La grève totale est une exception syndicale, c’est la négociation qui est la norme.

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Mandiaye Gaye - recrudescence - report
Mr. Mandiaye Gaye

La situation de l’école publique a atteint aujourd’hui un seuil critique très grave, mais il faut avoir l’honnêteté de reconnaitre quand même, que cela ne date pas de maintenant. Elle est la résultante d’accumulation de promesses et meures démagogiques, objectivement non applicables dans l’immédiat. Promesses et mesures qui ont été gelées sciemment, par Me Wade, durant son magistère. C’est ce dernier qui a rompu l’équilibre dans la Fonction publique, en supprimant le principe fondamental d’égalité de : A diplôme égale salaire égal. Actuellement, les grévistes  oublient de faire la genèse du problème pour mieux situer les responsabilités. C’est l’ancien régime qui a introduit dans l’enseignement toutes sortes d’éléments et de pratiques incompatibles avec l’éducation de qualité dans l’école sénégalaise. L’école publique ou celle de la République est en train d’être sacrifiée par une prise d’otage d’un syndicalisme enseignant anarchique, sans mesure et sans raison garder.

Certes, les enseignants en grève ont parfaitement raison et sont dans leur plein droit de réclamer leur dû, promis par l’Etat. Mais, suffit-il seulement d’avoir raison, pour franchir les limites du tolérable, surtout pour une question aussi sérieuse que l’école publique ? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle, à savoir pour des revendications pécuniaires, on s’engage à mettre en danger l’école publique et  sacrifier l’avenir des enfants de la République. Des enfants qui ne comptent que sur l’école publique pour apprendre, et sur qui, la nation compte pour demain ? Il est incontestablement reconnu par tous, que le niveau des élèves, dans le public, est d’une faiblesse notoire, ce dont les enseignants sont eux-mêmes conscients. Cette faiblesse est due à la faible qualité des enseignants introduits, sans aucune formation qualifiante, dans l’enseignement public depuis la première alternance. Pour un enseignement de qualité, il faut nécessairement des enseignants de qualité, voire les meilleurs, en nombre suffisant dans l’école de la République. Cette exigence de qualité devrait une des premières préoccupations des syndicalistes enseignants, s’ils étaient logiques et conscients avec eux-mêmes.

Mais, ces enseignants, qui ne veulent pas démordent de la grève totale, ne savent-ils pas que ceux qui donnent réellement le savoir, le font par sacerdoce ? Et, donner le savoir, ne peut être rémunéré à sa juste valeur.  Généralement d’ailleurs, de tels enseignants de qualité dédaignent parler argent, comme contre partie de leur œuvre. Ils se suffisent plutôt de la réussite de leurs élèves, ce qui les comble de plaisir.

Mais notre pays, ne manque-t-il pas de  militants fervents, défenseurs intransigeants et infatigables de l’école de la République ? Ecole, sans laquelle, la grande masse des enfants de la République, dont les parents, essentiellement,  sont de conditions modestes, seraient privés d’éducation scolaire. L’indifférence généralisée, affichée par les populations sénégalaises, peut bien le faire penser, comme si c’était uniquement une affaire qui ne concernait strictement, que l’Etat et les syndicats grévistes. Que nenni ! C’est une question d’importance nationale, pour laquelle une solution rapide et durable doit être trouvée dans les plus brefs délais. A cet effet, toutes les parties concernées, l’Etat, les syndicats et les populations ont l’obligation et la responsabilité d’œuvrer, pour une solution acceptable dans l’intérêt de l’école publique. Si la grève est bien un droit légitime reconnu par la Constitution, son exercice exige de la responsabilité et une haute conscience professionnelle des syndicalistes. Ceci, afin de bien mesurer toutes les conséquences ultérieures qui pourraient découler de leurs actions.

Les syndicalistes ont l’impérieux devoir de faire  le discernement  des rôles, entre  une entreprise privée capitaliste  et  l’Etat. Si l’entreprise gère ses affaires personnelles et ne cherche qu’à faire des bénéfices, le plus substantiellement possibles, en exploitation autant que peut se faire ses employés, l’Etat, par contre, gère les biens de la nation. Et justement, parmi ces biens, il y a l’école publique, un bien à nous tous, et que nous avons l’obligation absolue de sauvegarder, comme un outil précieux  d’éducation irremplaçable, contre tout sabotage ou une liquidation, synonyme de privatisation de l’éducation publique. Les enseignants grévistes abusent de la grève, comme une arme fatale contre l’Etat, mais c’est en réalité, au détriment de l’école publique. Mais sont-ils quelque part assurés d’impunité ? Ce sont autant de questions que tout le monde doit se poser.

En tout état de cause, les grévistes  doivent faire une introspection et mesurer les conséquences ultérieures de leurs actions sur l’école publique. Le statut de fonctionnaire offre certes des garanties, mais n’autorise pas tout quand même. Il doit y avoir des obligations relatives aux ayant-droits, et si tel n’était pas le cas, il y a faille quelque part.

Nous avons noté bizarrement depuis quelque temps, que seuls les syndicats relevant de la Fonction publique partaient  régulièrement en grève, et de façon récurrente. Mais pourquoi donc ? Nous avons remarqué, que certains enseignants  font la grève dans le public, mais dispensent des cours dans le privé, dans le même temps. Certains d’entre eux possèdent même des écoles privées. De telles attitudes, dans la présente situation de l’école publique, sont graves et expliquent certaines difficultés à trouver les solutions. Ceci montre  dans une certaine mesure, le manque de patriotisme et de mesure dans leur action syndicale. De tels actes pourraient être qualifiés de trahison de l’école de la République, de la jeunesse sénégalaise, et mieux, favoriser inconsciemment la privatisation de l’école. C’est une preuve irréfutable, que de tels enseignants, ne rouleraient que pour de l’argent, et sont loin de posséder l’idéal que l’on attend d’un véritable enseignant de qualité. Nous pensons honnêtement par ailleurs, que ce n’est pas honorable et moins encore une fierté, pour un enseignant, d’être à la base ou complice d’une entreprise qui conduirait l’école de la République vers une année scolaire invalidée ou même perturbée.

Il est tout autant malsain dans une république digne de ce nom, de tout  échanger ou traduire en argent, car il existe  bien des valeurs au-dessus de l’argent, telles que celle de servir sa patrie avec abnégation et défendre à tout prix l’école de la République…

Mais, qu’est-ce qui fait que dans le privé nous  n’y notons presque pas de grève en ce moment ? Pourtant, tout le monde sait, que les insatisfactions, le non respect récurrent et les violations incessantes du code du travail sont plus nombreuses dans les entreprises privées. Et, c’est bien en leur sein que les raisons objectives de faire une grève sont plus évidentes, compte tenu des situations précaires de l’emploi, comme les nombreux licenciements abusifs et autres  cas d’injustice dont les travailleurs sont victimes.

La grève, comme seule arme syndicale, fausse l’esprit fondamental et l’essence du syndicalisme. Le syndicat doit dans le principe œuvrer, pour défendre les intérêts matériels et moraux de ses membres et sauvegarder aussi l’outil de travail. Il est évident que seules des négociations sérieuses, qui excluent tout jusqu’auboutisme et toute démagogie, de part et d’autre, peuvent mener à des accords justes, fondés sur la réalité tangible.

A l’époque, il y avait très peu de syndicats d’enseignants, mais ils étaient efficaces, dynamiques, patriotiques et leurs dirigeants étaient aptes et très bien imprégnés de la chose syndicale. Ce qui n’est pas le cas avec une flopée de syndicats d’enseignants très peu représentatifs du reste, avec des dirigeants peu outillés et qui ne connaissent du syndicalisme, que l’arme de la grève. Ce qui est dommage ! On dit en wolof : « lu laate laamb » tout ce qui est excessif perd de la valeur.

Une grève, rien que pour satisfaire des revendications pécuniaires, est indigne d’un éducateur qui est considéré comme un précurseur. Un enseignant doit avoir réellement dans l’âme, l’amour et la vocation d’un éducateur, il doit être pétri de qualités  professionnelles et au service de l’école publique. Celle-là qui a produit tant de génies et de cadres de haut niveau bien formés.

Il faut que nos enseignants se réfèrent à l’expérience et apprennent humblement du savoir-faire de leurs valeureux devanciers. Ces enseignants émérites, qui ont usé rarement de la grève pour régler leurs problèmes, et pour qui, l’enseignement était un sacerdoce d’abord, un moyen de formation de citoyens dotés d’un esprit sain dans un corps sain, avant d’être un gagne- pain pour eux. Leur mérité était le devoir de former de jeunes Sénégalais, qui devenus parfois des sommités, leur seraient reconnaissants de leur avoir inculqué le savoir. Au demeurant, tout le monde sait que, seul le métier d’enseignant bénéficie de ce privilège particulier, de se voir honoré de manière inattendue un jour, par un ou certains de ses anciens élèves ou étudiants, pour le savoir reçu de lui.

Enfin, le souvenir de l’université populaire nous revient subitement à l’esprit. C’était une institution populaire à l’époque, que de valeureux enseignants volontaires avaient créé bénévolement, pour dispenser des cours à des nécessiteux, qui malheureusement n’étaient pas admis dans le public et n’avaient pas non plus les moyens de se payer des cours privés. Nous regrettons vivement aujourd’hui la disparition de ce bel exemple et cette race d’enseignants patriotes, qui avaient une haute conscience de leur noble métier et devoir d’éducateur. Cette grandeur d’âme et générosité, rien que pour aider des concitoyens démunis, mais pleins de bonne volonté d’apprendre. Ces anciens ont contribué largement et gratuitement à la formation à l’époque, de beaucoup de jeunes Sénégalais à devenir ce qu’ils sont devenus, sans bourse déliée. Tout le contraire de ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux.

Les enseignants grévistes doivent maintenant mettre fin à leur grève par patriotisme et pour sauver l’année. Sur la base du niveau des accords obtenus, qu’ils continuent les négociations en sachant raison garder et qu’à l’impossible, nul n’est tenu. Et que l’Etat, pour sa part, respecte les engagements pris, avec un échéancier précis d’exécution dans le temps, pour que les intérêts de l’école publique soient saufs.

 

 

           Mandiaye Gaye

                                                                                     Gaye_mandiaye@hotmail.com

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