La gestion partisane du président Macky Sall : Pourquoi je vote non au référendum?

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Les réformes proposées par le président de la République Macky Sall à l’exception de celle qui aurait dû ramener son mandat de sept à cinq ans, une promesse, plusieurs fois renouvelée, sont tout-à-fait différentes des conclusions les plus significatives des assises nationales que le candidat Sall avait bien paraphées et signées, sans aucune réserve, au lendemain de la création de son parti Alliance Pour la République (APR). Notre camarade feu Charles Guèye, un esprit généreux et ouvert, le représentant de l’Observatoire Républicain pour la Démocratie et la Citoyenneté ‘(ORDC), dans les différents cadres de l’opposition, a contribué à l’insertion de l’APR dans l’opposition dont beaucoup de membres étaient réticents à cause du comportement hostile  de son leader vis-à-vis des Assises Nationales.

Entre les deux tours de la présidentielle, le candidat Sall s’est rendu au domicile du Pr Amadou Moctar Mbow, président des AN et plus tard au siège de l’organisation au Point E pour, en présence des membres du Comité national de pilotage national, réaffirmer son engagement à appliquer lesdites conclusions. Nous l’avons rappelé dans un article publié dans des journaux[1] intitulé : « Le président Macky Sall va-t-il adopter la même posture que son prédécesseur ? » Il a, en tout cas, abusé de la confiance des Sénégalais en ne respectant pas son engagement. Le Conseil Constitutionnel n’a aucune responsabilité dans son reniement. On doit, d’ailleurs, le protéger, pour en faire une institution crédible aux yeux du peuple, étant composé dans sa grande majorité de magistrats et de professeurs de droit dont la compétence et l’intégrité ne devraient pas être mises en doute. Il faut le rendre indépendant des autorités politiques si on veut avoir une institution respectable aux yeux de l’opinion publique. La réalité est que ni lui ni ses partisans qui jubilent en ce moment ne voulaient pas de la réduction du mandat. Continuer à jouir du pouvoir pendant deux ans de plus vaut mieux pour eux qu’un hypothétique second mandat. L’avis du Conseil Constitutionnel constitue pour eux une bouée de sauvetage. Le problème du revirement est plutôt d’ordre politique.

Au reste, pourquoi le président Sall n’a-t-il pas publié  le texte intégral de la Constitution actuelle avec les modifications proposées ? En tout cas cela aurait permis aux nombreux Sénégalais qui n’ont pas, en tête l’ensemble des articles de la Loi fondamentale de se rendre compte que les immenses pouvoirs du président de la République vont rester intacts. Or, le problème de disfonctionnement des institutions se situe surtout au niveau de la présidence. Il n’y aura, de toute façon, aucun changement notable à ce niveau. Voici à ce propos, ce que nous disions dans l’article cité ci-dessus : « Il ne faut pas se faire d’illusions sur un éventuel changement significatif de la Constitution, surtout au niveau de l’institution présidentielle. Le président Macky Sall, comme son prédécesseur qui avait fait les mêmes promesses avant la première alternance 2000, ne voudra certainement pas diminuer les prérogatives que la constitution actuelle lui confère » Nous serons toujours dans un régime hyper présidentiel où l’occupant du palais de la République va concentrer tous les pouvoirs entre ses mains pour le reste de son septennat.

Tout le monde connait le processus par lequel l’actuel président de l’Assemblée Nationale, a été réélu récemment grâce au renoncement définitif de ses ambitions présidentielles.

L’augmentation du nombre des membres du Conseil Constitutionnel ne constitue aucun progrès dans la mesure où le président de la République nomme toujours la majorité absolue des membres (cinq) dont le président de l’institution ; les deux autres proposés par le président de l’Assemblée Nationale étant susceptibles d’être récusés. Cette augmentation va plutôt alourdir les charges  financières de l’institution. Ainsi le Législatif et le Judiciaire ne sont en réalité que des institutions, subordonnées au tout puissant Exécutif.

A cause de l’existence du Parti-Etat de fait, ne sont nommés, aujourd’hui, dans les postes les plus importants de l’administration et ses démembrements, que les militants de  l’APR  et certains alliés qui ne reçoivent, qu’une portion congrue. Cette façon de procéder est une des conséquences de la nauséabonde transhumance politique que le président Sall avait, pourtant, condamnée pendant le laps de temps qu’il a passé dans l’opposition. La politique népotiste qui avait existé dans les régimes de ses prédécesseurs, se poursuit Ainsi. Ceux qui sont nommés ont pour principale mission la massification de sa formation politique. Un exemple tout récent relaté par un journal[2] de la place nous apprend que le directeur général de la Poste a organisé une cérémonie de remise de matériels de nettoiement à plus d’une centaine de groupements de femmes de la commune de Thiès. Le comportement du directeur  du Port autonome de Dakar (PAD), nous rappelle celui d’un certain directeur des Chemins de fer du Sénégal au temps du pouvoir socialiste dans les années 90. Ce directeur déclarait faire du social avec l’argent de sa société, une société nationale. Il faut aussi déplorer les innombrables nominations à relent communautariste. Au vu de tout cela, que vaut  le slogan, la patrie avant le parti ?

Les postes importants de responsabilité doivent faire l’objet d’un appel à candidatures comme nous l’avons proposé dans un article[3] tout au début de la première alternance. Les jeunes sénégalais compétents doivent avoir les mêmes droits que les militants apéristes et autres. Cette situation d’injustice ne peut engendrer à la longue que frustration et révolte qu’un gouvernant conscient devrait éviter à tout prix.

Le deuxième mandat pose problème au Sénégal comme nous l’avions écrit dans une de nos contributions. Il est source  de toutes les dérives présidentielles aussi bien au Sénégal qu’en Afrique. Afin de permettre à n’importe quel président démocratiquement élu de se libérer des lobbys et maîtres chanteurs qui pullulent  dans ce Sénégal, il faut adopter le principe du mandat unique pour le président de la République, comme cela se pratique dans un certain nombre de pays démocratiques dans le monde : Mexique et Philippines : 6 ans ; Corée du Sud 7 ans. Cette proposition était contenue dans un article[4], « Un mandat unique pour le président de la République » Nous avions été inspiré  par la déclaration du président Sall lors de son premier voyage officiel aux Etats-Unis d’Amérique où il disait à ses militants que « le septennat est révolu. C’est le temps des rois et des empereurs ; dans une démocratie le mandat doit être réduit. J’espère qu’au terme de ce quinquennat les Sénégalais me feront à nouveau confiance pour présider aux destinées de notre pays » Il venait d’entamer son sixième mois de fonction présidentielle. C’est ce jour là précisément, qu’il a entamé sa campagne électorale actuelle pour un second mandat qui va durer sept ans (2012-2019).

L’idée d’un mandat unique qui n’a que des avantages, pour le peuple a fait son chemin car beaucoup d’hommes politiques et d’intellectuels sérieux comme les professeurs Babacar Guèye et Ibrahima Sow qui ne se soucient que de l’intérêt général ont repris l’idée à travers la presse. Nous pensons qu’en sept ans, un président patriote peut réaliser énormément de projets avant de passer le flambeau à un autre. Il faut souligner qu’un mandat de 7 ans, équivaut à deux mandats de 4 ans aux USA, au Nigéria, au Ghana moins 1 an. L’essentiel est que le développement de son pays soit son unique souci et que l’intérêt général soit au-dessus de toute autre considération.

Notre pays est indépendant depuis cinquante six ans (56) et il est toujours classé parmi les pauvres au monde. Notre unique handicap est constitué par le président de la République qui est au début et à la fin de toute action. C’est lui qui règle même le plus petit détail parce que le système est ainsi conçu.

Si le président avait proposé les réformes dès l’entame de son mandat, cela aurait permis à tout le monde d’être édifié à temps sur la date de l’élection présidentielle. En fait, nous avons un président de la République qui peut tout se permettre, sauf mettre fin à la vie d’un individu étant donné que la peine de mort n’existe plus au Sénégal.

Pourquoi je vote non au référendum du 20mars2016 ?

  1. Je vote non parce que je suis contre un régime où le président de la République concentre tous les pouvoirs au sein de l’exécutif, et contrôle le législatif et le judiciaire
  2. Je vote non parce que je suis pour un mandat unique de sept ans pour le président de la République ; afin d’éviter d’être en perpétuelle campagne électorale
  3. Je vote non parce que je suis contre un président de la République chef de parti politique.
  4. Je vote non parce que je suis pour un Premier ministre, véritable chef de gouvernement qui définit et conduit la politique de la nation comme cela se pratique dans les grandes démocraties du monde : Allemagne, Canada, Cap Vert, France, Japon, Maurice, Espagne, Italie et les pays scandinaves. C’est le premier ministre qui se présente devant l’Assemblée Nationale pour défendre la politique de son gouvernement. En cas de motion de censure, c’est son gouvernement qui est sanctionné et non le président de la République. Il faut aussi toujours prévoir l’éventualité d’une cohabitation entre un président de la République et une Assemblée nationale où sa coalition n’est pas majoritaire.

Enfin, hormis la forme républicaine de l’Etat, il est présomptueux de croire qu’on peut empêcher de futurs dirigeants du pays de soumettre au référendum d’autres projets de révision constitutionnelle.

 

 

Abdoul Aziz Diagne

Aadiagne262000@yahoo.fr

Ancien membre du P AI, membre fondateur de l’ORDC, des Assises Nationales, du M23, de Benno Siggil Senegal originel, de Benno Book Yakaar et de la CDS (Confédération pour la Démocratie et le Socialisme)

 

 Dakar, le 24 Février 2016

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