La maladie à coronavirus a surpris les plus grands et met à rude épreuve leur capacité d’action. L’Afrique semble être à la traîne de la réaction. Après la fin de la pandémie, elle devrait apprendre à anticiper sur les terreurs prochaines et miser sur les laboratoires d’idées ou Think tank qui n’attendent que d’être écoutés. Entre études stratégiques et prospective, le continent doit refaire son retard très vite.
Les chefs d’Etat africains qui offrent deux, trois mois de leurs salaires, des chefs d’institutions et membres de gouvernements qui suivent la cadence, des sociétés et entreprises qui sortent le carnet de chèques, les partenaires bilatéraux et multilatéraux qui modifient leur portefeuille de coopération, la société civile qui monte au front de la sensibilisation, etc., tout le monde en Afrique, depuis ce mois de mars 2020, fait front commun dans une guerre inconnue, contre un ennemi inconnu ou du moins peu connu et sans stratégie affinée. “Nous sommes en guerre !” lançait six fois le président français Macron à ses compatriotes dans un discours télévisé le 16 mars dernier. Et comme on le dit : on sait quand commence la guerre mais on ignore quand elle doit prendre fin.
Mais qu’arrive-t-il à l’Afrique ? Cette question peut rapidement être taxée d’égoïste et de nombriliste dès qu’on se met à l’évidence que ce qui arrive au continent noir n’épargne pas le monde entier, les cinq continents. La planète tousse, s’enrhume, se grippe et meurt. Des morts en milliers en Chine, en Italie, en Espagne, en France, aux Etats-Unis, de centaines en Algérie, et tous les jours de dizaines dans plusieurs pays africains, etc. “Face à un fléau invisible et imprévisible, d’abord largement sous-estimé puis qualifié d’ennemi une fois que la vague déferlante est devenue inévitable, l’Humanité dans son ensemble est vulnérable et impréparée”, analysait Brahim Fassi Fihri le président de l’Institut Amadeus, Think tank marocain, dans une tribune sur le site Internet de son organisme.
Pardi ! Nous sommes en 2020 et comment une épidémie avec un virus qui donne de la grippe, fait tousser et donne de la fièvre peut surprendre tout le monde, surtout les puissants de ce monde, le monde développé, les sommités scientifiques dont les prouesses vont au-delà de notre planète ? Des articles, des témoignages nous ressortent les prédictions de Nostradamus, nous rappellent les pandémies de peste, de grippes à travers les siècles avec la même conclusion que l’humanité, en ayant à chaque fois pris un sérieux coup, s’est tout de même relevé.
Alors que nous semblions nager dans la guerre des civilisations prédite (Samuel Huntington), l’on semble nous indiquer par moult hésitations, insinuations que nous sommes entrés, à travers la grippe à coronavirus qui sévit depuis décembre 2019, dans une guerre biologique. Et pendant que l’Italie, l’Espagne, les USA et la France continuent de compter leurs morts, ces deux derniers pays – le bloc occidental, au risque de réveiller les démons de la guerre froide – se mettent à accuser la Chine, terre de départ de la pandémie, d’avoir caché la vérité, surtout celle des chiffres. Une querelle de clochers de puissants désemparés qui fait s’interroger le citoyen du monde par cette simple question : comment n’ont-ils pas vu venir cette “sale maladie” qui emporte “leurs” ou “nos” “vieux” en masse ?
Dépasser la surprise
D’un point de vue africain, cette maladie du Covid-19 vient s’ajouter à nos problèmes de tous les jours. Si les grandes puissances ont résolu la question de la “popote quotidienne”, de couverture sanitaire, d’eau et de courant, en Afrique ce sont les enjeux quotidiens des populations toujours plus rurales, plus pauvres. L’Afrique ne suit-elle pas juste le mouvement, tentant de se prémunir en programmes de prévention à coup de communication, de sensibilisation et d’information ?
Il y a tout de même une prise de conscience aux niveaux des élites politiques, une espèce de sursaut d’orgueil de bonne gouvernance si cela devait signifier littéralement s’occuper des angoisses des populations. “L’homme continue de faire des progrès tous azimuts, reculant chaque jour les limites de la science et de la technologie, y compris dans la conquête de l’espace. Pendant ce temps, sur terre, il manque de masques, de kits de test, d’équipements de protection individuelle, de lits, de respirateurs”, analysait il y a quelques jours le président sénégalais Macky Sall dans une tribune publiée à l’échelle de l’Afrique francophone.
Si son homologue malien, IBK, dans un discours à la nation le 11 avril demandait à chaque Malien d’être d’“être une digue pour lui-même, une digue pour sa famille, une digue pour sa communauté, une digue pour la nation, une digue pour l’humanité”, osons dire plus ailleurs qu’en Afrique personne ne voyait la vague du Covid-19 arriver sur les berges. Symptomatique du désarroi qui se pose aux décideurs africains, l’ancien Premier ministre malien Moussa Mara, sort de sa campagne électorale des législatives, où il est en lice dans une circonscription de Bamako, pour entonner : “Nous devons investir massivement dans le renforcement des capacités d’accueil et de traitement, identifier tous les lieux pouvant servir à cela, dans chacune de nos villes, nous préparer à réaliser des hôpitaux de campagne, commander des lits médicalisés dotés de respirateurs et chercher toutes les aides possibles pour ce faire”. Que vaut l’impératif devant l’évidence, l’urgence, quand le ver est dans le fruit ? Avec cette maladie, puissants et faibles, grands et petits sont surpris !
Et l’Afrique est en pleine épidémie. A sa propre vitesse. Au 15 avril 2020, le continent africain comptait 894 décès confirmés pour 16 744 cas enregistrés, selon des chiffres publiés par Agence France-Presse. Mais à l’échelle des pays africains, pris individuellement, face aux quelques dizaines de cas çà et là, le manque de respirateurs, de masques, de kits de dépistages vient afficher l’océan d’indigence en matière d’intrants sanitaires, de politiques de préventions pour les épidémies connues encore plus pour l’inconnue Covid-19.
A la décharge de l’Afrique, l’imprévision, une sorte d’insuffisance de prospective de cette maladie chez les pays dits développés et considérés comme les super et hyper puissances. Mais nulle excuse, car il faut ouvrir ses yeux ! Cette maladie est une alerte mondiale et l’Afrique doit entendre les coups de gong venus de Wuhan, de Bergame, de New York, etc.
Il faut dépasser le stade de la surprise. Lorsque le continent sortira vite de cette pandémie, et c’est le souhait de tous, avec “moins de casse”, ne devrait-il pas se rendre à l’évidence que, jeune qu’il est par sa démographie, par son histoire politique contemporaine, il devrait, dans une vaste vision de développement du système éducatif, donner une place de choix aux études stratégiques et à la prospective ? On le sait, ces deux matières – études stratégiques et prospectives – sont l’apanage à la fois de gouvernements et de structures indépendantes. Cela s’est beaucoup constaté dans les pays développés à travers les Think tanks, ces groupes de réflexion qui s’adonnent à la recherche sur les politiques publiques le plus souvent fondées sur des données probantes.
La plupart des gouvernements de pays avancés créent au sein de leurs propres structures, des plus importantes, des centres d’études stratégiques qui, pour la plupart, les aident à anticiper sur l’avenir. Cela ouvre la porte à la prospective chère à son créateur, le Français Gaston Berger, qui doit “préparer le futur de l’être humain”. Et pour être fidèle à la pensée de Gaston Berger, la prospective ne fait pas de la divination mais élabore des scénarios possibles et impossibles dans leurs perceptions du moment sur la base de l’analyse des données disponibles. N’est-ce pas là une des insuffisances des gouvernances de notre continent ? Cette incapacité chronique à prévoir la famine, les guerres, l’insécurité le plus souvent liées aux effets du climat ou des informations sur les ressources naturelles.
Où sont les analyses propres de l’Afrique ?
S’agissant de la maladie du coronavirus, ce sont des chapelles loin du continent qui ont sonné la cloche pour alarmer sur une hypothétique apocalypse en millions de morts si l’Afrique ne préparait pas sa guerre. L’ONU, l’OMS, le Quai d’Orsay ont déjà fait de la prospective à court terme sur les conséquences de la maladie.
A leur suite, c’est la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique (CEA), dans son nouveau rapport sur la pandémie de coronavirus publié le 17 avril, qui affirme qu’il se peut que jusqu’à 3 millions d’Africains perdent la vie à cause de la maladie. Pour y parer, il faudrait suivre le protocole de prévention de l’OMS et des autorités sanitaires des Etats du continent, ajoute le rapport.
Alors une question qui brule les lèvres : quelles sont les analyses propres de l’Afrique sur elles même et de sa riposte à cette pandémie ? Les réponses ne peuvent qu’être parcellaires. L’Union africaine a en son sein des organismes spécialisés dédiés aux études et recherches dans des domaines spécifiques. En ce qui concerne les maladies infectieuses, le Centre africain de prévention et de contrôle des maladies (CDC d’Afrique) en est l’instrument.
Son rôle est de mettre en place des systèmes d’alerte précoce et d’intervention pour faire face aux risques sanitaires, notamment les maladies infectieuses et chroniques et lors des catastrophes naturelles. Ses homologues des grandes puissances, avec tous leurs moyens, n’ont pas vu venir l’épidémie de coronavirus et donc le CDC peut être excusé. Pour autant la structure tente d’exister et servir au regard des briefings permanents qu’elle fait sur la situation de la maladie sur le continent.
Au 17 avril, son directeur John NKengasong, dans une visioconférence, indiquait que la région Afrique du Nord était la plus touchée en termes de cas positifs et de décès, précisant que les pays de la région avaient jusqu’à présent dénombré plus de 8100 cas positifs de Covid-19 ainsi que 713 décès, des chiffres en déca de ceux publiés ci-dessus par l’AFP. Pour autant, le CDC doit aller loin et vite en rendant compte de prévisions et de simulations sur l’impact de la maladie à moyen et long terme sur le continent. En a-t-il les moyens ? Ce n’est pas un secret, c’est bien là le talon d’Achille de l’UA, à savoir le financement de ses structures et de leurs actions.
Près de six décennies d’indépendances n’ont pas fait bouger les lignes dans la plupart des pays d’Afrique et surtout subsaharienne. Si la planification du développement est restée en bonne place dans les systèmes de gouvernance depuis les indépendances, sur la base des statistiques, les mutations profondes et rapides du monde depuis la fin de la guerre froide ont installé un système globalisé avec de nouvelles normes. Et les études stratégiques et la prospective sont dans cet ordre.
Aujourd’hui, l’on se réjouirait vite d’entendre tonner le nom du Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA) si l’on ne se rendait pas compte de suite que c’est une structure entièrement américaine.
Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, organisme du département de la défense des Etats-Unis, a été pensé dans des têtes militaires américaines en Europe, créé en 1999 et financé par le congrès américain pour l’étude des problèmes de sécurité se rapportant à l’Afrique, sert de forum bilatéral et multilatéral. L’Afrique à l’échelle de l’UA attendra encore d’avoir son propre centre d’études stratégiques.
On rétorquerait que l’UA a ses structures d’études, d’analyses et de recherches mais elles sont malheureusement reparties en secteurs, plutôt que d’être intégrés et pluridisciplinaires à la fois. C’est le cas du CDC cité plus haut, mais aussi du Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme (CAERT). Ce dernier est chargé d’effectuer des recherches et des études sur le terrorisme et les questions connexes.
Nous dirons que ces centres ont été créés pour répondre à des préoccupations soulevées à des moments précis mais pas réfléchis en termes de structures de réflexion pour offrir à l’UA une source de soft power consistante et utilisable pour se défendre et s’imposer aux autres puissances du monde. En la matière l’UA doit vite dépasser ses états membres qui sont pour la plupart à des années-lumière d’une telle vision. Quelques-uns s’y essaient avec des fortunes diverses.
Le Mali a créé en 1999 un Centre d’études stratégiques au niveau du ministère des Affaires étrangères. Il a pour mission d’apporter un éclairage au gouvernement dans le domaine des décisions à prendre en matière de relations extérieures, de défense et de sécurité. Le CES effectue des analyses techniques et prévisionnelles sur l’environnement international dans ses aspects géostratégique, géoéconomique et géopolitique.
Mais aux dires de plusieurs responsables qui l’ont dirigé, dont feu le général Lamine Diabira, ancien gouverneur de région et ministre, le Centre fait des analyses, élabore des rapports, les transmets à la hiérarchie qui les classe sans suite. Il faisait cette confidence en 2010, en marge des festivités du cinquantenaire du pays, faisant allusion à la rébellion au nord sur laquelle le Centre avait sonné plusieurs fois l’alerte mais vers des oreilles sourdes.
Le Centre est sur le point d’être renommé Centre d’études stratégiques et de prospective (CESP) à la suite d’un atelier de réflexion tenu à Bamako en novembre 2019. Selon l’actuel directeur, le général Mahamane Touré, ancien commissaire aux affaires politiques, paix et sécurité de la Cédéao, “il existe des universités, des centres de recherches qui ont fait des travaux de qualité. La plupart du temps, les résultats de ces travaux dorment dans les tiroirs. Nous voulons essayer de les exhumer et les mettre en valeur pour que ces actions puissent bénéficier aux citoyens maliens”.
Ce pays au cœur de l’Afrique de l’Ouest est en proie à une crise née d’une insurrection militaire, d’une rébellion touarègue et d’un foisonnement de groupes islamistes radicaux dans son septentrion, en 2012. A quelques semaines du coup de force des militaires pourtant, le président de l’assemblée nationale de l’époque, Dioncounda Traoré, candidat à l’élection présidentielle de la même année, déclarait lors d’une conférence de presse que “le non-respect des échéances pourrait avoir des conséquences dramatiques sur la démocratie avec l’éventualité d’un coup d’Etat”. La tenue de l’élection était en ce moment hypothétique et le vieux professeur de mathématiques qu’il est entrevoyait des équations avec des inconnues. Cette analyse était-elle arrivée aux oreilles du président ATT ? Si seulement un centre de réflexion lui avait glissé ces analyses sur de petites fiches. Mais nous semblions loin du compte.
Par ailleurs des Think tank privés se battent au Mali pour faire émerger les idées au bénéfice des decision-maker. C’est le cas du Forum de Bamako qui est à sa 20e édition et qui est à saluer pour sa régularité. Cependant, au Mali, jusque dans des milieux insoupçonnés, l’on se demande à quoi sert le forum, au grand dépit de ses organisateurs, qui semblent allumer une torche sur un océan obscur.
Des partenaires bilatéraux et multilatéraux du Mali comme la Banque mondiale ou la France sont, pour leur part, aux premières loges des utilisateurs des analyses et recommandations du Forum de Bamako. Quid des pouvoirs publics maliens ? Le président ou le Premier ministre ouvre toujours la cérémonie d’ouverture en présence du gotha des responsables institutionnels du pays. Difficile de ne pas entendre les échos de cette seule journée inaugurale.
A la suite du Forum de Bamako, d’autres laboratoires d’idées similaires ont fait leur apparition. Il s’agit du Centre d’études et de réflexion au Mali (CERM), présidé par l’ancien ministre Ousmane Sy avec comme membre l’ancien Premier ministre Moussa Mara, le Réseau citoyenneté et co-entreprenariat Joko ni Maaya et bien d’autres plus petits.
La Côte d’Ivoire a organisé le jeudi 18 juin 2015, la session de lancement des activités de l’Institut d’études stratégiques et de défense (IESD), sous l’inspiration du département ivoirien de la Défense. Il continue de se développer. Et pourtant, contrairement au pas lent des structures étatiques, au bord de la lagune Ebrié, quelques Think tank apportent leur part d’éclairage dans la marche de l’éléphant de l’Afrique de l’Ouest. On peut citer le Centre ivoirien de recherches économiques et sociales (CIRES), vieux de quarante ans et devancier d’autres groupes comme Audace Institut Afrique (créé en 2010), Institut AIAS (2014), Institut 9e et Perspective (I9P, 2018).
Plus antérieur, au Sénégal, le Centre des hautes études de défense et de sécurité (CHEDS), créé le 3 janvier 2013, placé sous la tutelle de l’Etat-major particulier de la présidence de la République, devrait, entre autres, répondre aux attentes des décideurs politiques sur des problématiques d’ordre stratégique qui affectent le développement du pays. Il faut dire que dans ce pays quelques Think tank privés tentent de se faire une place dans la foire aux idées.
Aux premières loges, le prestigieux Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), classé troisième meilleur Think tank africain en 2015 et 124e mondial. On peut citer d’autres comme Wathi, Initiative prospective agricole et rurale (Ipar), Institut panafricain de stratégie de l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise Cheick Tidiane Gadio.
En 2018 déjà, dans le cadre de la Journée internationale des think tank, la Cellule d’analyse économique et sociale (CAEC) de la Primature a organisé une journée d’échange sur le thème : “L’Apport des think tank dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques au Sénégal”. En plus, la capitale sénégalaise abrite depuis 2014 un Forum sur les analyses et perspectives en matière de sécurité qui réunit les décideurs de pays africains et de France.
En matière d’études, d’analyses stratégiques et de prospective, l’Afrique du Sud mène le peloton africain en termes de groupes d’études et de réflexion qui sont au nombre de 93. L’Institute for Security Studies d’Afrique du Sud (ISS, créé en 1991), l’Institut Amadeus de Casablanca au Maroc (2008), le Centre marocain d’études stratégiques (CMES, créé en 2014) ou encore le Centre international Kofi Annan de formation au maintien de la paix (KAIPTC, 1998, Ghana), Imani (2004) tous deux du Ghana, Kippra du Kenya (1999) sont des sujets de satisfaction et d’espoir pour le continent. Dans ce noyau dur, il faut signaler la percée de l’Institut Amadeus fondé en 2008 et qui s’est classé en 2012 à la 18e position mondiale des think tank de moins de 5 ans, selon l’Université de Pennsylvanie dans le global Go-To Think tank Ranking Report.
En 2013, il est le 1er au Maghreb. Aussitôt né en 2008, il fonde le Forum Medays qui, en dix ans, s’est forgé la réputation d’être le plus grand forum des pays du Sud au nord de l’Afrique, une sorte de rencontre entre l’Afrique et le monde. Les Medays sont classés à la 49e position mondiale des conférences internationales. Depuis sa création, l’IA publie de nombreux rapports mais aussi mène des études au nombre desquelles on peut retenir celle sur “Le Partenariat Afrique-Maroc : les 15 recommandations pour un co-développement responsable et durable” publié en juillet 2014.
Autre embellie, le classement de Imani du Ghana au 25e rang des groupes de réflexion les plus innovants à travers le monde. Ce tableau n’est pas exhaustif mais donne de l’espoir quant à la capacité de l’Afrique à penser d’elle-même sur elle-même pour elle-même.
Il en faut plus pour lui permettre de parer à toute situation non prévue comme cette pandémie du Covid-19. L’ancien ministre malien de la Communication et ancien fonctionnaire de l’ONU, Hammadoun Touré disait dans les colonnes du journal en ligne sénégalais, seneplus.com que “la crise du Covid-19 n’est pas que sanitaire. Elle a d’autres dimensions. Elle met en lumière les qualités d’anticipation et de vision attendues de nos dirigeants dont la gouvernance est plus que jamais scrutée et jaugée. Les gouvernés ont droit à la reddition des comptes, les plus nombreux espèrent la fin de leur infantilisation par des marchands d’illusions déguisés en opérateurs politiques”. Et le romancier ivoirien Gauz d’abonder dans le même sens dans Jeune Afrique : “Sur un continent où l’on n’a guère le loisir de vieillir parce que la mort est présente au quotidien, ce virus n’est qu’un mal parmi tant d’autres. Mais nos politiques en ont-ils seulement conscience ?”
Quand le virus partira, l’Afrique reprendra le cours de sa marche, en perspective de l’Agenda 2063, ce plan directeur visant à transformer l’Afrique en puissance mondiale de l’avenir. La gouvernance panafricaine devrait inéluctablement se reposer sur ces forces de réflexion que sont les Think tank africains, établis sur le continent ou ailleurs comme le Club 2023 à cheval entre Paris et Cotonou. Sa profession de foi pour l’Afrique en tant que producteur d’idées et créateur de débats est sans équivoque : “Club 2030 Afrique, institution à but non lucratif, s’est assigné pour mission principale de mettre ses compétences, son savoir et son énergie au service des organes de gouvernance africains afin de les accompagner dans le processus d’émergence qui mènera à un développement économique et social harmonieux à l’horizon 2030. A travers son activité, ce Think tank a pour ambition de devenir la première plateforme de réflexion en Afrique en œuvrant en faveur du partage des idées et des échanges entre la société civile, les entrepreneurs et les décideurs politiques locaux, nationaux et panafricains”.
Les grilles de lecture du présent et les capacités d’anticipation de nos dirigeants, caricaturées par les réflexions plus haut, sont à rude épreuve face à cette pandémie. De Casablanca à Dakar, de Nairobi à Pretoria, de Paris à Abidjan, les laboratoires d’idées au label africain, la plupart jeunes, grouillent de compétences formées dans les meilleures universités, motivées à l’idée de contribuer à donner vie à l’Agenda 2063, de sorte à permettre au continent de se doter de moyens d’entrevoir son avenir à court, moyen et long termes.
Lorsque nous sortirons de la terreur du Covid-19, nos pays et l’organisation panafricaine devront, chacun à son niveau, mettre en avant ces instruments de veille et d’analyse. C’est tout le sens des études stratégiques et de la prospective dont il faut entrer dans l’ère, vite et bien.
Journaliste-enseignant
Ancien conseiller à la Primature du Mali