Depuis le village de Salamale, dans la Commune de Kangaba, à quelque 115 km de Bamako, un défenseur des droits humains de base réclame à cor et à cri une reconnaissance officielle de l’État pour légitimer le statut de son groupe au Mali.
Nanamoudou Traoré est le Secrétaire Général de la Brigade de Protection de l’Environnement de Salamale, qui a été créée en avril 2017.
Depuis ce temps, la brigade a soumis ses papiers aux autorités communales appropriées pour s’enregistrer en tant que groupe de droits de la société civile pour la défense de leur forêt et de leurs étangs piscicoles. Les autorités maliennes ont ostensiblement gardé le silence sur leur demande et ont délibérément refusé de leur accorder le permis requis, selon le témoignage de Traoré.
Il semblerait que les autorités tergiversent pour leur accorder un permis d’exploitation afin d’avoir une base pour criminaliser leur opération de protestation contre la déforestation et autres utilisations prédatrices des ressources halieutiques.
Cette action de la part des autorités semble être un modèle général car selon Traoré, à part la brigade fluviale et forestière présente dans la zone, aucune autre organisation n’y opère ou n’est enregistrée.
Bien qu’il refuse de dire qu’il est particulièrement visé, Traore rappelle que son travail a fait l’objet de harcèlement et de menaces de mort dans certains quartiers par le passé. Mais son engagement et sa détermination à continuer à assurer le leadership des autres réseaux de la brigade de base restent inébranlables et solides. Plus précisément, il a évoqué les menaces de mort qu’il a reçues de la part de certains villageois qui estiment qu’il marchait sur leurs intérêts en faisant son travail, mais il les a tout simplement ignorées pour ne pas créer d’autres problèmes.
Travailler dans le secteur de la forêt et des étangs piscicoles, dit-il, l’a encouragé et propulsé à servir de médiateur dans les conflits survenant entre les résidents impliqués dans la violation des lois circonscrites, concernant l’exploitation des deux ressources naturelles. Par exemple, M. Traoré parle des personnes qui veulent pêcher sans le permis requis par les autorités et de celles qui tentent de se faufiler la nuit pour aller couper du bois illégalement. Ces personnes ont généralement des démêlés avec la justice.
Il a mentionné deux chefs de village et un officier de brigade qui ont passé dix jours en prison à cause d’un problème survenu dans l’étang. Pour résoudre le problème, Traoré et son équipe ont dû s’adresser à la gendarmerie pour négocier et payer leurs cautions afin de les faire libérer.
Des situations comme celle-ci, explique-t-il, justifient le plus souvent leur intervention rapide pour servir de médiateur avec les autorités locales, y compris le maire, en vue d’un règlement.
“Par exemple, je m’assois entre les parties et je joue le rôle de médiateur en essayant de trouver un terrain d’entente pour toutes les parties afin qu’elles se sentent importantes et qu’elles règlent l’affaire entre elles au lieu d’impliquer les autorités locales”, de peur que l’affaire n’attire l’attention de la gendarmerie, ce qui pourrait conduire à la détention ou à des poursuites judiciaires contre les personnes concernées.
Il a révélé que lorsqu’une telle affaire est portée devant la gendarmerie, toutes les parties sont interrogées sur l’incident, puis ils essaient de calmer la situation de manière conciliante pour les parties et de les dissuader de porter l’affaire devant le tribunal de Kangaba, mais s’ils ne parviennent pas à convaincre les différentes parties, alors l’affaire est présentée devant le tribunal de Kangaba. En cas de non résolution de l’affaire par le dit tribunal, alors c’est soit à la cour d’appel, soit à la cour suprême de Bamako que revient la lourde responsabilité de départager les parties.
Il s’attribue le mérite d’une telle intervention, la décrivant comme “un cas clair comme de l’eau de roche du fruit de leur plaidoyer pour les défenseurs de base de la brigade.”
Traoré dit que leur organisation a des difficultés à documenter les cas qui se présentent, révélant qu’ils prennent alternativement des procès-verbaux de ce que les membres du réseau font, ce qui leur permet de prendre des décisions et de suivre le travail de chacun dans la brigade.
Traoré, 35 ans, travaille dans le secteur de la construction de bâtiments en tant qu’ingénieur, en plus de son travail de défenseur des droits de l’homme. La perspective de faire enregistrer son organisation semble très éloignée, sans solution immédiate en vue.
L’appréhension de Traoré quant à l’intention des autorités est une préoccupation soulignée dans le rapport d’évaluation de base ouest-africain des défenseurs des droits humains et de l’environnement de première ligne de 2021. Le rapport indique : “plutôt que de voir une amélioration de la situation, il y a une tendance régionale troublante en Afrique de l’Ouest vers le rétrécissement des espaces civiques, la criminalisation, la militarisation, la stigmatisation et des procédures d’enregistrement lourdes qui rendent difficile pour les défenseurs d’opérer indépendamment.” De toute évidence, l’enregistrement est un énorme dilemme pour les acteurs de la société civile dans la région.
Mais avec l’espoir toujours vivant, Traoré continue d’espérer que l’aide viendra un jour, de quelque part. C’est pourquoi il sollicite l’intervention et le soutien de la communauté internationale pour renforcer leur travail de visibilité et de solidarité afin d’élever leur rôle de défenseur des droits de l’homme.