L’effort et l’honnêteté intellectuelle exigent de parcourir le texte dans son intégralité afin de pouvoir apporter des observations sur ce document de 30 pages, du préambule aux dispositions finales à la page 16 et des annexes de la page 17 à la page 30.
Inutile de refaire l’histoire, la crise multidimensionnelle d’une gravité sans précédent qui a frappé notre pays et ébranlé les fondements de la République est passée par là et si nous en sommes à la négociation, c’est parce qu’il y eut une faillite de nos dirigeants à certains moments clés de notre histoire en ayant commis des erreurs d’appréciation (le démantèlement de l’outil de défense avec comme conséquences, les forces militaires restant incapables, sur les plans technique, logistique et humain de faire face seuls à une offensive au Nord); en ayant été faibles dans le traitement du problème des différentes rebellions touareg et en ayant concédé ce qui était inconcevable dans l’esprit des pères fondateurs; Aussi, le sens de l’anticipation et l’esprit de prévision ont manqué aux plus hautes autorités maliennes face à la menace de l’irrédentisme touareg depuis l’indépendance, mais nous n’allons pas refaire l’histoire et entrons dans l’ACCORD POUR LA PAIX ET LA RÉCONCILIATION AU MALI ISSU DU PROCUREUR D’ALGER!
Disons-le, tout n’est pas mauvais dans le document et personne ne peut s’opposer au développement des régions du Nord comme étant une partie intégrante de la République et d’ailleurs, il est bien précisé que certaines mesures concernent l’ensemble des régions administratives du Mali (article 4, chapitre 1 principes et engagements).
Certes, il n’est pas question explicitement de notions d’autonomie ou de fédéralisme de l’Azawad; mais, pour tout démocrate empreint des principes et vertus républicains, certaines dispositions font sursauter et constituent tout simplement des violations flagrantes et inadmissibles de la loi fondamentale qu’est la constitution de la République du Mali:
– Dans l’article 5, chapitre 2 fondements pour un règlement durable du conflit à propos de l’appellation Azawad, il est précisé que “l’appellation Azawad recouvre une réalité socio-culturelle, mémorielle et symbolique (sic! ), partagée par différentes populations du nord Mali, constituant des composantes de la communauté nationale. Une compréhension commune de cette appellation qui reflète également une réalité humaine, devra constituer la base du consensus nécessaire, dans le respect du caractère unitaire de l’Etat malien et de son intégrité territoriale.”
Faux! Toutes les populations du nord du Mali ne se reconnaissent pas dans cette appellation Azawad, car, il n’est pas sûr que les Songhaïs de Gao ou les arabes de Tombouctou profondément républicains partagent cette réalité, je dirais plutôt pure faveur accordée aux mouvements armés dans des termes aussi fumeux et l’impression donnée, c’est de limiter le nord du Mali à la seule région de Kidal en rébellion!
– “Une plus grande représentation des populations du nord au sein des institutions nationales”
Ceci constitue une violation de l’article 2 de la constitution de la République 2 Mali qui stipule: “tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée” et l’on se demande en vertu de quoi, les populations du nord auraient ces droits ou privilèges par rapport aux ressortissants des autres régions du Mali???
Pour qui connaît bien Kidal, la ville a été métamorphosée. Du point de vue de l’étranger, le constat c’est toujours le même dénuement, mais la réalité est connue et l’opinion malienne a toujours eu du mal à accepter de voir tant de fonds, de milliards de francs CFA se déverser sur les trois régions du Nord, alors que le sous-équipement est partout. En exemple, la région de Kayes [sud-ouest du pays] a changé de visage, certes, mais pas grâce à l’Etat, grâce aux ressources des travailleurs émigrés!
– dans le Titre II, questions politiques et institutionnelles, chapitre 3, cadre institutionnel et réorganisation territoriale, il est précisé une disposition: “les populations maliennes et en particulier celles des régions du nord auront à gérer leurs propres affaires sur la base du principe de la libre administration”
Cela soulève une série d’interrogations: Quel sera le rôle de l’état central, quelle place et quel regard sur cette gestion?
La contradiction, c’est qu’il est précisé dans le chapitre 5 la Représentation de l’Etat et le contrôle de légalité…
De même, “il est reconnu à chaque région le droit d’adopter la dénomination officielle de son choix dans le cadre des dispositions relatives au statut juridique et fonctionnement des régions”
Ceci constitue un abandon total de l’expression de la prérogative de puissance publique et il faudrait s’attendre à ce que Kidal s’appelle Azawad ou Touareg Land!
Les questions de défense et de sécurité sont traitées dans le titre III et on y parle de forces armées et de sécurité reconstituées qui devront inclure un nombre significatif de personnes originaires des régions du nord, y compris dans le commandement…
on ne sait pas exactement sur quelles bases; il faudrait prendre garde à ne pas commettre les mêmes erreurs qui ont consisté par le passé à y réintégrer des bandits armés qui n’hésiteront pas à prendre armes et bagages dès que l’opportunité se présente pour attaquer les forces loyalistes!
Il est également précisé dans l’annexe 2 de l’accord, traitant des questions de défense et de sécurité et l’intégration des ex combattants: …”Les membres des mouvements anciennement officiers des forces armées et de sécurité seront réintégrés au moins aux mêmes grades”…dans une totale impunité!!!
– Dans le Titre IV, développement socio-économique et culturel, chapitre 13, article 39, il est précisé que ” les parties conviennent, s’agissant des domaines de l’éducation et de la culture, de prendre les mesures suivantes:
– adaptation des programmes d’enseignement aux réalités socioculturelles des régions”…
C’est le risque de créer les germes d’une éducation à plusieurs vitesses et il appartient à l’appareil éducatif d’Etat de fixer un programme national d’éducation applicable sur l’ensemble du territoire de la République;
Oui pour la paix, mais quelle paix voulons nous pour notre pays, pour les générations futures?
– Celle qui portera en elle les germes de futures frustrations et divisions, donc sources de conflits en gestation?
– Celle qui crée 2 catégories de citoyens au sein de la République en raison de leur appartenance géographique?
– Celle qui fera la part belle à 2% d’individus égarés alliés de djihadistes, terroristes qui prétendent représenter 10 % de la population globale du septentrion malien parce qu’ils ont pris des armes contre leur pays si tant est que certains se reconnaissent en son sein et imposé une guerre stupide à notre pays et qui a fait autant de victimes entre les fonctionnaires froidement assassinés, de soldats tombés sur le champ de l’honneur fauchés par les balles de l’ignominie, de l’obscurantisme et du complot, bilan tristement lourd en pertes de vies humaines hélas!
– Celle qui accepte l’impunité de ceux qui ont fait d’une partie du territoire un no man’s land où les services publics sont absents, où les enfants ne vont pas à l’école, un îlot d’impunité, de trafics en tous genres?
– Une paix sans situer les responsabilités de ceux qui ont poussé des milliers de maliens à l’exil dans les pays voisins depuis plus de deux ans en raison d’une guerre stupide imposée à l’état?
Oui aux droits des minorités, mais alors de toutes les minorités dans le respect des valeurs républicaines, de la loi fondamentale. Les droits de la minorité touarègue s’arrêtent là où commence le déni de la République, là où la partition menace l’unité et l’indivisibilité de la République, la cohésion nationale.
Vive le Mali un et indivisible dans la paix, la justice et non dans le bradage et l’impunité!
SIS, Juriste