La problématique du financement du développement local au Mali : « Rôle et place des associations des pouvoirs locaux (Apl)

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Le développement local au Mali semble être marqué par une double anomalie. D’une part on constate un surinvestissement au niveau des collectivités territoriales décentralisées de plusieurs acteurs externes à celles-ci selon le modèle des approches par le  haut et, d’autre part, il n’y a pas assez d’actions publiques locales conduites par les acteurs locaux eux-mêmes.

Le surinvestissement en matière d’actions locales se traduit par :

Le grand nombre des acteurs du développement local dont l’Etat tient le rôle prééminent, les partenaires techniques et financiers, les ONG, les associations, les opérateurs économiques, les divers réseaux, les communautés religieuses, la diaspora, etc.

Le grand nombre de projets et programmes de développement local dans tous les domaines considérés comme prioritaires (éducation, santé, environnement, eau, assainissement, etc.)

Le grand volume financier : plusieurs centaines de milliards par an sont investis dans chaque pays pour le développement local à travers des prêts, des aides budgétaires, des subventions, etc.

La grande diversité des programmes financés (court, moyen et long terme, etc.). Certaines études font état d’une centaine de projets et programmes dans une seule commune et cela n’est pas rare dans le pays.

L’insuffisance de moyens techniques et financiers locaux :

Malgré toute cette  pléthore d’acteurs, d’outils et de démarches, il est souvent évoqué l’insuffisance des moyens techniques et financiers pour accompagner le fonctionnement normal des collectivités territoriales décentralisée et surtout pour investir dans le développement local, et ce d’une manière structurante. Plusieurs contraintes se présentent aux CTD. Il s’agit :

Du manque de personnel en nombre suffisant et techniquement compétent. La plupart du personnel en service dans les collectivités sont de cadres moyens, des ouvriers, des manœuvres et des bénévoles.

De l’absence totale et/ou insuffisance de locaux, d’équipement, de matériels pour produire et livrer des biens et services, ce qui fait des collectivités territoriales décentralisées des « coquilles vides » au regard des missions qui leur sont conférées.

De la faible mobilisation des ressources : l’exploitation judicieuse des études de type ECOLOC réalisées dans quelques communes de la sous- région ouest africaine relève avec acuité le problème de mobilisation financière des communes. La plupart des collectivités locales ont un caractère rural, marqué par des ressources financière insuffisantes (ou encore méconnues), des ressources humaines encore peu exploitées, un grand besoin de services de base. Les communes ont du mal à concrétiser leur vocation économique, avec pour conséquence de ne pas pouvoir répondre aux préoccupations légitimes d’amélioration des conditions de vie quotidienne de leurs citoyens, de ne pas prendre leur intérêt immédiat en compte.

Il en résulte des tares avérées ou supposées et cela est un prétexte pour déresponsabiliser les collectivités territoriales décentralisées qui souffrent réellement.

D’un manque de vision : l’une des grandes faiblesses des processus de développement des communes, c’est précisément le manque de vision, notamment la difficulté de la part des leaders/élus de projeter leur cité dans le futur (15-25 ans). La projection reste liée au mandat des élus. Or, s’inscrire dans nue vision prospective a l’avantage de permettre un regard dynamique sur les ressources locales (humaines, naturelles, physiques, techniques, etc.) et d’anticiper sur les conflits à venir. Avec une telle projection, les élus locaux pourraient s’interroger sur le devenir des jeunes qui seront gestionnaires des cités, électeurs et élus de demain.

D’une  faiblesse de dialogue : les travaux de recherche et les interpellations adressées au Laboratoires-Citoyennetés font ressortir en premier ligne les difficultés que rencontrent les agents et les institutions dans le travail de construction d’une citoyenneté, c’est-à-dire le sentiment d’appartenance à une collectivité politique.

D’une difficile maîtrise des transferts : dans le cadre de la décentralisation, l’Etat a transféré certaines compétences aux CL, mais elles restent peu maîtrisées, surtout celles entrant dans le domaine des services publics. L’information et la formation des élus ne suffisent pas à combler ce déficit.

D’un disfonctionnement des services : les constats établis par la recherche ont depuis le début montré les déficiences en matière de capacité (qualité, disponibilité, stabilité et accessibilité) des services publics à contribuer à améliorer les conditions de vie des populations. Les dysfonctionnements des services communaux ont pour conséquence la rupture de confiance entre le citoyen usager et leur collectivité. consécutif à la crise de l’Etat, ce dysfonctionnement des services communaux se présente comme une menace pour la pérennité des initiatives de développement, relevant tant des politiques publiques au sens classique que des «  projets de développement ».

La machine du développement local semble grippée par une incapacité d’absorption des moyens qui sont mis à la disposition des acteurs locaux et justifiants la gestion de quasi-entière des affaires locales par le haut.

Or, l’avènement du processus de décentralisation a été présenté comme une opportunité susceptible de propulser les dynamiques de développement local. Plusieurs éléments militent en faveur d’une telle idée :

La décentralisation et le développement local se déploient sur les mêmes espaces villages, communes, cercles, régions, etc.

La décentralisation et le développement local mettent à contribution les mêmes acteurs : élus communaux et régionaux, chefferies traditionnelles costumière, communauté  religieuse et magico-religieuses, représentants du pouvoir central, association et organisation de la société civile, etc.

La décentralisation et développement local se déploient autour des mêmes objets : les terroirs et les ressources naturelles, le service public de base, la fiscalité et la parafiscalité.

C’est dans ce contexte que les Associations des pouvoirs Locaux (APL) font leur apparition. Si pris individuellement les élus locaux ne représentent pour la plus part que l’ombre d’eux-mêmes, leurs consortiums ou organisations faîtières pourraient constituer une grande force de proposition, de négociation, d’interpellation vis-à-vis des décideurs politiques et des partenaires techniques et financiers sur l’échiquier national. Un vrai leadership de type nouveau pourrait émerger à travers les APL étant donné leur représentativité et leur légitimité que confèrent les élections locales.

Etant donné que l’offre en matière de financement du développement local est celle qui fait le plus défaut aux collectivités territoriales décentralisées, les APL devraient en faire leur principal cheval de bataille.

Notre réflexion examinera les divers contours de la problématique du financement du développement local au Mali et s’attachera à décrypter le rôle et la place des APL dans ce champ.

Nous articulerons notre exposé en trois (3) grandes parties :

Etat des lieux sur le financement du développement local au Mali : Qu’est-ce qui est fait en matière de financement du développement local au Mali ? Il s’agit ici de faire un état des lieux du financement du développement local à travers notamment les opportunités et les contraintes.

Entrée en scène des Associations de pouvoirs Locaux (APL) :

Quel (s) rôle (s) jouent ou pourraient jouer les APL dans ce processus de financement du développement local ? On s’intéressera ici notamment aux stratégies actuelles mobilisées par les APL pour contribuer plus efficacement à la mobilisation des ressources en vue du développement local.

Quelles sont les stratégies développées ou potentiellement utilisables par le APL pour mobiliser efficacement des ressources en vue du financement du développement local ?

Quels outils, démarches et méthodes susceptibles d’assurer le renforcement des capacités des APL en matière de financement du développement local ?

A suivre……….

Aboubacar Brahima SANGARE, Ingénieur Décentralisation et Ingénierie du Développement Local -DIDL 

 

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