Le bal des figurants

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L’environnement politique au Mali nous démontre bien que nous sommes, comme l’a théorisé Erving Goffman, dans la « mise en scène », une mise en scène de la politique. Ici, il s’agit de tout ce qui concerne la politique ou sur quoi la politique peut avoir un impact (culture, sécurité, économie, social, et sociétal).

Comme le montre E. Goffman, il est plus que jamais évident que notre environnement politique n’est en réalité qu’un théâtre où les politiciens -sauf hommes politiques- ne sont que des figurants.

Mahamadou Cissé

Des figurants qui –au vrai sens du terme- reçoivent des rôles, pas forcément que du peuple, et les jouent parfaitement. Leur acte de présence et leur absence d’efficacité montrent qu’ils font plus acte de figuration que d’avoir de réels impacts sur nos réalités. Ils confortent dans ces jugements à savoir qu’ils ne sont que des « acteurs » formatés pour jouer des rôles pour au moins signaler au public logé à la place du spectateur qu’ils sont là, bien présents. En revanche, des actes de présence qui servent à quoi ?

Un faux-semblant de parti majoritaire !

Divisé, incohérent, et dépassé, la majorité se cherche. La politique bat tout son plein dans le parti majoritaire. Coups bas, calculs, et manigances politiciennes n’ont jamais été aussi présents dans un parti qui plus a reçu plus de 75% au suffrage. Un parti qui, malgré le fait majoritaire, est en décalage avec son président « providentiel » en quête de solution de la part de la divine providence.

IBK n’est pas encore tout à fait la solution.

Un parti frustré car n’ayant pas porté jusque-là à la Primature l’un des leurs. Donc, hostile de facto à toute personne que le parti jugera « parachutée » ou considérera comme une menace à leur devenir politique, leur existence. Le cas Moussa Mara -sans parler de celui de Oumar Tatam Ly- en est une  preuve criante par la désolidarité et l’hostilité d’une majorité égoïste. Cependant, la réalité politique au sens politicienne est celle là aussi, une lutte pour la conquête du pouvoir où chacun défend et protège ses intérêts. Seraient-ils plus critiquables dans la majorité que les autres sur ce plan ?

L’électeur jadis, maintenant le citoyen se rend compte d’une absence pessimiste de vision optimiste, d’un dépassement du politicien face aux attentes et aux challenges. Pourrions-nous expliquer toutes ces « déceptions et critiques » par une crise dont on se rend compte qu’on est plus loin de la fin que proche de sa résolution. Certes, on ne peut ignorer ou occulter l’impact de la crise et sa dimension géopolitique et géostratégique. Toutefois, on est en droit de se demander par rapport à l’action concrète -au-delà du rôle- que le politicien pourrait jouer ou qu’ il avait promis de faire pour sortir le pays d’une crise qui nous cache toujours toutes ses fins.

Une majorité qui, de jour en jour, court à sa propre perte, comme si déjà résolue à renoncer à une possible tentative de réélection tellement n’étant pas elle-même convaincue de ses résultats. Par ailleurs, le déphasage, entre le climat qui prévaut sur le plan national et l’incohérence et l’incohésion dans la majorité, est un constat que le citoyen juge d’une indécence sans nom. Une majorité tiraillée et déchirée par des querelles intestines pour placer des hommes de confiance, souvent parachutés eux aussi, mais qui ne les dérangent pas comme dans les cas M. Mara et Tatam Ly, avant les prochaines élections. De même pour profiter au maximum du quinquennat avant de quitter le navire au profit d’un autre parti, ou en avoir la certitude de le reconduire à nouveau.

À l’inverse, quoi de plus normal pour une majorité qui, en face n’a affaire qu’à une opposition en trompe l’œil ?

Une opposition trompe-l’œil

La « mise en scène » prend tout son sens par rapport à une opposition qui surjoue pour montrer qu’elle existe, et qui s’efface quand il s’agit de porter la parole que la population souhaite entendre de la bouche de la classe politico-politicienne. Une opposition en quête de légitimité devant la difficulté de leurrer un jeune électorat qui a de moins en moins confiance en elle, et par extension à presque toute la classe politique. Une opposition qui ne pipe mot sur les sujets sensibles mais qui est présente pour surjouer devant les menus fretins. Des opposants ou des « acteurs » cherchant le premier rôle et qui ont du mal ou ont peur de sortir de leur casting.

Une opposition dont l’absence sur les sujets cruciaux est notoire. Comme un conditionnement à la Pavlov, elle saute au devant de la scène pour crier, juger, moraliser, et proposer, en interprétant son rôle à merveille. Par contre, se cache vite derrière les rideaux quand il s’agit de critiquer des faits extérieurs qui ont aussi leur poids dans l’actuelle crise, et porter haut les critiques et les questionnements de la population.

Le cas de l’accord est en un exemple. L’opposition a, par rapport à cet accord, besoin de largement de temps pour se consulter, se concerter, travailler, et se préparer pour parler d’un document de 30 pages engageant le devenir d’une nation. Face à cet accord, ils nous montrent de par leur amateurisme, qu’ils ne sont que des acteurs, qui jouent un rôle bien taillé pour eux. Ici, ils ont du mal à se mettre en scène, car le fait extérieur y pèse de tout son poids.

Le facteur temps comme excuse ? Hélas ! Ça ne marche pas. Comme ça se voit dans tout pays démocratique avec une opposition qui se veut sérieuse, respectée et respectable, l’opposition n’a guère besoin de temps ou de concertation pour réagir à la fois aux sujets brûlants et aux mesures politiques, économiques, et sociales de la majorité. Dans ces pays où l’opposition travaille sérieusement, les actions et les réactions se font à chaud sans concertation ni consultation comme excuse, car chacun sait ce qu’il fait ou doit faire. Comme l’exemple du parti CNAS-Faso Hèrè avec en sa tête le Dr. Soumana Sacko.

De ce fait, il ne faut pas généraliser et limiter cette opposition à ceux qui ont le plus chanté comme Tieblé Dramé et Soumaila Cissé dans les affaires aussi importantes des avions et des comptes publics. Sans surprise ni bruit de tambour, Dr Soumana Sacko n’a pas attendu, ni cherché l’excuse de concertation et de consultation, pour réagir tout de suite après la publication du pré-accord. En effet et en fonction de l’appréciation de tout un chacun, Dr Sacko a le mérite d’avoir fourni un travail critique et remarquable sur le pré-accord. Et au-delà des critiques, Dr Sacko n’a pas manqué de faire des propositions, et voilà un parti qui assume son rôle, qui ne fait pas acte de figuration, mais essaie d’agir sur les réalités.

Cependant, les Tieblé, Modibo Sibide, et Soumaila Cissé, avec le tout nouveau statut de l’opposition adopté en plus de ses avantages, brillent pas leur absence sur ce pré-accord, même si dans le passé, certains ont joué ce rôle d’opposition à leur propre frais. Par contre, ces trois hommes -pour ne citer qu’eux- ont besoin d’un faux-semblant, d’une concertation artificielle comme s’ils venaient de commencer la politique aujourd’hui. Ils ont besoin de bien se préparer pour réagir à un article de 30 pages, ou pour ne pas sortir du casting, et recevoir le courroux du fait extérieur. Ils nous démontrent  bien qu’ils ont un script et ne doivent pas s’en éloigner, d’où la concertation et le temps suffisant pour discuter ou passer sous silence leur incapacité à se prononcer clairement sur des faits et au risque de déranger et critiquer le fait extérieur.

Plus surprenant, T. Dramé -invité d’une émission politique- promet à un auditeur qui demandait à l’opposition de parler aussi de la cherté de la vie, de transmettre son message à l’opposition afin qu’elle le met sur son agenda. Incroyable, mais vrai car l’opposition à l’assemblée ou pas n’a que faire des politiques qui touchent le quotidien du citoyen. Toutefois, elle montre qu’elle est bien dans cette « mise en scène » à la Goffman, consistant à employer toutes les forces dans les futilités, ou à combattre un « mouton noir » qui refuse le code tout en cassant les logiques construites qui ne bénéficient pas au peuple, ou encore pour s’assurer les meilleures places « juteuses » au soleil et aux frais de la République.

Dans cette représentation goffmanienne de la scène politique malienne avec le manque de conviction, la fausse honnêteté et sincérité, l’absence de vision de certains leaders et leur fausse stratégie, le peuple au rang de spectateur se lasse de plus en plus du spectacle actuel indigne des idéaux de nos pères fondateurs. Le théâtre qui, malheureusement, se joue nous renseigne que les acteurs politiques sont dépassés par les réalités. Avec leur script en main, et ne sachant sur quel pied danser, majorité et opposition nous démontrent qu’elles ne sont que les deux faces d’une seule et même médaille.

Cependant, cette comédie théâtrale a assez duré car s’il fallait attendre en plus des nombreux attentats dans le Nord du pays, un attentat à Bamako, pour qu’ils se réveillent, travaillent ensemble sur l’essentiel, s’éloignent des faux-débats, s’arment de courage pour situer les responsabilités, désigner les coupables, et faire face aux réalités. Nous y voilà malheureusement. Et Le peuple en a marre de cette fiction interminable.

Soyez à la hauteur de la confiance placée en vous ! Soyez au-delà du rôle qu’on vous a assigné pour agir comme des hommes politiques sur les réalités avec des résultats.

Assez de représentation de soi, mais représenter plutôt le peuple dans sa volonté d’un Mali démocratique, sûr, et prospère.

Une contribution de Mr Mahamadou Cissé

 

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1 commentaire

  1. Excellente analyse monsieur Mahamdou Cissé.

    Si les hommes politiques étaient réellement honnêtent dans ce pays, s’ils n’avaient ne serait ce qu’un minimum de consideration pour le peuple, on n’en serait sans doute pas là, car la situation est plus que critique.

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