décentralisation et des reformes publiques, des experts des questions de ressources publiques et de finances publiques, des spécialistes des questions
de fonction publique et d’agents publics, des experts de reforme territoriale en particulier de processus ayant conduit à la définition de statuts particuliers de zones en Afrique ou ailleurs, des spécialistes de droit public international, des experts des questions de répartition des revenus miniers, des spécialistes des questions de sécurité …. Le comité peut avoir une double composition : l’une politique (représentation des composantes de la société malienne) et l’autre technique fondée sur la compétence intrinsèque de ses membres. L’équipe doit travailler avec les objectifs énoncés ci dessous afin d’aboutir à un dispositif national de réconciliation évitant au pays des troubles ultérieurs. Les autorités nationales doivent mettre en place la structure de conduite du dispositif de réconciliation le plus rapidement possible. Elle devrait fonctionner comme une administration de mission, dotée des moyens nécessaires et rattachée à la Présidence de la République. Les textes préciseront ainsi son organisation et ses modalités de fonctionnement afin qu’elle puisse être fonctionnelle d’ici la fin du mois de mars 2013. Elle travaillera en collaboration avec les structures de l’Etat, en bonne collaboration avec les acteurs internationaux dont la CEDEAO et ses deux médiateurs.
Le comité de dialogue et de réconciliation conduira ainsi le processus en quatre phases dont l’essentiel devrait être fait d’ici la fin de l’année 2013.
Un processus inclusif en quatre étapes
La prise en compte des évidences préalablement indiquées nous incite à envisager le processus de réconciliation en quatre phases, avec une première étape concernant la région de Kidal, une seconde incluant tout le nord de notre pays, une troisième étape consistant à associer le reste du pays et une dernière étape relative à la mise en oeuvre du dispositif de réconciliation.
Au niveau de la première phase, le comité de réconciliation l’organisera en un mois avec une activité principale qui se traduira par l’organisation des assises de la paix et de la réconciliation sur une période de deux semaines environ. Elles auront lieu à Kidal.
Les discussions doivent aborder tous les sujets cruciaux pour cet espace avec au préalable l’analyse sérieuse des accords précédents vers un diagnostic exhaustif et rigoureux, l’examen des motifs légitimes de rebellions et les propositions de mesures de corrections définitives, la question de désarmement de la population et les conditions d’une sécurité réelle et pérenne de la région et de ses habitants, les modalités pratiques de la justice (locale, nationale, internationale) avec la définition de la justice transitionnelle et la mise à contribution des modes traditionnelles de justice vers le pardon et la réconciliation, les conditions d’une présence effective et complète de l’Etat (coût et mise en oeuvre) dans tous ses attributs et son fonctionnement normal, la lutte contre tous les trafics et le terrorisme, la problématique des anciens combattants et de leur réinsertion, le dispositif d’approfondissement de la décentralisation et les questions relative au partage des revenus de ressources naturelles éventuelles. La rencontre doit se pencher sur le système de suivi des conclusions sous l’égide de l’assemblée régionale renforcée par des acteurs à designer. Ce dispositif sera associé à la seconde phase où elle représentera la région.
A cet exercice doivent être conviés les acteurs représentatifs de toutes les diversités de la région sous l’égide du comité de dialogue et de réconciliation et en présence des représentants du médiateur et de la communauté internationale intéressée par ces questions : les élus, les autorités traditionnelles et religieuses y compris tous ceux qui ont du se déplacer ou s’exiler, les organisations représentatives, la société civile, la diaspora organisée et représentative, les hauts cadres ayant occupé des fonctions ministérielles par le passé ou équivalent…Le processus doit être inclusif afin que ses conclusions soient acceptées par tous.
La seconde phase du dialogue portera sur toutes les régions du nord. Elle doit prendre également un mois (préparatifs, tenue et formalisation des ententes). Elle incorporera les résolutions de la première phase.
Cette seconde rencontre traitera entre autres des sujets de la reconstruction, de l’indemnisation des victimes, de la justice, de la sécurité et le du désarmement des populations, de la circulation des armes légères à éradiquer, de la restauration de l’autorité de l’Etat, de la lutte contre tous les trafics et le terrorisme, des questions de développement, des approfondissements de la décentralisation et la question du revenu des ressources naturelles éventuelles, de la gestion des espaces frontalières avec les pays riverains du sahel.
Le dispositif institutionnel de suivi notamment en vue de la troisième étape sera convenu entre les acteurs.
En terme de participants, outre le comité national de dialogue et de réconciliation avec les partenaires en charge de l’organisation, il faut retenir les élus municipaux, locaux, régionaux et nationaux, les organisations représentatives, les leaders communautaires reconnus et légitimes, la diaspora et les hauts cadres.
Les deux conclaves doivent aboutir à des ententes régionales pour la paix, la réconciliation, la sécurité et le développement des régions du nord du Mali. Ces ententes seront ensuite endossées par le comité national de dialogue et de réconciliation pour des discussions formelles au niveau national. L’étape nationale constitue la troisième phase du processus. Elle prendra un à deux mois. Elle abordera les questions de ce qui est particulier au nord et de ce qui peut être envisagé à généraliser à tout le pays (approfondissement de la décentralisation, question des ressources minières et naturelles, questions de développement…) pour poser les jalons des différentes reformes à apporter et d’un plan de mise en œuvre de ces dernières.
Le Comité national de dialogue et de réconciliation conviera à cet exercice les représentants des conclaves au Nord, les médiateurs CEDEAO et amis du Mali, les personnes désignées par chaque assemblée régionale des 5 régions du centre et du sud, les représentants du district de Bamako, les délégués des institutions nationales (Présidence de la République, Gouvernement, Assemblée Nationale, Haut Conseil des Collectivités Territoriales, Conseil Economique, Social et Culturel, Conseil Constitutionnel, Cour Suprême), les représentants des organisations de la société civile, des autorités traditionnelles et religieuses…
Le processus devrait ainsi aboutir à la définition d’ententes nationales conclues et à mettre en œuvre par les autorités après un travail préparatoire du comité national de dialogue et de réconciliation.
Le comité induira la dernière étape de mise en œuvre des termes convenus entre les représentants légitimes des communautés autour de la problématique du vivre ensemble à la malienne. Le comité travaillera avec ces documents portant sur les conclusions des rencontres précédentes pour concevoir les budgets, les projets de textes à transmettre aux autorités nationales.
Il faut envisager une conférence des amis du Mali pour le soutien à la fonctionnalisation de ce dispositif de mise en œuvre d’une organisation territoriale et étatique conforme aux attentes des populations pour la coexistence pacifique dans un Mali de paix et de prospérité.
Il est enfin souhaitable que les candidats à l’élection présidentielle soient questionnés sur leurs positions par rapport au dispositif dans le but d’obtenir si possible d’eux le ferme engagement à travailler à l’application des conclusions du dispositif au cas où les actions n’étaient pas toutes mises en œuvre avant la tenue des élections comme cela est probable.
Les différents conflits que nous avons connus dans notre pays, en tant que confrontation de basse intensité et localisée ont tous débouché sur des demi solutions non abouties et finalement insuffisantes pour éviter la résurgence de la violence. Faisons en sorte que le conflit actuel, le plus violent et le destructeur qu’on ait connu, soit l’occasion pour faire les meilleurs diagnostics, proposer les meilleures solutions, par les principaux acteurs concernés qui en seront de fait les meilleurs gardiens ! Ce qui sera le gage ultime d’un Mali de nouveau réconcilié avec lui-même et engagé vers un essor durable.
Moussa MARA
moussamara@moussamara.com

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4 COMMENTAIRES

  1. Pourquoi voulez-vous que des groupes armés, dont le MNLA déposeraient les armes pour venir négocier ou faire partie du dialogue. L’armée malienne aussi doit déposer les armes, car elle a prouvé son irrédentisme à la vengeance contre les populations du Nord, depuis la décolonisation, c’est plus d’un demi siècle, et ce n’est pas les bonnes paroles qui les arrêteraient. Le racisme est encore vivant dans les esprits maliens, qu’il vienne du Sud ou du Nord et je pense qu’il y a beaucoup à faire,malheureusement la pauvreté n’aide pas à cela; Et cela fait le jeu des politiques incompétentes de Bamako, quand il y a un problème c’est toujours la faute de l’autre.Et ce sont ces derniers qui au lieu de résoudre ou de se pencher sérieusement sur le problème du Nord, on a encouragé le terrorisme et le trafic de la drogue, afin de noyer les revendications touarègues. Le terrorisme existait bien là,10 ans avant la libération du nord par le MNLA.

  2. Moussa Mara, le MNLA est en guerre contre le Mali et dans ces conditions comment envisager vous la paix sans des assises entre les belligérants, soyons modeste et mettons notre orgueil de coté. Le malaise du peuple est porté par un mouvement politico armé qui s’appelle le MNLA et je vois très mal votre approche, à elle seule résoudre le conflit.Arrêter de tromper les maliens ils ont dejas trop soufferts. Votre approche Monsieur Mara à mon avis peut être la deuxième étape d’un processus dont la première étape sera un accord politique et militaire négocier avec le MNLA. C’est à dire un accord qui précise le cadre et les principes du dialogue national et les responsabilités de chacun y compris le MNLA et les autres forces en présence.Sans cela mon cher Mara soyez sure que votre dialogue n’ira pas loin pas plus que ATT dans son aventure de Tuer le MNLA dans l’œuf à travers des milices de narcoterroristes qui ont fini par le(ATT) trahir d’ailleurs.Parcontre Mr Mara je reconnais tes efforts

  3. Vraiment Moussa Mara c’est une bonne approche que vous proposez ici pour la paix.Mais à mon avis vous oubliez carrément le plus important sans lequel votre dialogue et réconciliation sera à l’eau.Peut être vous l’oubliez par orgueil comme les députés de l’Azawad à Bamako où simplement parce que vous pensez qu’il faut faire l’avocat d’un gâteau à partager à la malienne comme le défendent le déshonorable Assarid ag Imbarcawane de l’assemblée nationale et compagnies.Comment pouvez vous envisager une paix sans votre adversaire,mais c’est irresponsable et c’est encore tromper les maliens. Moussa Mara, le MNLA est en guerre contre le Mali et dans ces conditions comment envisager vous la paix sans des assises entre les belligérants soyons modeste et mettons notre orgueils de coté le malaise du peuple est porté par un mouvement politico armé qui s’appelle le MNLAet je vois très mal votre approche à elle seule résoudre le conflit.Arrêter de tromper les maliens ils ont dejas soufferts.

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