Pratiquement le Mali vit sous état d’urgence depuis 2015 suite à l’attaque terroriste contre l’Hôtel Radisson Blu de Bamako. L’état d’urgence est une mesure d’exception qui autorise les pouvoirs publics à restreindre certaines libertés fondamentales comme la liberté de circuler, la liberté de manifestation, la liberté de la presse.
Selon le Lexique des termes juridiques, l’état d’urgence «est un régime restrictif des libertés publiques pouvant être appliqué par une loi sur tout ou partie du territoire national, caractérisé surtout par l’extension des pouvoirs ordinaires de police des autorités civiles».
La Constitution malienne du 25 février 1992 évoque l’état d’urgence et l’état de siège. «L’état d’urgence et l’état de siège sont décrétés en Conseil des Ministres. Leur prorogation au-delà de dix jours ne peut être autorisée que par l’Assemblée Nationale. Une loi en détermine les conditions », nous enseigne l’article 72 de notre Constitution en vigueur.
Le gouvernement a le pouvoir de décréter en conseil des ministres l’état d’urgence sur tout ou partie du territoire national pour une période qui ne peut pas dépasser dix (10) jours. Pour toute prorogation, il doit passer devant l’Assemblée nationale qui adopte un projet de loi dans ce sens.
Les autorités administratives peuvent s’appuyer sur l’état d’urgence pour interdire tous cortèges, défilés, rassemblements et manifestations sur la voie publique. Elles peuvent aussi réglementer ou interdire le séjour des personnes dans certaines zones du pays. Il existe la loi n°2017-055 du 06 novembre 2017 qui traite de l’état de siège et de l’état d’urgence en République du Mali.
Selon l’article 6 de cette loi, « la déclaration de l’état d’urgence donne pouvoir à l’autorité administrative compétente :
1- de règlementer ou d’interdire la circulation des personnes, des véhicules ou des biens dans certains lieux et à certaines heures ;
2- d’instituer des zones de sécurité où le séjour des personnes est règlementé ou interdit ;
3- d’interdire le séjour dans tout ou partie d’une ou de plusieurs circonscriptions territoriales, à toute personne cherchant à entraver de quelle que manière que ce soit l’action des pouvoirs publics ;
4- d’interdire, à titre général ou particulier, tous cortèges, défilés, rassemblements et manifestations sur la voie publique ».
L’article 8 donne le pouvoir à l’autorité administrative compétente d’ordonner l’assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée de toute personne dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre public ou qui cherche à entraver l’action des pouvoirs publics.
L’article 9 va plus loin en permettant à l’autorité administrative compétente de :
« 1- ordonner la fermeture provisoire des lieux publics, tels que salles de spectacles, débits de boissons, lieux de réunions et de culte ;
2- interdire, à titre général ou particulier, les réunions publiques ou privées, de quelle que nature qu’elles soient, susceptibles de provoquer ou d’entretenir le désordre ».
Il ressort de l’article 13 que le décret instituant l’état d’urgence peut, par une disposition expresse :
1-conférer au ministre chargé de l’Administration territoriale, aux représentants de l’Etat dans la Région, dans le District, dans le Cercle et dans l’Arrondissement ainsi qu’aux autorités judiciaires compétentes le pouvoir d’ordonner en tous lieux des perquisitions de jour et de nuit ;
2-habiliter l’autorité administrative compétente à prendre toutes les mesures appropriées pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature, des réseaux sociaux, ainsi que celui des émissions radiophoniques ou télévisées, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales.
Quant à l’article 15, il confère à l’autorité administrative compétente le pouvoir de prendre toute disposition relative au contrôle des correspondances postales, télégraphiques, électroniques et téléphoniques.
L’état d’urgence est différent de l’état de siège et du couvre-feu. L’état de siège est le degré supérieur de l’état d’urgence. Il s’agit d’un régime d’exception qui confère à l’Armée la responsabilité du maintien de l’ordre. Quant au couvre-feu, il est une mesure qui interdit à la population de circuler dans la rue durant une période bien définie.