La guerre mondiale au Mali Faisons d’une épreuve la meilleure opportunité sécuritaire pour l’Afrique de l’Ouest

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On a commencé par le chiffre de 3300. On est passé à 5 000 puis à 7 000, maintenant on évoque 9 000 militaires étrangers accompagnant les forces armées et de sécurité du Mali dans la lutte contre le terrorisme, les trafics de toutes sortes qui ont miné le nord de notre pays et ont failli emporter le Mali. Les Nations unies elles mêmes envisagent l’envoi de casques bleus pour signifier désormais que la donne a changé et que les Maliens doivent se préparer à voir dans leur pays de nombreux militaires étrangers avec d’autres acteurs (diplomates, paramilitaires…) dans leur sillage, finissant de situer désormais notre pays dans la cohorte des états sous assistance prolongée. Cela est à la mesure du danger qui nous guette et qui guette nos voisins et sans doute une large part du Continent africain et du monde civilisé.

 

Moussa Mara

Pour ceux d’entre nous, ils sont nombreux, qui sont très jaloux de notre indépendance et de notre souveraineté, cela est dur à vivre. Certes ! Néanmoins nous n’avons pas le choix car nous avons suffisamment démontré nos nombreuses faiblesses nous rendant inaptes à faire face à la menace. Nous devons intégrer cela et travailler avec cette donne. Cela d’autant plus que de cette situation à priori compliquée peut naître un nouvel espoir pour la sécurité dans le Sahel et la quiétude au delà. Autrement dit, d’une guerre longue et difficile peut provenir une bonne opportunité pour la sécurité de nos Etats. Si nous savons nous y prendre et si nous sommes suffisamment prévoyants pour amener nos nombreux partenaires à nous accompagner.

Le Mali et les Etats sahéliens sont face à un grand défi que nous sommes en mesure de résoudre en nous basant sur les difficultés actuelles pour poser le jalon d’un renouveau sécuritaire prélude d’une renaissance socio économique pour nos Etats. Cela nécessitera que nous arrivions à gérer toutes les urgences du moment qui ne sont pas seulement sécuritaires, mais aussi socio politiques. Cela nécessitera également que nous mettions en place des mécanismes permettant de poser les jalons du renouveau à moyen terme sur les plans sécuritaires et socio politiques. Cela nécessitera enfin que nous engageons les actions majeures permettant de régler les enjeux sécuritaires à long terme, encore une fois sur les plans sécuritaires et socio politiques.

Faire face à l’urgence de manière efficace (un an)

Sur le terrain, la nécessité d’une bonne intégration des forces maliennes, françaises et des effectifs de la Mission internationale d’assistance au Mali (Misma) est réelle. Il en sera de même avec l’arrivée de forces de l’Onu ou de la transformation de celles de la Misma en casques bleus. L’option de base a été de mettre en place des passerelles entre les états-majors en laissant les forces maliennes en première ligne et les autres en soutien. Cette option de base a été bousculée par l’intervention française. Il va falloir la revoir rapidement en tenant compte de l’évolution du terrain. L’urgence d’aujourd’hui est de fixer de nouveaux objectifs (sécurisation, finalisation de la reconquête,  traques des groupes terroristes…) et d’apprécier qui peut faire quoi et mieux compte tenu des moyens, des connaissances et des aptitudes des uns et des autres. Il faut également tenir compte de la nécessaire réorganisation des forces maliennes, des actions de formation, d’équipement…Cela va nécessiter que le devant de la scène ne soit pas seulement le fait de l’armée malienne, mais qu’ici où là certaines forces étrangères puissent s’occuper de certaines missions de combats…

Nous devons obtenir une plus forte implication des pays du champ, notamment la Mauritanie et l’Algérie, au moins par la sécurisation des frontières et la coupure de tous les réseaux d’approvisionnement des forces djihadistes et des trafiquants. Le renseignement terrestre est aussi un domaine où nos voisins du Nord pourront aider la coalition internationale en soutien au Mali.

Concomitamment à la réorganisation du dispositif sécuritaire et militaire qui doit se mouvoir au moins pendant un an dans cette nouvelle configuration, il est impératif pour le Mali de régler les questions socio politiques auxquelles nous faisons face. Nous devons sortir de la transition par des élections crédibles d’ici la fin de 2013. Nous devons engager des discussions entre Maliens pour définir ensemble les grands axes de notre vivre ensemble. A la malienne et de manière intégrée, sans exclusif et avec tous les acteurs des crises (société civile, élus, groupes armés reconnaissant les préalables fixés dans la feuille de route et non impliqués dans les derniers affrontements contre l’armée). Ces discussions doivent aboutir à des résolutions contenant des mesures de justice et de réconciliation pour que les bonnes conclusions soient tirées de ces crises.

La réorganisation de l’armée malienne pour être au cœur du dispositif sur son territoire est à entamer urgemment, ce qui l’affectera dans son implication comme cela est indiqué ci dessus.

Il nous faut urgemment disposer de forces armées pouvant jouer tous leurs rôles dans la conduite des différentes phases de résolution des crises sécuritaires dans le Sahel. La restauration de son dispositif de commandement, la reconstitution des unités combattantes, leur équipement adéquat, la formation des militaires et la restauration de nos capacités aériennes seront au cœur de ce qui est envisagé pour l’armée malienne et qui doit être mis en œuvre de manière urgente.

Nous devons maintenir la pression pour le maintien de l’implication poussée de la communauté internationale afin que ces différentes actions puissent être menées de manière concomitante. Les financements annoncés et d’autres appuis à chercher nécessiteront que les diplomaties de nos pays soient très actives et cohérentes pour pousser partout où cela est possible afin d’atteindre nos résultats. Nous devons tirer partie de la multitude d’attentions vers nous, mais nous devons le faire de manière coordonnée. Avec de la prévoyance, avec la clairvoyance de nos leaders, cela n’est pas impossible. Le Mali doit jouer un rôle crucial en la matière.

Nous organiser pour conduire le dispositif sécuritaire sur cinq ans

Il nous (le Mali, ses voisins du Sahel et tous nos amis) faudra au moins cinq ans pour résorber de manière significative toutes les menaces de cette zone. Il nous faudra travailler dans cet horizon pour être sûrs que la victoire militaire et sécuritaire soit définitive. En fonction de la conduite satisfaisante de la phase précédente, le dispositif massif conçu peut subir des aménagements (retraits de troupes étrangères, renforcement des rôles des forces maliennes…). Cependant, il est indispensable d’anticiper la poursuite durable des actions de lutte contre les forces négatives dans le Sahel.

Sur notre territoire, pendant cette étape, nous devons voir une bonne présence de l’armée malienne, mieux structurée, mieux équipée, plus légère, plus réactive, plus professionnelle, mais également dotée d’un dispositif de renseignement perfectionné alliant couverture aérienne et dispositif au sol. Les forces maliennes, sur notre territoire au moins, doivent être le squelette du système et poursuivre leurs missions dans ce cadre. Le dispositif se caractérisera par l’installation, sur toute la bande sahélienne (du Sénégal à Djibouti), de bases militaires plus ou moins solides. Sur notre territoire, les bases de Gao et Tessalit doivent être les principales avec autour les camps de Nioro, Nara, Léré, Tombouctou, Aguelhoc et Kidal.

Le Mali peut revoir le statut de certaines de ses bases pour les gérer avec ses voisins, y accueillir en permanence des contingents étrangers ou en faire des bases régionales sous commandement régional.

Avec nos voisins et les pays engagés à nos côtés, nous devons mettre en place des opérations conjointes contre le terrorisme. Ces opérations se caractériseront par des escarmouches permanentes, des harcèlements réguliers, des activités de coup de poing pour les sectionner, les disloquer et annihiler leurs capacités de nuisances. Nous devons porter la menace dans leurs camps pour ne pas la subir dans nos villes ou dans nos bases militaires.

Ce dispositif sécuritaire est destiné à répondre de manière efficace à la spécificité de la menace asymétrique que les groupes terroristes représentent. Nous devons faire évoluer nos outils de défense en fonction des menaces à combattre. Dans le Sahel mais également dans le Golf de Guinée avec la piraterie maritime. Ces pays doivent s’organiser pour faire face à ces menaces d’un genre nouveau comme nous devons l’envisager dans le Sahel.

Pendant cette période, sur un plan socio politique, notre pays doit mettre en œuvre les actions d’approfondissement de la décentralisation et de reformes territoriales qui permettront aux régions de mieux valoriser leurs potentialités, cela dans un environnement de démocratie réelle qui assurera une pleine légitimité du leadership. Nous devons également engager des actions d’investissements massifs pour le rattrapage de certains retards d’équipement des régions du Nord. Nous devons nous efforcer à engager également toutes les mesures de justice, de réconciliation et d’intégration sociales convenues lors des discussions entre les Maliens; cela de manière très rapide.

Les mesures envisagées dans cette phase seront très coûteuses. Chaque pays devra fournir des efforts importants en vue de la prise en charge d’une partie de l’effort. Cela nécessitera une augmentation des budgets de la Défense qui devront atteindre au moins 5% du PIB de chaque pays, notamment au Mali. Nous devons nous organiser pour obtenir l’assistance bilatérale de pays amis, mais aussi l’implication de la communauté internationale en accompagnement de l’Union Africaine et des communautés régionales concernées (Cedeao, Maghreb, voir Afrique de l’Est).

Anticiper pour mieux gérer les enjeux sécuritaires à long terme

La capacité d’anticipation conditionne notre aptitude à traiter les crises. Nous avons tous été surpris par la faible réactivité de nos voisins face à la menace. Les armées africaines se ressemblent sur les plans organisationnels, logistiques, de formation…Elles n’ont pas encore évolué en fonction de menaces asymétriques et ne disposent donc pas de suffisamment d’outils pour y faire face, à l’exception de certaines qui ont été forgées dans les épreuves.

Cette crise va permettre à l’armée malienne, mais également aux armées voisines de s’adapter au contexte et à son évolution. Les mesures de renforcement, de réorganisation sont à poursuivre pour obtenir une configuration de nos forces qui correspond à l’évolution des menaces. Dans un second temps, la collaboration entre elles ne doit surtout pas s’arrêter, au contraire ! Nous devons pousser l’intégration de nos forces armées et de sécurité pour aller à terme vers une seule armée sahélienne ou ouest africaine. Cela peut être envisagé graduellement mais le cap est à fixer. Cela sera d’autant plus facile que nos armées ont des structures similaires et que dans l’épreuve malienne elles auront collaboré de manière satisfaisante. Si nous y arrivons, cela jettera les bases d’une véritable intégration de nos pays qui s’épargneront ainsi les affres de conflits fratricides. Ils mutualiseront leurs moyens, positionneront leurs forces plus aisément sur le territoire du Sahel afin d’être plus réactives et donc plus efficaces. L’intégration des forces armées et de sécuritaire sera enfin une étape décisive vers l’intégration économique et politique, à l’échelle régionale et continentale.

Nous devons privilégier cette option plutôt que celle de forces en attente qui n’est en réalité que des unités de chaque pays, préparées mais maintenues dans leurs bases.

En nous fixant ces objectifs sur une période de dix ans, on pourrait plus facilement nous projeter, nous organiser pour l’atteindre et prendre toutes les dispositions utiles dans cette perspective. Nous saurons également saisir les amis de la cause panafricaine pour nous accompagner et réaliser ce vœu qui a sans doute été caressé par nos pères de l’indépendance partisans de l’intégration africaine.

Moussa MARA

moussamara@moussamara.com

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