La Libye dans le chaos  le sang et les larmes: Le festival des brigands  se poursuit 

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Le monde entier a suivi en direct sur les écrans de télévision l’un des crimes les plus monstrueux de notre histoire moderne perpétré par l’OTAN contre la Libye, à travers l’invasion de Tripoli. C’est à bord d’un navire de guerre qui a mouillé au large de la capitale libyenne que des milliers de soldats, appartenant aux forces spéciales des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, appuyés par des supplétifs des armées de pays sous protectorat américain,   ont débarqué pour ouvrir la voie aux troupes rebelles du Conseil National Transition (CNT). Equipés d’armes lourdes, de fusils d’assaut, de mortiers et autres armes de haute technologie, ces forces spéciales déployés au sol ont mené un véritable carnage.

Leur débarquement avait été précédé par d’intenses bombardements des objectifs militaires et des infrastructures économiques par l’aviation de l’OTAN. Des avions français, britanniques, italiens et américains depuis les bases de Trapani (côte Ouest de la Sicile) ou d’Amendola (Foggia, province des Pouilles) ont survolé nuit et jour le ciel libyen. Au total, selon le commandement conjoint allié de Naples, plus de 20.000 raids ont été menés durant les six derniers mois contre les troupes et les infrastructures libyennes dont 8000 attaques par bombes et missiles.

Selon plusieurs sources généralement dignes de foi, des chasseurs bombardiers F15 larguant plus d’une tonne de bombes à guidage laser (dont les têtes pénétrantes à l’uranium appauvri et au tungstène peuvent perforer des édifices renforcés) ont effectué de nombreuses attaques aidés par des hélicoptères de combat Apache dotés de systèmes d’armement les plus modernes. Ces hélicoptères qui mitraillaient sans arrêt tout ce qui bougeait, sont relayés par les avions Predator/Reaper télécommandés qui lançaient des missiles à guidage laser Hellfire, tandis qu’au même moment, des avions Radar Awacs intensifiaient leurs opérations de repérage grâce à une action coordonnée avec les rebelles du CNT qui en informaient instantanément le «team OTAN» qui décidait des cibles à frapper.

L’opération baptisée «Sirène» visait à couvrir au sol les forces spéciales et semer la terreur parmi la population, afin d’éviter toute résistance populaire à l’invasion de la capitale et  désorganiser la stratégie de défense de l’armée régulière dont les voies d’approvisionnement et les lignes de défense ont été pilonnées sans arrêt. A ce jour, il est impossible de faire une évaluation objective du nombre de victimes, mais les prochaines semaines nous donneront une idée de leur ampleur.

Ainsi donc, le monde entier a suivi la destruction planifiée d’un Etat souverain par les puissances occidentales qui ne se sont même pas données la peine d’observer les principes élémentaires de la morale et de l’éthique politiques en évitant des victimes civiles innocentes. Elles ne se sont même pas couvertes de scrupules pour organiser en plein jour, comme dans une scène de rodéo,  le plus grand vol du siècle : les immenses ressources pétrolières et gazières du pays et surtout les fonds souverains.

Les réserves pétrolières de la Libye sont estimées à 60 milliards de barils, avec un coût d’extraction considéré comme le plus attractif au monde. Quand au gaz naturel, sa réserve est estimée à 1500 milliards de m3.  Les fonds souverains libyens gérés par l’Autorité Libyenne d’Investissement sont estimés à 70 milliards de dollar. Mais, si on y ajoute les investissements étrangers réalisés par la Banque Centrale Libyenne et d’autres organismes nationaux de financement, ces fonds souverains s’élèveraient à plus de 150 milliards de dollars. En 2006, lorsqu’elle a été créée, cette Autorité Libyenne d’Investissement disposait de 40 milliards de dollars. En cinq ans, elle a réalisé des investissements considérables dans plusieurs sociétés en Afrique du Nord et au Sud du Sahara, en Asie, en Europe, en Amérique du Sud et aux Etats-Unis notamment dans des holding, banques, compagnies pétrolières, dans l’immobilier, l’Industrie, l’Hôtellerie, le tourisme, l’agriculture.

Après l’embargo occidental de 2004 et le retour des grandes compagnies pétrolières occidentales, la Libye disposait d’un surplus commercial faramineux de plus de 30 milliards de dollars annuels destiné en partie aux investissements étrangers. Selon plusieurs sources, ces fonds souverains ont donné des pouvoirs énormes de corruption entre les mains de hauts fonctionnaires proches du régime  et de nombreux ministres au point d’amener le Guide à livrer une bataille de Sisyphe pour que cette manne soit gérée au bénéfice des Libyens. Ces mêmes sources indiquent que, pour avoir repris le contrôle des fonds souverains qui lui avaient échappé quelques temps, Mouammar El Kadhafi s’est attiré le courroux de ses plus proches collaborateurs. Des dissensions au sein de l’Etat sont apparues au grand jour. Et c’est sur ces divisions que les dirigeants des Etats-Unis et d’Europe se sont appuyées pour provoquer des défections. La plus connue a été celle de l’ancien Chef du Protocole, Nouri Mesmari qui a atterri à Paris le 21 octobre 2010.

Considéré comme le «Libyanwikileak», il révéla à la DGSE (services français de renseignement) tous les secrets de l’Etat libyen, de la défense militaire aux alliances diplomatiques et financières, décrivant avec une admirable précision la carte du désaccord au sommet de l’Etat, donnant ainsi à Sarkozy toutes les armes pour abattre Kadhafi.  Il y a aussi un élément de cette 5ème colonne en la personne de Mohamed Layas, Représentant de l’Autorité Libyenne d’Investissement. Honorable correspondant de la CIA, il avait discrètement informé le 21 janvier 2011, comme l’a révélé Wikileak, les Etats-Unis du transfert de 32 milliards de dollars dans les banques américaines. Ils ont immédiatement été saisis par l’Administration Obama.

L’occasion faisant le larron, l’invasion  de Tripoli permettra aux dirigeants occidentaux de s’emparer, sans coup férir, des dépouilles de la Libye. Mais déjà avant cette invasion, l’exemple emblématique de ce vol organisé a été donné par les Etats-Unis qui, anticipant sur le scenario d’une invasion éclaire à Tripoli, avaient sommé ses alliés du Groupe de Contact lors du sommet  d’Istanbul en Turquie, de  recenser tous les avoirs libyens se trouvant sur leur sol et de les mettre à la disposition du CNT.

Pour donner corps à son projet, Washington crée une  structure n’ayant aucun statut juridique nommée «Mécanisme libyen d’échange d’information» chargée de la supervision de l’opération. Un scenario qui rappelle étrangement celui de l’Irak où l’Administration Bush créa secrètement le Bureau de Reconstruction et d’Assistance Humanitaire dirigé par le Général Jay Garner. Par la suite, ce Bureau de reconstruction va être littéralement noyé par l’Autorité Provisoire de la Coalition qui, une fois installée, s’est livrée à un pillage systématique des ressources du pays, allant même jusqu’à obtenir du futur Gouvernement irakien, qu’il accorde de larges concessions aux multinationales qui obtiennent le droit d’exploiter toutes les richesses du pays pendant un siècle

Plusieurs sociétés qui avaient financé la campagne de Bush fils, ont été bombardées par de juteux contrats. A l’exemple de la United Technology qui a vendu des armes au Pentagone, notamment les Hélicoptères Black Hawk et autres Sheahawk pour une valeur de 4milliards d’€, ou encore la  General Dynamics qui a vendu des sous-marins, des chars Abrams, des missiles Hydra pour un montant de 9 milliards d’€. Il y a aussi la Northrop Grumman avec son porte-avion, ses Cuirassés, ses avions bombardiers F14 Tomcat et F18 Hornet et avions sans pilote Global Hawk pour la somme 12 milliards d’€. Egalement la société Raytheon avec ses missiles Patriot et Tomahawk, sa bombe géante Blu 109 décrocha 12 milliards d’€. Mais deux sociétés  obtiendront le jackpot : Boeing avec ses Helicoptères Apache et Chinook, ses avions Awacs, ses bombardiers B 52 et F 22 Raptor pour 18 milliards d’€ et Lockeed Martin le fleuron de l’industrie d’armement fabricant des avions furtifs F 117, U2 Espions et C130 Hercule pour 25 milliards d’€.

C’est ce modèle qui sera exporté en Libye. Le premier acte de ce scenario a été donné le 9 août dernier par Mme Susan Rice, Représentante permanente des Etats-Unis auprès de l’ONU. Dans une lettre adressée au Comité des sanctions mises en place par la Résolution 1970, elle indiquait que son Gouvernement avait l’intention de dégeler 1 milliard 500 millions de dollars US appartenant à la Banque centrale de Libye, à l’Autorité Libyenne d’Investissement, à la Banque étrangère de Libye, au Portefeuille d’investissement libyen en Afrique et à la Compagnie Nationale Libyenne de Pétrole. Mme Susan Rice s’appuie sur l’article 19 de la Résolution 1970 (qui stipule qu’un dégel est légal lorsque les fonds sont destinés à des fins humanitaires) pour amener le Comité des sanctions à accorder une suite favorable à sa requête. Pour les Etats-Unis, la partie était gagnée à l’avance au sein du Comité des Sanctions.

La Libye ne pouvait pas s’opposer à ce vol, car elle n’y siégeait pas. Son ancien Ambassadeur avait fait défection, et en violation de l’accord de siège, le Département d’Etat américain n’a pas délivré de visa au nouvel Ambassadeur de Libye. Mais, mal lui en prit. C’est l’ambassadeur d’Afrique du Sud, Baso Sangqu, qui livra une bataille héroïque et fit échec à la manœuvre.  C’est le 25 août dernier, après la chute de Tripoli, que les Etats-Unis obtiendront le feu vert du Comité des Sanctions pour ce dégel, mais dans des termes moins favorables à ses options stratégiques, puisque le CNT, arrivé dans les fourgons de l’OTAN n’a pas  la reconnaissance officielle pour gérer ces fonds. Cependant, malgré ce fait, les Etats-Unis ont réussi une véritable tour de force en accordant aux Organisations humanitaires de son choix cette manne pour «répondre aux besoins humanitaires actuels et à ceux que l’on peut anticiper, dans la ligne de l’appel des Nations-Unies et de ses mises à jour prévisibles» comme l’USAID, avec 500 millions de dollars, aux sociétés d’approvisionnement en fuel et biens humanitaires nécessaires comme par exemple la tristement célèbre Haliburton, géant de l’équipement pétrolier également 500 millions de dollars, le mécanisme temporaire de financement pour payer les salaires et les dépenses de fonctionnement des fonctionnaires libyens, des dépenses alimentaires de l’électricité et d’autres achats humanitaires pour 500 millions de dollars. De cette somme, 100 millions de dollars  seront provisionnés pour des «besoins humanitaires  des libyens qui ne seront pas dans les zones sous contrôle du CNT».

Du côté européen, l’action des Etats-Unis est très instructive. Plus de 45 milliards de dollars de ces fonds souverains se trouvent dans leurs banques. Et pour avoir pris la tête du leadership médiatique de la coalition anti kadhafiste, la France et l’Angleterre n’entendent pas jouer les seconds couteaux auprès de l’ogre Sam. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy comme Barak Obama, tous deux candidats à l’élection présidentielle dans leurs pays respectifs, entendent récompenser les entreprises qui leur ont apporté leurs soutiens financiers pour obtenir le change. Sarkozy, au plus bas des sondages, mais porté au pinacle par toute la classe politique unanime sur l’engagement français dans cette guerre, à l’exception notable du Front National, s’est transformé en VRP afin que les entreprises françaises obtiennent le pactole. Quant à Barak OBAMA, la récession qui frappe de plein fouet l’économie américaine pourrait l’amener à injecter frauduleusement ces fonds souverains libyens dans l’économie américaine. Une opération sans risque, d’autant plus que le coût de la guerre en Libye sera porté par les Libyens eux-mêmes à travers l’intrusion des Institutions financières Internationales (FMI et Banque Mondiale) pour la reconstruction de la Libye, ou tout au plus par les Nations-Unies, la roue de secours de l’OTAN.

L’autre drame de l’invasion de Tripoli est l’extrême désinformation à laquelle certains médias occidentaux s’en sont livrés à cœur joie. Dans un contexte international où les frontières entre information et désinformation sont très floues et où la collusion structurelle des multinationales avec les Gouvernementaux occidentaux, les Groupes de presse et autres Think Tanks sont une réalité tangible, il n’est pas surprenant de voir comment ces pratiques de manipulations ont été utilisées à profusion. L’on se souvient de ces nouvelles à sensation sur la capture des fils de Mouammar El Kadhafi, notamment Saïf-Al Islam, laquelle information a été confirmée par la CPI dont l’indépendance et la crédibilité sont rudement malmenées  à tous les coups. L’on n’a aussi parlé de la cascade de défections des troupes loyalistes dont la fameuse garde prétorienne commandée par l’un des fils du Raïs qui a regagné la rébellion avec armes et bagages. Dans l’un et l’autre cas, le cinglant démenti apporté par les partisans du Guide a jeté sur certaines chaînes de télévision un lourd soupçon de partialité. D’ailleurs, il n’est pas difficile d’établir une cohérence interne et des articulations sur un ensemble de discours diffusés dans la grande presse et destinés à conditionner l’opinion publique internationale sur le caractère purement «humanitaire» de l’intervention militaire de l’OTAN. On n’y relève la collusion organique entre Etat, Capital et Média, laquelle s’inscrit dans un dispositif d’encadrement idéologique général et de militarisation des esprits. C’est ainsi qu’on pouvait voir des régiments de journalistes enrôlés dans les brigades de combattants rebelles, armés de caméras faisant de succulents reportages sur les «révolutionnaires» fonçant vers les lignes de front et remportant des «victoires décisives» sur les troupes loyalistes sous l’effet Zoom et les plan serrés.

On verra aussi la vedette et tête pensante de la rébellion, l’intégriste et philo-fasciste Bernard Henri Levy, mercenaire indécrottable de la plume, illuminé propagandiste du nouvel ordre mondial, s’inviter sur différents plateaux de télévision pour chanter comme un rossignol toute la portée politique  et symbolique de cette «victoire» des insurgés, ainsi que la vision messianique de la diplomatie française. Une analyse qui laisse transparaître l’effet bénéfique et galvanisant de la «révolution libyenne»  pour les  démocrates  qui se battent en Syrie. On pourra méditer sur cette sagesse russe qui dit que «dans la mare des mensonges, il ne nagent que des poissons morts» !
Dernier signe de ce matraquage idéologique et de l’action psychologique qui lui sert de support : la transformation de la figure de Mouammar El Kadhafi en un vulgaire malfrat dont la tête est mis à pris. Les appels au meurtre à son encontre passent en boucle sans émouvoir les belles âmes démocratiques qui sont pourtant nombreuses dans ce monde libre ! L’objectif final est d’éviter à tout prix de coller au Guide l’image d’un résistant anti-colonialiste. Pour y parvenir il faut des tirs groupés qui le réduiront à sa plus simple expression intrinsèque.

Malheureusement, ce travail médiatique et politique de déconstruction se heurte à la réalité des faits. Non seulement il ne survivra pas aux développements futurs de la guerre civile qui s’installe désormais en Libye, mais il contribuera à une large prise de conscience au niveau du continent africain qui découvre chaque jour d’avantage les mécanismes de domination, d’exploitation et de pillage de ses immenses ressources mis en place par les puissances du Nord et qui s’exercent avec une implacable cruauté. Ho Chi Minh ne disait-il pas que «le prix  de l’homme  baisse quand il n’a plus l’usage de sa liberté» ?

Nouhoum KEÏTA
Editorialiste pour Radio Kayira       
            

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