La Transition au Mali : un an déjà : de la révision de la Charte à la nécessité d’une nouvelle Constitution ?

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Un an après la chute du Président Ibrahim Boubacar Keïta, le Premier ministre, Choguel Maïga, vient d’annoncer l’organisation des Assises nationales pour la refondation du Mali. Cette décision donne de l’espoir au peuple et nous incite à proposer quelques moyens pour rétablir l’ordre constitutionnel, qui devrait contribuer à résoudre les si grands problèmes que rencontre le Mali depuis l’indépendance. Mais un avenir meilleur se dessine-t-il alors que les obstacles sur la voie de la refondation sont nombreux ?

Comme nous l’écrivions dans une récente chronique, sortir de cette crise aux multiples facettes doit passer par la rédaction d’une nouvelle Constitution. En effet, il est illusoire d’espérer que le texte de 1992 soit réactivé, parce que la Cour constitutionnelle a entériné la supériorité de la Charte de Transition. De surcroît, la Constitution de la IIIe République étant un quasi-calque de celle de la Ve République française, elle est inadaptée aux réalités maliennes. Pour que cette norme fondamentale voie le jour, le peuple doit être partie prenante, comme force de réflexion et de proposition ; il lui faut contribuer à répondre à cette question cruciale, qui porte en elle la somme des maux du Mali depuis 1960 : quelles sont les exigences imposées par la démocratie ? Autrement dit, il faut enfin régler les problèmes sociaux, culturels, économiques et sécuritaires. Or, à en croire ses déclarations passées, le régime de transition devrait céder la place aux civils dans six mois, après l’organisation d’une élection présidentielle et d’un scrutin législatif. Il y a donc beau lieu de penser que les Assises nationales pour la refondation du Mali pourraient produire des effets et que les promesses faites au peuple devraient bientôt se concrétiser. Mais est-il bien raisonnable de croire à de telles perspectives ?

Non, assurément, car le jour anniversaire de son coup d’État, le Président Assimi Goïta a confirmé la crainte de la communauté internationale et de la plupart des Maliens quant à la volonté de l’armée de se maintenir au pouvoir. En effet, le président de la Transition s’est adressé à la nation dans une intervention destinée à saluer ceux qui ont défendu la patrie au prix de leur vie, à rappeler les circonstances dans lesquelles les militaires sont arrivés au pouvoir, à synthétiser leur action et à annoncer le programme des réformes à venir. Or, si le discours est honnête et lucide en apparence, notamment sur la situation générale du Mali – car le colonel Goïta évoque bien la nécessaire « refondation de l’État » –, et fédérateur –, car il en appelle à l’unité –, il confine au plus grand cynisme. Au lieu de parler de coup d’État, ce qui aurait nui à sa légitimité, le chef de la junte, prudent, préfère l’euphémisme : le 18 août 2020, c’est le « Peuple [qui a pris] son destin en main ». Mais ce travestissement de la réalité ne trompe personne. Surtout pas quand, un peu plus loin, le Président Assimi Goïta justifie le putsch : l’« armée ne pouvait rester dans l’attentisme ; elle a donc pris ses responsabilités pour intervenir et permettre la concrétisation du vœu populaire, le changement […] en vue de la refondation de l’État ». Pourtant, dans une démocratie, l’armée n’a pas d’initiatives à prendre en matière politique ! De même, comment ne pas s’indigner des satisfecit de l’homme fort du Mali, content d’avoir instauré « de nouvelles institutions » et « un nouveau gouvernement » ? Les citoyens ne peuvent pas partager son enthousiasme, puisque personne n’a cherché à connaître leur accord sur ces questions cependant essentielles. À tout prendre, il semble que le chef de l’État ne se rende pas compte que les mesures prises ne reflètent non pas l’avis de la majorité, mais le sien seul. Par conséquent, si son programme est bel et bien louable, il n’est pas crédible. Qui peut croire que la caste en uniforme qui dirige le pays souhaite vraiment « sécuriser » le pays, le « développer », « instaurer une gouvernance vertueuse, réussir des élections transparentes » et « raffermir la cohésion nationale », au vu de son bilan catastrophique ces douze derniers mois ? Le pire réquisitoire qu’on puisse tenir contre la junte est de rappeler qu’elle a elle-même violé sa propre Charte de Transition le 24 mai 2021 quand le Vice-président a destitué le Président et le Premier ministre. C’est ce jour-là qu’il s’est offert son plus beau cadeau d’anniversaire. « Happy birthday, Mister President ».

Balla CISSÉ, docteur en droit public de l’Université Sorbonne-Paris-Nord et diplômé en Administration électorale de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

 

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