La question de la laïcité a toujours été l’objet d’un coup de foudre au Mali. Cette querelle autour de la laïcité est devenue l’objet d’un débat très houleux dans un pays majoritairement musulman qu’est le nôtre. Est-ce-que sa signification est mal comprise ou les maliens veulent jouer au bovarysme ? Alors, que signifie cette belle architecture qu’on appelle laïcité?
La laïcité signifie la séparation entre l’Etat et la religion. Cette séparation permet aux hommes politiques de ne pas sortir dans leur sphère pour rejoindre celle des religieux car, les deux sphères ont des misions très différentes même si elles sont centrées sur l’homme. Partant de cette définition, la réalité malienne est préoccupante dans la mesure où nous constatons la violation de cette belle architecture d’une part par nos leaders politiques assoiffés par l’odeur parfumée du pouvoir et de l’autre part, nos leaders religieux qui croient que c’est Dieu qui donne le pouvoir donc, pour cela ils ont le plein droit de s’immiscer dans la gestion du pouvoir, et politique, et religieux.
Alors que vivre dans un univers laïc, c’est avant tout se laver dans une eau lustrale. Le respect des principes de la laïcité ne doit pas être un vain gadget dans l’esprit des hommes maliens.
Faire de la laïcité un vain mot est un coup de boutoir, car elle permet le vivre ensemble, l’harmonie entre les hommes, elle est pacificatrice. Certains hommes très faramineux connaissent les actions pieuses de la laïcité car, pour eux, c’est l’unique voie qui peut permettre à chaque homme d’avoir l’amour du soi et de son prochain. Un vieux dogon, sage nonagénaire me disait ceci : “Si dans un Etat laïc, il est autorisé à un musulman de se marier avec une chrétienne, et à un chrétien de tisser des liens amicaux avec un traditionaliste, n’est-ce pas cela l’incarnation du paradis ?” Ce sage me surenchéri de ne point ressentir de la haine contre une personne qui n’est pas de la même religion que moi. Il voulait implicitement dire par là qu’on ne naît pas religieux mais plutôt humain.
C’était le combat de Spinoza dans le Traité théologico-politique de faire grandir l’idée qu’une réelle démocratie doit être laïque et que la laïcité est d’abord l’autonomie du politique par rapport au religieux, et l’indépendance de la philosophie, par rapport à la théologie et au politique, dans l’enseignement et dans la culture. Cette liberté est la condition du bonheur en communauté. Il nous apprend ceci dans son livre intitulé l’Ethique : “l’homme qui vit selon la raison est plus libre dans la Cité, où il vit selon la loi commune, que dans la solitude, où il n’obéit qu’à lui-même”.
La laïcité est une belle architecture, voire, une maison construite sur la base de l’amour, du bien-être, de l’entraide, de l’hospitalité, de la longanimité et surtout, du bon sens. La laïcité étant une maison, son soubassement n’est rien d’autre que l’entente positive entre les hommes. Cette entente consiste bien évidemment à accepter l’autre dans sa différence culturelle, politique et religieuse sans aucune discrimination de sexe et de sa race. La laïcité mérite la génuflexion.
La gésine de la laïcité au Mali a beaucoup permis à certains musulmans de se montrer très ouverts à leurs frères chrétiens et traditionalistes même si d’autres évoluent sur l’humus de l’époque médiévale. La laïcité et la paix constituent l’avers et le revers d’une feuille. Elles forment une idéalité rose et paisible de la vie humaine. Elle incarne également la tolérance. Ainsi, André Comte-Sponville disait ceci dans son livre intitulé l’Esprit de l’athéisme, “La tolérance, un bien trop précieux pour qu’on la confonde avec l’indifférence ou la mollesse. Rien ne serait pire que de nous laisser enfermer dans un face-à-face mortifère entre le fanatisme des uns quelle que soit la religion dont ils se réclament et le nihilisme des autres. Mieux vaut les combattre tous, sans les confondre et sans tomber dans leurs travers respectifs. La laïcité est le nom de ce combat”.
L’arme irréversible de la tolérance étant la laïcité, cette arme ne peut qu’être celle qui permet aux hommes d’être humains et non d’être des troupeaux. En incarnant l’esprit de la tolérance, elle incite l’humanité entière à voir dans la même direction et de conjuguer le même verbe qui est celui de “s’aimer”. S’aimer pour obtenir la grâce, la jubilation, la liesse et la béatitude doit être la mission principale de chaque homme doté du bon sens. L’homme malien doit s’ouvrir au respect sacré des principes de la laïcité et cela dans une atmosphère sereine et humaine.
Tidiani Bakary Guindo