La violence faite aux femmes : “Plus aucune femme, plus aucune fille ne doivent être violentées.”

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Le 30 janvier dernier, à l’initiative du mouvement ‘’Haltes aux violences conjugales (HVC)’’, une marche silencieuse a réuni une foule importante autour des femmes de notre pays. De nombreux hommes et bien des jeunes se sont associés à cette manifestation de soutien contre les violences faites aux femmes, une atteinte volontaire à leur intégrité aussi bien physique que morale, violences qui se multiplient et tentent cependant d’être banalisées. Alors qu’il s’agit d’un délit particulièrement grave que la loi, encore trop peu répressive en la matière, devrait sévèrement sanctionner.

Pourtant, les chiffres, rien qu’au Mali et plus spécifiquement à Bamako, sont alarmants pour ne pas dire sidérants : en 2014, 353 femmes et en 2015, 603 femmes* ont été victimes de cet inadmissible fléau. Mais combien d’autres femmes ont-elles subi ces violences sans en faire état, sans oser porter plainte ? Sans doute bien plus !

Et que penser des discriminations quotidiennes, en de nombreuses occasions et en bien des situations, dont professionnelles, qui ont frappé sournoisement ou cruellement les femmes de notre pays ? Les estimations à ce sujet ne reflètent certainement en rien la réalité de ce phénomène persistant, l’homme jouant de la violence comme un outil de soumission visant à annihiler les capacités de défense des victimes.

La violence serait-elle devenue à ce point un acte simplement ordinaire pour l’homme, comme manger, boire, conduire ou palabrer ? Bref, un élément majeur de sa culture ? «Bien des violences se déguisent en un calme trompeur»**

Ce constat s’impose presque de lui-même tant ce «crime» – oui, c’en est un – semble coutumier, familier, ordinaire à beaucoup d’hommes. Parce qu’ils s’appuient, voire spéculent, sur le fait que la victime va se sentir coupable. Coupable de quelque chose…qu’elle n’a pas faite. Et comme si les coups ne suffisaient pas à le lui faire comprendre, les mots et les menaces accompagnent souvent les maux physiques infligés avec la même terrifiante violence. Voilà comment trop d’hommes adhèrent à une culture du déni de la violence qui culpabilise les victimes.

Admettre cette situation, c’est faire fi de la réalité de l’enfer que ces femmes vivent.

Admettre cette situation, c’est faire l’impasse sur la gravité des menaces qui les accablent.

Admettre cette situation, c’est consentir à valider les stratégies pernicieuses des conjoints violents qui formatent leur emprise et leur impunité.

Admettre cette situation, c’est accepter les troubles psycho-traumatiques nés de cette violence, troubles qui paralysent les victimes, incapables alors de réagir. La victime devient une proie prise au piège, humiliée, meurtrie, fracassée, parfois éliminée.

La violence conjugale est une question qui ne doit plus être considérée comme une affaire privée. A l’heure ou les efforts de nos Etats tendent vers l’autonomisation des femmes, cette violence est un obstacle à l’égalité entre les hommes et les femmes, aux droits fondamentaux des femmes.

Peu de monde s’interroge pourtant, face à ces diverses situations, sur un point crucial : comment un homme s’arroge-t-il le droit, uniquement pour lui, d’infliger la violence, parfois extrême, en toute occasion et au moindre prétexte. Et ce souvent depuis des années ? Comment un homme parvient-il à réduire l’espace, tant familial que conjugal, en un lieu de terreur et de non-droit ?

Car malheureusement, il faut le constater : ce n’est pas à lui qu’on exige des comptes, mais presque toujours à sa victime. Nouvelle violence morale pour elle, et souvent devant et par l’autorité censée la protéger et la défendre.

Il est plus qu’urgent, il est vital que ce fléau soit éradiqué. Oui, éradiqué tant il avilit, détruit, supprime des milliers de vies de femmes. Les conflits armés, les crises territoriales, les traditions d’un autre temps en tuent déjà tant, les femmes étant souvent les plus nombreuses victimes (viols, agressions sexuelles, esclavages, mariages forcés, etc.). Notre pays qui s’honore de valeurs humaines et sociétales qu’il entend  transmettre à tout citoyen ne peut laisser violer impunément les droits et les libertés fondamentales des femmes. Et bien évidemment des filles de notre Mali.

La jeunesse a non seulement sa part  de responsabilité et d’engagement dans cette lutte majeure contre toutes ces formes de violence, mais elle a le devoir d’en être au premier rang. Et de gagner, par l’exemple, par la dignité, et par la persévérance, ce combat.

Nous jeunes du Mali appelons à plus de vigilance et à la réactivité face à ce comportement inacceptable. Une tolérance zéro, à la criminalisation des violences conjugales,  le renforcement et l’application des lois en vigueur.

La jeunesse partage sans aucune réserve les termes et contenus de la déclaration qui a été remise aux femmes parlementaires à l’intention du gouvernement par le mouvement HVC et dont la presse nationale s’est largement fait l’écho. Tout comme la jeunesse souscrit pleinement à la proposition de décréter le 5 février : journée nationale de lutte contre les violences conjugales. Enfin, la jeunesse salue avec force l’initiative, organisée récemment et conjointement par l’unité Protection des femmes de la Minusma, l’ONU Femmes, l’UNFPA et les associations de défense des droits des femmes, d’un atelier de sensibilisation sur les violences et les discriminations envers les femmes auquel ont participé plus d’une soixantaine de députés. “Les femmes et les filles sont essentielles à la reconstruction et à la réconciliation au Mali” a déclaré à cette occasion M. Davidse Koen, représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Mali.

Plus aucune femme, plus aucune fille ne doivent être violentées.

«Si la non-violence est la loi de l’humanité, l’avenir appartient aux femmes».***

Jeunesse du Mali, dès aujourd’hui, c’est ton devoir de partager cet avenir, sereinement et respectueusement, avec les femmes et les filles de ton pays. Par la non-violence !

Par Mohamed Salia TOURE

Président du CNJ – Mali (Conseil National de la Jeunesse du Mali)

 

 

Contact : +223 66 74 50 18

momotoure@gmail.com

 

* Selon le rapport de l’ONU-femmes. Et  selon l’OMS, à l’échelle mondiale, 30℅ des femmes subissent des violences dans leur foyer.

** Robert Sabatier-Le livre de la déraison souriante (1991).

*** Gandhi – Tous les hommes sont frères (1969).

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